Deux cultivatrices dans un champ de haricot dans le nord-est du Burundi
Mis à part la sécheresse qui a réduit la quantité de récoltes dans la province de Kirundo au nord du Burundi, des vivres sont acheminés frauduleusement vers le Rwanda.
D’autres empruntent la route qui mène vers la capitale économique Bujumbura pour se retrouver au Congo. Ce phénomène crée un déficit et une hausse des prix des denrées alimentaires.
Selon le Collectif SOS Médias Burundi qui livre cette information, des autorités locales à commencer par le gouverneur sont pointées du doigt. Elles faciliteraient ce trafic illégal.
Un salarié d’une ONG locale avance qu’un kilogramme de haricot n’avait jamais coûté plus de 2000 francs pendant la période de récolte comme aujourd’hui.
Dans les communes de Bugabira et Busoni (province de Kirundo-nord du Burundi), un kilogramme de haricot coûte entre 2200 à 2300 francs alors qu’il coûtait dans cette même période entre 700 et 800 francs burundais l’année dernière.
Des sources sur place indiquent que des commerçants raflent les haricots juste après la récolte.
« Nos récoltes sont acheminées au Rwanda pendant la nuit », a révélé un habitant de la colline de Nyamabuye en commune de Bugabira, frontalière avec le Rwanda.
Là, selon le même habitant, un kilogramme de haricots coûte 2000 francs rwandais équivalent à plus de 6000 francs burundais.
« Des commerçants corrompent des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti présidentiel) et des administratifs à la base qui gardent les petits passages qui mènent vers le Rwanda », révèlent des témoins.
D’autres témoins évoquent également « de convois de sacs de riz et de café qui traversent la frontière pendant la nuit » en passant par Rugasa, Nyamabuye, Kiri en commune de Bugabira et Gatete, Sigu en commune de Busoni, toutes les deux frontalières avec le Rwanda.
Des administratifs pointés du doigt
« Le gouverneur Albert Hatungimana lui-même laisse les commerçants s’accaparer des récoltes pour les vendre vers les autres provinces ou vers le pays voisin », estime un habitant.
« C’est inquiétant de voir des remorques garnis de vivres partir toujours vers Bujumbura.
Probablement qu’ils vont jusqu’en RDC », se lamente un fonctionnaire du chef-lieu de la province de Kirundo.
« Pour sortir de la province une quantité estimée à plus de 500 Kgs, la permission provient du gouverneur de province. Les commerçants donnent des millions de francs burundais à cette autorité pour avoir l’approbation », accuse le fonctionnaire.
Les lamentations sont multiples au sein des fonctionnaires moyens et tous accusent le gouverneur de « se laisser corrompre pour se remplir les poches ».
« Tantôt il commercialise frauduleusement le carburant tantôt c’est le sucre ou encore le ciment », confie une source au sein du parti présidentiel.
Le 30 décembre 2022, lors d’une conférence publique qui a eu lieu en province de Kirundo, le président burundais Evariste Ndayishimiye a reconnu qu’une grande partie des récoltes est vendue dans les pays voisins dont le Rwanda et la Tanzanie.
« Cela crée une hausse généralisée des prix », selon le chef de l’État burundais qui estime que les autorités qui favorisent ce commerce clandestin sont des « criminels ». (Fin)