Le militant associatif norvégien Eric Cameron, Président de l’ONG World Action for Refugees, a souligné la responsabilité imprescriptible de l’Algérie dans la situation humanitaire dans les camps de Tindouf dans le cadre de sa participation au Sahara Debate, une émission citoyenne diffusée sur les réseaux sociaux.
Dans un exposé qui se voulait factuel et objectif, M. Cameron a souligné que l’Algérie a délégué au “polisario” l’autorité sur une partie de son territoire en violation de la Convention sur le Statut des Réfugiés de 1951 et son Protocole de 1967, ainsi que de toutes les conclusions du Comité exécutif du Haut-Commissariat aux Réfugiés.
Cette situation exceptionnelle au regard du droit international humanitaire permet au “polisario” de se livrer à des violations systématiques des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf pour étouffer toute contestation de sa légitimité. Ainsi, détention arbitraire, enlèvements, et tortures s’abattent sans relâche sur la population civile, avec la complicité active de l’Algérie. En effet, a relevé l’expert norvégien, “la responsabilité morale, légale, et pénale de l’Algérie est pleinement engagée s’agissant des violations commises sur son territoire, dans les camps de Tindouf”, le pays hôte étant détenteur d’obligations spécifiques de prévenir, d’enquêter, et de réprimer les violations des droits des personnes sur son territoire, tout en leur assurant des voies de recours.
Pour rappel, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a exprimé en 2018 “ses préoccupations quant à la dévolution de facto des pouvoirs de l’Algérie, notamment juridictionnels, au polisario”. Poursuivant son analyse de la situation humanitaire dans les camps de Tindouf, M. Cameron a mis en exergue, rapports à l’appui, le détournement de l’aide humanitaire destinée à la population civile par l’Algérie et le “polisario”, des agissements que le Haut-Commissariat aux Réfugiés et le Programme Alimentaire Mondial ont dénoncés à la suite d’une mission d’inspection conjointe menée en 2005.
L’expert norvégien a souligné que les deux agences onusiennes ont mené cette mission à l’instigation de la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO), qui avait décidé en 2003 de réduire de moitié l’aide humanitaire octroyée aux populations des camps de Tindouf, après avoir constaté des pratiques de détournement dans les camps. En 2007, c’est au tour de l’Office Européen de Lutte Anti-Fraude de s’inquiéter du détournement des aides humanitaires par les responsables algériens et du “polisario”.
Depuis, le détournement continue avec la même cadence, au détriment de la santé des populations civiles des camps de Tindouf. Pas plus tard que le 9 juin 2020, l’ONG Lumière et Justice a adressé un appel à l’Union européenne pour qu’elle mette fin à l’enrichissement illicite des responsables du “polisario” à travers le détournement des aides humanitaires. L’ONG a souligné qu’en raison de la revente de la majorité des aides humanitaires dans certains Etats voisins, un phénomène désormais bien documenté, la faim et la soif guettent les habitants des camps de Tindouf.
Selon M. Cameron, le détournement systématique et en toute impunité des aides humanitaires n’est rendu possible que par le refus obstiné de l’Algérie de permettre un recensement des populations des camps de Tindouf, en défiance de toutes les résolutions adoptées depuis 2011 par le Conseil de Sécurité. Pourtant, a-t-il souligné, le recensement est un mécanisme fondamental de protection et une obligation statutaire de l’UNHCR.
M. Cameron a rappelé dans ce cadre que le Parlement européen a dénoncé, dans une résolution adoptée le 29 avril 2015, l’absence de recensement des populations de camps de Tindouf plus de trente ans après leur arrivée en Algérie, notant qu’il s’agit d’une situation anormale et unique dans l’Histoire de l’UNHCR. L’expert norvégien a fait part de son inquiétude quant au sort de cette population privée de protection dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, l’Algérie ayant délégué la gestion de la situation sanitaire dans les camps de Tindouf au “polisario”, un groupe armé qui n’a ni l’autorité légale, ni la capacité technique de protéger la population contre cette maladie.
M. Eric Cameron intervenait dans le cadre du Sahara Debate, une émission citoyenne qui se veut une plateforme ouverte et démocratique pour jeter des éclairages sereins sur la question du Sahara marocain. (MAP). (Fin)
* (M. Eric Cameron, expert et militant associatif norvégien).