Un bâtiment résidentiel brûle après avoir été bombardé à Kyïv, en Ukraine. © UNDP Ukraine/Pavlo Petrov
Les 100 jours écoulés depuis le début de l’invasion russe en Ukraine ont été des semaines de « souffrance, de dévastation et de destruction à grande échelle » qui ont laissé un tiers de la population ukrainienne dépendante de l’aide humanitaire dans une guerre qui « n’aura pas de vainqueur », a déclaré vendredi un haut responsable des Nations Unies.
« Cette guerre n’aura pas de vainqueur, et au lieu de cela, nous avons été témoins de tout ce qui a été perdu », a déclaré le Coordinateur des Nations Unies pour l’Ukraine, Amin Awad, lors d’une conférence de presse marquant les 100 jours de conflit.
« Nous avons besoin de paix. La guerre doit cesser », a-t-il exhorté, alors que les négociations entre Kyïv et Moscou sont au point mort depuis plusieurs semaines.
« Nous marquons aujourd’hui les 100 jours qui se sont écoulés depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies », a dit M. Awad depuis Kyïv, lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève. L’invasion russe lancée le 24 février « a fait payer un lourd tribut à la population civile », s’alarme Amin Awad, parlant « des destructions, des dévastations dans des villes et villages » ainsi que des « vies, des maisons, des emplois et des perspectives perdues ».
« 100 jours de souffrance, de dévastation et de destruction à grande échelle »
D’une manière générale, le conflit ukrainien a fait un « nombre inacceptable de victimes » et a englouti pratiquement tous les aspects de la vie civile. Pour l’ONU, cette guerre est synonyme de « cent jours de souffrance, de dévastation et de destruction à grande échelle ».
Il s’agit de « cent jours de guerre sans répit, y compris des bombardements aveugles terrorisant les civils et des bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de maisons ». « Le bilan de cette guerre sur les civils est inacceptable », a fait valoir M. Awad, rappelant que cette guerre équivaut à « cent jours de vies perdues et de populations déracinées, des vies de millions de personnes brisées ».
En un peu plus de trois mois, près de 14 millions d’Ukrainiens, soit environ un tiers de la population totale de l’Ukraine, ont été contraints de fuir leur foyer, en majorité des femmes et des enfants – une ampleur et une rapidité de déplacement sans précédent dans l’histoire. M. Awad a ajouté qu’il y a 15 à 16 millions de personnes supplémentaires qui « restent dans leur foyer mais ont été également touchées par la perte de leur emploi ou de leur capacité à se déplacer ».
Un tiers de la population a un besoin urgent d’aide et de protection
Alors que des mouvements de retour en Ukraine sont également observés, les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires doivent être « prêts à soutenir leur retour de manière durable ».
« Dans une remarquable démonstration de résilience, des millions de personnes rentrent maintenant », a ajouté M. Awad, relevant que « rentrer chez soi, après avoir été forcé de fuir, est l’un des désirs humains les plus naturels ».
Malgré ces mouvements timides de retour en Ukraine, la situation à l’intérieur du pays reste imprévisible. Quelque 4.200 civils ont été tués par des attaques armées et 4.000 autres blessés, a rappelé M. Awad depuis Kyïv.
Sur le terrain, moins 15,7 millions de personnes en Ukraine, soit l’équivalent d’un tiers de la population du pays, « ont un besoin urgent d’assistance et de protection ». Les besoins de ces personnes pourraient augmenter si la guerre se prolonge jusqu’à l’hiver prochain, car « des millions de personnes pourraient être rendues très vulnérables par la destruction des centrales électriques et des dépôts de carburant », a averti le Coordinateur des Nations Unies.
Par ailleurs, plus de 5 millions d’enfants ont vu leur éducation suspendue – une génération entière dont l’avenir est en jeu. D’autres personnes – souvent les plus vulnérables – n’ont pas été en mesure de partir, notamment les personnes âgées et les personnes handicapées.
