- Toutes les régions enregistreront un recul du revenu par habitant
Le choc massif et brutal produit par la pandémie de coronavirus (COVID-19) et par les mesures d’arrêt de l’activité prises pour l’enrayer plonge l’économie mondiale dans une grave récession. Selon les prévisions de la Banque mondiale, le PIB mondial diminuera de 5,2 %[1] cette année, ce qui représente la plus forte récession planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour la première fois depuis 1870, un nombre sans précédent de pays vont enregistrer une baisse de leur production par habitant, indique la Banque mondiale dans sa dernière édition semestrielle des Perspectives économiques mondiales.
L’activité économique dans les économies avancées devrait décliner de 7 % en 2020, sous l’effet des graves perturbations qui ont frappé l’offre et la demande intérieures, ainsi que les échanges et la finance. Le groupe des économies de marché émergentes et en développement devrait connaître sa première contraction en soixante ans, avec une baisse globale de son PIB de 2,5 %. Les prévisions font état d’une diminution de 3,6 % des revenus par habitant, ce qui fera basculer des millions de personnes dans l’extrême pauvreté cette année.
Les pays les plus durement touchés sont ceux où l’épidémie a été la plus grave et ceux qui se caractérisent par une forte dépendance vis-à-vis du commerce mondial, du tourisme, des exportations de produits de base et des financements extérieurs. Bien que l’ampleur de la crise varie d’une région du monde à l’autre, tous les pays émergents et en développement souffrent de vulnérabilités qui sont accentuées par ces chocs exogènes. En outre, la fermeture des écoles et les difficultés accrues d’accès aux soins de santé primaires auront probablement des effets durables sur le développement du capital humain.
« Ces perspectives sont d’autant plus alarmantes que la crise risque de laisser des séquelles durables et de donner lieu à des difficultés planétaires majeures, souligne Ceyla Pazarbasioglu, vice-présidente du Groupe de la Banque mondiale pour le pôle Croissance équitable, finance et institutions. La première des priorités est de faire face à l’urgence sanitaire et économique mondiale. Mais, au-delà de ça, la communauté internationale doit s’unir pour trouver les solutions qui permettront de réinstaller une reprise aussi solide que possible et de lutter contre une aggravation de la pauvreté et du chômage. »
Le scénario de base prévoit un rebond mondial à 4,2 % en 2021, avec un taux de croissance de 3,9 % dans les économies avancées et de 4,6 % dans les économies de marché émergentes et en développement. Ce scénario table sur un reflux de la pandémie suffisant pour permettre la levée des restrictions nationales d’ici le milieu de l’année dans les premières et un peu plus tard dans les secondes, sur un amenuisement de ses répercussions négatives dans le monde dans la deuxième moitié de l’année, ainsi que sur un rétablissement rapide des marchés financiers. Les perspectives sont toutefois très incertaines, et dominées par des risques de détérioration, avec notamment l’hypothèse d’une pandémie plus longue qu’anticipé, d’un désordre financier durable et d’un affaiblissement du commerce mondial et des chaînes d’approvisionnement. Selon un scénario plus pessimiste, l’économie pourrait chuter de 8 % au niveau mondial cette année, et de près de 5 % dans les économies émergentes et en développement, tandis que la reprise mondiale se limiterait à juste un peu plus de 1 % en 2021.
Aux États-Unis, la contraction de l’économie devrait atteindre 6,1% cette année, du fait des perturbations liées aux mesures de lutte contre la pandémie. La baisse de la production dans la zone euro devrait atteindre 9,1 % en 2020, en raison du coup d’arrêt infligé à l’activité économique par l’ampleur de l’épidémie. L’économie japonaise devrait quant à elle reculer de 6,1 % à la suite du ralentissement de l’activité imputable aux mesures de prévention contre le coronavirus.
« La crise due à la pandémie de COVID-19 est exceptionnelle à de nombreux égards : elle s’annonce comme la plus grave récession enregistrée dans les économies avancées depuis la Seconde Guerre mondiale, tandis que les économies émergentes et en développement devraient connaître la première contraction de leur production en soixante ans, analyse Ayhan Kose, directeur de la division Perspectives de développement à la Banque mondiale. L’épisode que nous traversons entraîne déjà des révisions à la baisse des projections mondiales de croissance d’une ampleur sans précédent. Et si l’on se fie à ce qui s’est produit par le passé, on peut s’attendre à des risques de détérioration encore plus importants, ce qui signifie que les responsables politiques doivent se préparer à recourir à des mesures supplémentaires pour soutenir l’activité économique. »
La dernière édition des Perspectives économiques mondiales consacre plusieurs dossiers spéciaux à des aspects majeurs de ce choc économique inédit :
- La place de la récession liée à la pandémie de COVID-19 dans l’histoire : Une analyse de 183 économies entre 1870 et 2021 offre une perspective historique sur les épisodes de récession mondiale.
- Les différents scénarios de croissance : Les projections de croissance à court terme sont sujettes à un niveau d’incertitude inhabituel qui exige l’élaboration de différents scénarios.
- L’incidence du poids de l’économie informelle sur l’impact de la pandémie : Les répercussions sanitaires et économiques de la pandémie seront probablement plus graves dans les pays caractérisés par une prédominance du secteur informel.
- Les perspectives pour les pays à faible revenu : Les pays les plus pauvres paient un lourd tribut humain et économique à la pandémie.
- Les répercussions économiques régionales : Les différentes régions en développement présentent des vulnérabilités spécifiques qui les exposent de manière singulière à la pandémie et à la crise économique qui en découle.
- L’impact sur les chaînes de valeur mondiales : La désorganisation des chaînes de valeur mondiales risque d’amplifier l’onde de choc causée par la pandémie sur les échanges, la production et les marchés financiers.
- Les séquelles durables de la pandémie : Les profondes récessions liées à la pandémie vont probablement porter durablement atteinte aux investissements, éroder le capital humain sous l’effet du chômage et provoquer un affaiblissement du commerce mondial et des chaînes d’approvisionnement. (Ce chapitre a été publié le 2 juin)
- Les conséquences d’un pétrole bon marché : La baisse des cours pétroliers due à une chute sans précédent de la demande ne devrait pas permettre d’atténuer les effets de la pandémie, mais pourrait jouer un rôle favorable pendant la reprise. (Ce chapitre a été publié le 2 juin)
La pandémie souligne l’urgente nécessité de prendre des mesures sanitaires et économiques, y compris dans le cadre d’une coopération mondiale, pour amortir le choc, protéger les populations vulnérables et renforcer la capacité des pays à anticiper et gérer des crises similaires à l’avenir. En raison de leur plus grande vulnérabilité, il est absolument essentiel que les économies émergentes et en développement renforcent leurs systèmes de santé publique, mais aussi qu’elles répondent aux problèmes posés par la prédominance du secteur informel et le manque de filets de protection sociale et qu’elles engagent des réformes qui permettent d’assurer une croissance vigoureuse et durable après la crise.
Celles qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire et de conditions de financement favorables pourraient envisager d’amplifier leurs mesures de relance en cas de persistance des effets de la pandémie. Ces efforts devront s’accompagner de mesures qui contribuent à un rétablissement crédible de la viabilité des finances publiques à moyen terme, en s’attachant à renforcer les cadres budgétaires, à accroître la mobilisation des recettes intérieures et l’efficacité des dépenses, et à améliorer la transparence du budget et de la dette. Assurer la transparence de tous les engagements financiers, instruments assimilés à de la dette et investissements publics est une première étape cruciale pour instaurer un climat d’investissement attractif, et c’est un enjeu qui pourrait faire l’objet d’avancées considérables cette année.