Hier, lors de la Journée de Libération du Rwanda, l’Ambassadeur du Rwanda à Bruxelles, Dr Dieudonné R. SEBASHONGORE, a prononcé un discours dans lequel il passe en revue les progrès encourageants réalisés par le Rwanda en 27 ans après le Génocide des Tutsi. Lire son message :
Le 4 juillet 1994 est une date importante, si pas la date la plus importante dans la fondation de ce que le Rwanda est devenu. En effet, ce lundi de l’été 1994 sonnait le glas des 100 longues journées et 3 interminables mois du génocide perpétré contre le Tutsi du Rwanda. Cette funeste période fit plus d’un million de victimes, dont, 27 années plus tard, nous continuons encore de découvrir les dépouilles.
Ambassadeur du Rwanda à Bruxelles, Dr Dieudonné R. SEBASHONGORE
Le sentiment qui traversait l’esprit des troupes du FPR en ce jour était certainement complexe. Je peux l’imaginer. D’une part, le soulagement de mettre un terme aux supplices et atrocités que subissaient les Tutsi du Rwanda. Mais de l’autre, le poids de l’énormité de la tâche qui se présentait face à eux : la reconstruction d’un pays exsangue, vidé de sa population et aux infrastructures réduites à néant. L’ensemble du tissu socio-économique du pays a été détruit, c’était l’année zéro du nouveau Rwanda.
C’est grâce à la lutte de libération menée depuis le 1er octobre 1990 par ces jeunes hommes et femmes réunis au sein du Front Patriotique Rwandais (FPR) que les cris de réfugiés devenus apatrides et d’autres qui, depuis la fin des années 1950, étaient persécutés au Rwanda, ont trouvé une réponse en cette journée mémorable.
Nous leur en serons à jamais reconnaissants.
Le 4 juillet est aussi l’occasion de revenir sur le chemin parcouru depuis. Repensez aux efforts immenses qui furent nécessaires pour le rétablissement de la sécurité, la reconstruction des institutions et la relance de l’économie à travers une vision claire.
Les années qui ont suivi 1994 ont été caractérisées par les attaques des troupes génocidaires depuis l’ex-Zaïre. Ces derniers y occupaient des camps de réfugiés qu’ils coordonnaient armes au poing. Ils détournaient l’aide humanitaire, prenaient en otage des civils innocents et voulaient reprendre le pouvoir au Rwanda pour continuer leur politique génocidaire.
Le Gouvernement d’Union Nationale qui venait d’être installé n’avait qu’une seule priorité, celle de rétablir la sécurité, une fois de plus, sans pouvoir compter sur la communauté internationale. Ensuite, il fallait organiser le retour et l’intégration des réfugiés – comme vient de nous l’expliquer l’Honorable Mureshyankwano que je remercie encore. Ce retour joua un rôle important dans la reconstruction du tissu social sur les collines. Il fallut, ensuite, attendre les années 2000 pour atteindre une stabilité suffisante permettant une libre circulation dans tout le pays.
Au tournant du millénaire, même si le pays était relativement sûr, une nouvelle tâche attendait le gouvernement : reconstruire des infrastructures détruites – des écoles aux universités en passant par les bâtiments publics et les banques. Au-delà des bâtiments, c’est tout le système institutionnel que nous devions repenser. Il fallait faire un état des lieux du pays, définir un cadre et créer les organes dédiés à la mise œuvre de la reconstruction de notre nation tout en mettant le peuple au centre de toutes les préoccupations à venir. Ce cadre a été discuté dans des débats qui se sont déroulés au Village Urugwiro entre 1998-1999, et qui ont fixé les jalons de la nouvelle constitution, adoptée par la population en 2003.
Tout était à refaire et à réinventer. Permettez-moi de relever quelques exemples non exhaustifs, mais symboliques.
Ainsi en matière de gouvernance, nous faisions face à un défi de rétablir la justice tout en gardant à l’esprit l’unité et la réconciliation de notre peuple. Nous avons trouvé des solutions dans la tradition et nos tribunaux traditionnels Gacaca.
Un autre problème endémique était la corruption. La création de l’office de l’Ombudsman nous a permis de réguler cet obstacle au développement économique et de l’endiguer à terme.
En matière économique, l’Office Rwandais des Recettes a été mis en place pour améliorer l’administration fiscale et permettre progressivement au pays de financer son budget national et réduire la dépendance à l’aide internationale. Un processus de privatisation des institutions publiques, y compris la réorganisation des structures financière, a servi de base solide pour le modèle économique que nous connaissons aujourd’hui.
En matière du développement social, nous avons fait de la sécurité sociale une priorité avec la création d’une mutuelle de santé permettant à tous de recevoir des soins de santé de base sans se ruiner. Des solutions d’inspiration traditionnelles telles que Ubudehe et Girinka ont également permis de réduire la pauvreté tout en contribuant à la consolidation du tissu social.
Enfin, au niveau de l’éducation, qui pour rappel a été l’un des outils de la discrimination dans la première et deuxième République, le Gouvernement a beaucoup investi dans l’éducation et a donné l’accès à l’éducation à chaque Rwandaise et Rwandais.
Avec ces mesures, le socle d’une nouvelle société était dessiné. C’est dans ce contexte que le pays s’est doté d’une Vision2020 déterminant des priorités à long terme. Cette vision cherchait à transformer le Rwanda en une économie à revenu intermédiaire, dirigée par le secteur privé, basée sur le savoir et la diversification de l’économie. Cette transformation exigeait que le Rwanda fasse passer son PIB par habitant de 220 $ en l’an 2000 à 1 240 $ en 2020.