Cent jours de guerre ont mis le système de santé ukrainien sous forte pression
Après cent jours de conflit, le système de santé ukrainien est soumis à une forte pression, a également dénoncé vendredi l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Cette guerre a duré 100 jours de trop, brisant des vies et des communautés et mettant en péril la santé à court et à long terme de la population ukrainienne », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.
La guerre a accru les besoins en soins de santé tout en réduisant la capacité du système à fournir des services, en particulier dans les zones de conflit actif. Au 2 juin, il y a eu 269 attaques vérifiées contre la santé, tuant au moins 76 personnes et en blessant 59. Pour l’OMS, « ces attaques ne sont pas justifiables, elles ne sont jamais acceptables, et elles doivent faire l’objet d’une enquête ».
« Aucun professionnel de la santé ne devrait avoir à dispenser des soins sur le fil du rasoir, mais c’est précisément ce que font les infirmières, les médecins, les ambulanciers et les équipes médicales en Ukraine », a déclaré le Dr Hans Henri P. Kluge, Directeur régional de l’OMS pour l’Europe. « L’OMS fait tout ce qu’elle peut pour soutenir le ministère ukrainien de la Santé et livrer des fournitures et des équipements médicaux essentiels », a ajouté pour sa part le Dr Tedros, relevant toutefois que « le médicament dont l’Ukraine a le plus besoin est celui que l’OMS ne peut pas fournir : la paix ».
L’Agence sanitaire mondiale de l’ONU exhorte la Fédération de Russie à « mettre fin à la guerre ».
En attendant, les Nations Unies et ses plus de 260 partenaires humanitaires (dont beaucoup sont des partenaires locaux) ont intensifié leur action à « une vitesse record et déployé du personnel supplémentaire dans tout le pays pour soutenir la réponse humanitaire ». À ce jour, l’ONU a apporté une forme d’aide à quelque 8 millions de personnes dans les 24 oblasts du pays, y compris dans les villes assiégées et difficiles d’accès.
De plus, les Nations Unies ont assuré le passage en toute sécurité de quelque 600 civils de Mariupol, y compris ceux pris au piège dans l’aciérie d’Azovstahl, dans le cadre d’une opération humanitaire conjointe difficile et dangereuse avec le Comité international de la Croix-Rouge.
De nouvelles discussions nécessaires pour autoriser les exportations russes
Plus globalement, l’impact de la guerre en Ukraine dans la région et dans le monde est « profond et de grande envergure ».
Selon le coordinateur de l’ONU en Ukraine, l’impasse à Odessa et en mer Noire met en péril la sécurité alimentaire et des produits de base au niveau mondial. « L’insécurité alimentaire devrait devenir encore plus préoccupante », a dit M. Awad, soulignant que 1,7 milliard de personnes risquent de devenir plus pauvres à cause de la crise.
« Parallèlement, l’économie ukrainienne devrait se contracter de 45% cette année », a-t-il fait remarquer.
Face à ce scénario catastrophe pouvant conduire à une inflation et une hausse des prix des denrées alimentaires, l’ONU estime qu’une « solution à cette impasse exige un soutien urgent et requiert une volonté politique ». A ce sujet, le déblocage des routes commerciales de la mer Noire doit rester la priorité. « L’impossibilité d’ouvrir ces ports entraînera la famine, la déstabilisation et la migration massive dans le monde entier », a mis en garde le haut responsable onusien.
Dans ces conditions, de nouvelles discussions sont nécessaires pour parvenir à un accord sur l’autorisation des exportations russes dans le cadre de l’accord envisagé pour la reprise des exportations alimentaires ukrainiennes, a déclaré vendredi le coordinateur de crise des Nations Unies pour l’Ukraine. « La Russie a donné son accord de principe, mais il reste encore des négociations à mener pour faciliter les exportations russes », a conclu Amin Awad. (Fin)