Musafiri un habitant de Bukavu en train d’écouter la radio communautaire Svein. Photo : ONU Info/Esther N’sapu
En République démocratique du Congo (RDC), la Journée mondiale de la radio, qui est célébrée dimanche 13 février, ne passe pas inaperçue car la radio occupe une très grande place dans la vie de la population.
A cette occasion, la correspondante d’ONU Info en RDC, Esther N’sapu, est allée à la rencontre de médias, de journalistes mais aussi d’organisations qui collaborent avec des radios locales pour savoir quel rôle la radio joue dans la lutte contre des cas de justice populaire dans leurs communautés.
La justice populaire fait référence aux actes commis par des individus se faisant justice eux-mêmes. En République démocratique du Congo, la justice populaire est très répandue.
Une journaliste dans le studio de la radio Svein, une radio communautaire à Bukavu en RDC. Photo ONU Info/Esther N’sapu
Manque de confiance en la justice
A Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, Judith Asina Wenga, Directrice de la radio Svein, une radio communautaire pour le changement de mentalité à Bukavu, pense que si les gens ont recours à la justice populaire, c’est parce qu’ils n’ont plus confiance en la justice.
« Les gens n’ont plus confiance en la justice. C’est cette cassure qui fait que beaucoup ont recours à la violence. Nous avons déjà invité les défenseurs des droits de l’homme et les acteurs de la société civile dans nos émissions radios avec lesquels nous débattons sur le sujet. Le but c’est de dénoncer et décourager cette pratique au Sud-Kivu. Ce phénomène qui n’existait pas auparavant est devenu une pratique normale que la population et les autorités semblent négliger », explique-t-elle.
« Dans les différents quartiers de Bukavu, des présumés voleurs ou bandits sont souvent lapidés par la population. Nous avons constaté également la recrudescence des cas d’accusation de sorcellerie dans plusieurs territoires du Sud-Kivu », ajoute Judith Asina Wenga.
Les victimes sont généralement des « vieilles femmes » qu’on accuse d’être des sorcières et qui sont souvent brûlées vives par les populations. Cependant, des conférences publiques, des tribunes d’expressions populaires mais également des campagnes de sensibilisation de masse sont nécessaires pour amener les gens à mettre fin à ce phénomène.
La radio, « le quatrième pouvoir »
De l’autre côté du lac Kivu, à Goma, dans la province du Nord-Kivu, ONU Info est allée à la rencontre de la Benevolecija, une organisation néerlandaise qui diffuse des feuilletons radiophoniques, des discussions et des programmes éducatifs tout en promouvant la cohésion sociale.
Nielsen Witanene en est le responsable en RDC. D’après lui, « la radio reste le quatrième pouvoir car elle joue un grand rôle dans le changement des mentalités au sein des populations ».
Par exemple, explique-t-il, « nous avons déjà traités des sujets en rapport avec des cas de justice populaire dans les feuilletons qui sont diffusés dans environ une cinquantaine de radios partenaires. Cela faisait suite au lynchage d’un présumé bandit par les habitants du quartier Buhene à Goma ».
« Comme notre mission dans la région de Grands Lacs est de combattre la violence de masse, nous avons réalisé deux feuilletons radiophoniques intitulés « Maoni yako » et « Tukae Pamoja », soit « Ton avis » et « Cohabitons ensemble » en français, dans le but de pousser les communautés au dialogue plutôt qu’à la violence. C’est d’ailleurs notre méthodologie dans le renforcement de la cohabitation. Dans l’émission « Tukae Pamoja », les autorités locales et les populations avaient été invitées pour discuter de la justice populaire autour d’une même table et trouver des solutions durables pour que ces actes ne se répètent plus », explique-t-il.
La Synergie des associations des jeunes pour l’éducation civique électorale et la promotion des droits de l’homme au Sud-Kivu (SAJECEK) a documenté 130 cas de justice populaire au Sud-Kivu au cours de l’année 2021. Le consortium de Femme Au Fone (FAF), quant à lui, a documenté 35 cas de femmes lapidées et brûlées vives entre les mois de juin et décembre 2021.
« Les médias et les organisations de défense des droits humains ne cessent de condamner la persistance et la recrudescence des cas de justice populaire et appellent la population à amener à la justice les personnes soupçonnées d’insécurité dans nos milieux respectifs », souligne Nielsen Witanene.
La confiance des gens dans la radio est due en partie à son faible coût et à son omniprésence. Bien que la numérisation soit une tendance mondiale, l’accès numérique à l’information est loin d’être égal et de grandes différences subsistent entre les régions et entre les communautés, en termes d’abonnement à l’Internet et de possession d’ordinateurs à domicile. En comparaison, la radio reste abordable et peut être écoutée partout, même lorsque l’électricité ou la connectivité ne sont pas fiables. La radio est donc l’un des moyens de communication les plus populaires, utilisée par une écrasante majorité de personnes en République démocratique du Congo.
La Journée mondiale de la radio : « Radio et confiance »
La onzième édition de la Journée mondiale de la radio est célébrée dans le monde entier ce dimanche 13 février 2022, sur le thème « Radio et confiance ». Cette journée a été proclamée en 2011 par les États membres de l’UNESCO et adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2012 en tant que Journée internationale.
A ce jour, la radio reste l’un des médias les plus fiables et les plus utilisés. Au fil des ans, la radio a fourni un accès rapide et abordable à l’information en temps réel. De même, la radio a permis de couvrir des questions d’intérêt public, parfois de manière participative en laissant la parole aux auditeurs, jusqu’à aboutir à des changements dans la gestion des affaires publiques. Enfin, la radio reste un moyen important de sensibilisation, d’éducation et de divertissement. Faisant le lien entre les technologies « traditionnelles » et les technologies de pointe, la radio offre aujourd’hui une variété de contenus par le biais de différents dispositifs et formats, tels que les podcasts et les sites web multimédias.
À l’occasion de cette journée, l’UNESCO appelle toutes les stations de radio du monde entier à célébrer la 11ème édition de cet événement et plus d’un siècle de radio. (Fin)