Idamange (au milieu) avec ses avocats au tribunal.
Yvonne Idamange Iryamugwiza (42 ans) qui est très critique sur les réseaux sociaux envers la politique gouvernementale vient d’être condamnée à une peine lourde de 15 ans de prison et à une amende de 2 millions Frw.
Cette youtoubeuse était poursuivie pour six chefs d’accusation, dont dénigrement d’objets commémoratifs du génocide, incitation au soulèvement de la population, publication de rumeurs, coups et blessures volontaires, blocage de l’exécution des ordres du gouvernement et émission d’un chèque sans provision.
Le verdict a été rendu par la Haute Cour jugeant les crimes internationaux et transfrontaliers basée à Nyanza dans le sud du Rwanda. Harrison Mutabazi, le porte-parole de la justice, a déclaré que le verdict a été prononcé ce jeudi 30 septembre 2021 au siège du tribunal.
Iryamugwiza avait été arrêtée le 15 février après être apparue à plusieurs reprises sur sa chaîne YouTube pour avoir prétendument inciter au désordre public, entre autres accusations. Selon le parquet, via sa chaîne YouTube, l’accusée a publié une litanie de rumeurs malveillantes, dont une annonçant la mort du Chef de l’État, et a appelé les Rwandais de tout le pays à se soulever et à se rebeller contre le gouvernement.
Idamange avait comparu pour la première fois devant le tribunal le 4 mars 2021. Elle avait clamé son innocence lors de sa première comparution.
«C’est mon droit. J’ai pris la parole sur les réseaux sociaux parce qu’attristée par la situation endurée par notre population […] Qui suis-je pour que je puisse appeler la population à me suivre dans une manifestation. Je ne suis pas membre d’un parti politique pour appeler mes militants à me suivre ? […] Le fait de m’être exprimée sur ma chaîne youtoube, c’est un droit constitutionnel qui m’est accordé en tant que citoyen»
« Je suis devenue un lanceur d’alerte en faveur du peuple comme un citoyen patriote qui aime son pays et en vertu du droit de libre opinion que m’accorde la constitution », avait-elle dit en substance lors de sa comparution initiale.
L’accusée a par la suite décidé de boycotter les audiences jugeant ses droits “violés” après le rejet de sa demande d’une audience publique au lieu d’une procédure à huis clos, et après le refus de lui accorder une libération provisoire.
Le tribunal avait décidé de juger l’accusée à huis clos conformément aux dispositions de la constitution et des procédures judiciaires rwandaises en vertu desquels les audiences sont publiques mais le juge pourrait décider un procès à huis-clos quand sont en jeu l’ordre public et les bonnes mœurs.
L’accusé Idamange Yvonne avait contesté et demandé l’audience publique. Le tribunal après délibération avait rejeté son exception et confirmé le huis clos. Décision contre laquelle elle avait réagi en exigeant la récusation de tout le jury et en disant qu’elle n’attend plus justice d’un tel tribunal.
L’accusation avait également demandé au tribunal de détenir préventivement la suspecte au motif qu’elle représente un risque de fuite et qu’elle pourrait tout aussi bien continuer à commettre les crimes présumés en utilisant sa chaîne YouTube une fois libérée sous caution ou/et détruire des preuves.
Cependant, l’accusée avait plaidé non coupable de crimes présumés et avait demandé une libération sous caution, affirmant qu’elle voulait aller s’occuper de ses quatre enfants et n’avait pas l’intention de détruire des preuves. Le président du tribunal avait déclaré que l’accusée serait détenue provisoirement en raison de la gravité des crimes qu’elle aurait commis.
Et pendant ce temps, le tribunal, entre autres, avait jugé que les allégations de l’accusée d’arrestation illégale et de fouille sans mandat de perquisition par les autorités étaient infondées.
Lorsque toutes les exceptions qu’elle avait soulevées ont été rejetées par le tribunal, Idamange Yvonne a refusé de continuer à comparaître à son procès qu’elle considère inéquitable.
Yvonne Idamange Iryamugwiza n’a pas sa langue dans la poche. Elle critique ouvertement les actions du gouvernement sur la gestion du Coronavirus, la commémoration du Génocide et d’autres politiques sur son compte YouTube.
Cette mère de 4 enfants se retrouve aujourd’hui condamnée à 15 ans de prison pour de graves crimes d’incitation au trouble à l’ordre public, de banalisation du génocide, et d’avoir résisté à l’arrestation en blessant grièvement un officier de Police avec une bouteille lors de son interpellation ; entre autres.
En date du 31 Janvier 2021, Mme Yvonne Idamange Iryamugwiza, jusqu’alors inconnue dans la sphère publique, réveille tous les Rwandais par une vidéo inédite, lançant un appel en détresse dans lequel elle exhortait les autorités rwandaises à prêter l’oreille au cri du peuple impacté négativement par les mesures décrétées dans le but d’endiguer le coronavirus.
« Un pays aussi pauvre que le Rwanda ne peut pas se permettre de confiner toute la population, car la grosse majorité vit de ce qu’elle produit au jour le jour », dit-elle.
Elle assure qu’elle ne peut rester silencieuse alors que ses compatriotes souffrent, et va jusqu’à appeler les généraux du pays à libérer les Rwandais.
Elle fustige les autorités sur la mauvaise la gestion du pays en général et au non-respect des droits humains à commencer par le droit à une vie décente de la population. Elle souligne que le sort réservé aux rescapés du génocide est à plusieurs égards inéquitable.
Elle en a profité pour interpeler également les autorités rwandaises sur l’étalement des ossements humains dans les mémoriaux du génocide qui, selon elle, est un manque de décence. Ces défunts, qui sont nos parents, méritent une sépulture comme il en est dans la culture rwandaise. C’est de cette manière qu’ils seraient honorés, conclut-elle.
La CNLG (Commission nationale de Lutte contre le Génocide), une institution publique, l’avait alors traitée de négationniste du génocide, elle qui se présente pourtant comme une rescapée du génocide dans sa première vidéo publiée sur YouTube.
Peu avant son arrestation, elle avait publié une dernière vidéo très virulente dans laquelle elle assure que le Président rwandais Paul Kagame serait mort depuis longtemps, sans en apporter les preuves. Une fausse rumeur régulièrement relayée sur les réseaux sociaux par les opposants politiques en exil. Elle a également diffusé une vidéo appelant à des manifestations à la Présidence à Kigali.
Ses vidéos avaient rapidement totalisé des dizaines de milliers de vue et des centaines de commentaires. Yvonne Idamange s’est rapidement attiré le soutien de l’opposition en exil et la colère des officiels rwandais. Le communiqué publié par la Police après son arrestation musclée indique que ses vidéos sont un mélange de politique, de folie et de propos criminels. (Fin)