Pour atteindre cet objectif, if fallait encourager l’esprit d’entreprise et la création d’un secteur privé dynamique et compétitif. Le gouvernement, par le biais de l’Agence Rwandaise de Développent/Rwanda Development Board (RDB), s’est fixé comme priorité le développement des infrastructures et l’établissement d’un climat favorable aux affaires et aux investissements pour que le secteur privé puisse prospérer et catalyser la croissance globale de l’économie.
Cette période de renouvellement a aussi été l’occasion de rêver, de penser grand et d’imaginer des choses qui n’auraient pas pu être réalisables à aucun autre moment de l’histoire du Rwanda. Le Rwanda a, à maintes reprises, fait preuve d’une ambition considérable allant bien au-delà de ce que l’on aurait pu attendre d’un pays en développement. Cette vision qui a permis de transformer la vie socio-économique des Rwandais est le fruit d’un leadership exemplaire et visionnaire de son Excellence Paul Kagame, le Président de la République du Rwanda.
L’avantage de suivre un plan, c’est qu’il est facile d’évaluer ses résultats pour revoir sa copie ou encore redéfinir de nouveaux objectifs.
La période 2010 à 2020 a été l’occasion de faire le bilan des objectifs fixés une décennie auparavant. Les résultats étaient évidents dans les différents secteurs : dans l’éducation, les 12 années d’éducation de base étaient devenues la règle ; l’enseignement technique et professionnel produisait des forces vives pour l’économie. L’enseignement supérieur a été réformé et des institutions universitaires de renommée mondiale se sont installées au Rwanda pour répondre plus concrètement au besoin du marché.
S’agissant des infrastructures, le réseau routier s’est transformé, avec des routes macadamisées et éclairées à travers le pays. De la mise en œuvre du Kigali Master Plan au développement des villes secondaires en passant par l’installation de plus de 7,000km de fibre optique à travers le pays, la physionomie du Rwanda s’est métamorphosée.
Dans le domaine de la gouvernance, le principe de la démocratie participative est aujourd’hui bien ancré et s’exerce concrètement au sein de l’Umushyikirano ou des conseils locaux (Inteko z’Abaturage). La parité homme-femme a dépassé les objectifs initiaux, avec 61% de femmes au parlement et plus de 50% au sein du conseil des ministres. Notre expertise en matière de sécurité est exportée à travers le monde, au sein des troupes rwandaises servant comme Casques Bleus des Nations Unies.
Dans le développement social, plus d’un million de personnes étaient sortie de la pauvreté en 2012. Des programmes comme l’Umurenge Sacco ou Ejo Heza permettent à la population d’accéder au système financier ou de préparer leur pension. Le Rwanda est le pays au monde dont l’indice de développement humain a le plus progressé entre 1994 et 2019.
Enfin, La transformation de notre économie est évidente et les chiffres montrent que nous sommes passés d’une économie à faible revenu fondée sur l’activité agricole à une économie de services basée sur le savoir qui représente près de la moitié de la production économique. La croissance du PIB est aujourd’hui 5,3 fois plus importante (9,1 milliards de $) qu’en 2005 (1,7 milliard $). Avec un PIB par habitant actuellement estimé à 830$, le Rwanda aspire désormais à atteindre le statut de pays à revenu moyen d’ici 2035 et le statut de pays à revenu élevé d’ici 2050.
L’élan caractérisé par ses dernières années nous avait donné beaucoup d’espoir pour la décennie à venir. Malheureusement, la pandémie de Covid-19 a frappé l’ensemble du monde et le Rwanda n’a pas été épargné. Heureusement, l’excellente gestion de cette crise par le gouvernement rwandais a permis à notre pays de se trouver parmi les rares zones vertes dans le monde. Une fois de plus, je vous transmets mes remerciements pour le geste de la diaspora à l’endroit des plus nécessiteux.
Une campagne de vaccination est en cours depuis le mois de mars 2021 et l’objectif est d’atteindre la couverture vaccinale avant la fin de l’année en cours. Permettez-moi de saluer la générosité de nos partenaires européens dans cette course contre la montre et rappeler que le projet de produire nos propres vaccins s’est encore rapproché avec la signature d’un accord 3,6 Milliard du FRW il y a quelques jours à peine.
Ces points que je viens de vous présenter ont pour but de vous inspirer, vous, amis du Rwanda et Rwandais vivant à l’étranger. Nous espérons que cet état d’esprit à l’origine de notre libération et qui a transpiré dans chacune des actions de notre gouvernement serviront d’exemple à chacun d’entre vous.
Il est essentiel de rappeler ces différentes étapes de notre parcours pour éviter de tomber dans le piège des doutes qui sont levés en permanence à notre encontre pour vous faire remettre en question les réalisations concrètes de notre nation.
Bien que l’avenir soit incertain, une chose est claire : le monde reconnaît de plus en plus la trajectoire remarquable du Rwanda. C’est un incroyable retournement de situation pour une nation que beaucoup considéraient comme perdue il y a quelques décennies à peine.
Les faits sont plus que têtus depuis 1994, et même nos détracteurs les plus farouches ont dû se faire à l’évidence. Prenez l’exemple de ceux qui nous ont libérés et surtout rappelez-vous que le succès du Rwanda est le vôtre quoiqu’il advienne.
A nos jeunes, j’aimerais vous préciser que le Rwanda est à vous et compte sur vous pour consolider ses acquis et réaliser plus encore. Bonne fête de la libération et vive le Rwanda. Je vous remercie. (Fin)