Le 2 mai 1994: la mise en œuvre du génocide perpétré contre les Tutsi

By Bizimana Jean Damascène*

A cette date du 2 mai 1994, le gouvernement génocidaire continuait à mettre en œuvre son plan d’extermination des Tutsi, voici ci-après la tentative d’extermination des réfugiés en majorité des Tutsi qui s’étaient réfugiés a l’hôtel des Mille Collines et dans des églises dans la ville de Kigali, le 2 mai 1994. Le prêtre Wenceslas Munyeshyaka y a joué un rôle clé.

1.      Tentative d’assassinat des Tutsi réfugiés à l’Hôtel des Mille Collines à Kigali

Le 2 mai 1994, Le gouvernement des tueurs voulait massacrer les Tutsi qui étaient réfugiés à l’hôtel des mille collines à Kigali. En effet, durant le génocide des réfugiés en majorité des Tutsi se sont réfugiés à l’hôtel des mille collines où ils continuaient de payer Paul Rusesabagina pour pouvoir y être hébergés.

Le 2 mai 1994, le gouvernement des tueurs a voulu les massacrer mais la presse française, ainsi que l’intervention du Dr Bernard Kouchner, ancien ministre français dans divers gouvernements, ont diffusé la nouvelle fait en France et la société civile française a dénoncé ce massacre imminent. Cette alerte a obligé le président français de conseiller le gouvernement génocidaire rwandais à ne pas tuer ces réfugiés par peur des réactions internationales.

Le journaliste Vincent Hugueux du  journal L’Express a écrit le 2 juin 1994 que le 2 mai 1994 le chargé d’Afrique à la présidence française,  Bruno Delaye a été chargé de dire au général Augustin Bizimungu qui commandait l’armée des génocidaires que si jamais ils tuaient les refugies de l’Hôtel des Mille Collines cela donnerait une mauvaise image  au niveau international, et que par conséquent la France aurait du mal à continuer d’assister le Rwanda.

Le mensuel Billets d’Afrique édité par une ONG française, Survie, a confirmé cette information dans son numéro 31 sorti en février 1996. Un autre journal français, Libération, du 25 mai 1994 a écrit que le gouvernement génocidaire avait placé ses agents de renseignement à  l’hôtel des 1000 collines pour surveiller les refugies.

Parmi les tueurs qui venaient fréquemment à l’Hôtel des 1000 Collines il y avait l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, lourdement impliqué dans des massacres de l’Eglise Sainte Famille située non loin de l’Hôtel des Mille Collines.

2.      L’abbé Wenceslas Munyeshyaka a massacré des Tutsi à l’église de Sainte famille et ses environs

Plusieurs témoins affirment qu’à diverses dates entre le 8 avril et la première semaine de juillet 1994, à la paroisse Sainte-Famille, à l’église Saint-Paul et au CELA de Kigali, Wenceslas MUNYESHYAKA a participé à des réunions tenues pour organiser les massacres et les enlèvements de civils tutsis avec le colonel Tharcisse RENZAHO, Odette NYIRABAGENZI, Angeline MUKANDUTIYE, le lieutenant-colonel Laurent MUNYAKAZI, d’autres militaires et des Interahamwe. Par la suite, des civils tutsis réfugiés à la paroisse Sainte Famille, au centre pastoral Saint-Paul et au CELA de Kigali ont été massacrés.

Selon des survivants des massacres de Sainte Famille et de Saint Paul, le 13 avril 1994, dans l’enceinte de la paroisse Sainte-Famille, Wenceslas MUNYESHYAKA, a abattu une jeune fille Tutsi et a en outre abattu 2 jeunes Tutsi âgés chacun de 18 et  de 20 ans. Le même jour il a abattu une jeune Tutsi âgée de 22 ans qui était la fille de Rose RWANGA.

Le 17 juin 1994 ou vers cette date, à la paroisse Sainte-Famille de Kigali, Wenceslas MUNYESHYAKA a incité un Interahamwe à tuer une autre fille tutsi.

a)      Viols répétés sur les jeunes filles tutsi

Des victimes de viols ont pu témoigner que le 21 avril 1994, Wenceslas MUNYESHYAKA, à la paroisse Sainte-Famille, a encouragé un Interahamwe à violer une jeune civile tutsie réfugiée à la paroisse Sainte Famille. A la fin de juin 1994, Wenceslas MUNYESHYAKA, à la paroisse Sainte-Famille de Kigali a violé une jeune fille qui a témoigné elle-même de ce viol.

b)     Enlèvements suivis d’assassinats

Le 24 avril 1994, au Centre National de Pastorale Saint-Paul de Kigali, Wenceslas MUNYESHYAKA a aidé des Interahamwe, dont Léonard BAGABO, à enlever sept jeunes tutsis, parmi lesquels Emmanuel RUKUNDO, journaliste, Aristarque RUTSINDUKA, ingénieur du bâtiment et des travaux publics, et MAZIMPAKA, étudiant, tout en sachant que ces personnes seraient tuées. Ces personnes ont été conduites au bureau du secteur de Rugenge pour y être tuées.

Le 14 juin 1994, Wenceslas MUNYESHYAKA, a aidé  des militaires à rechercher et à identifier des tutsis qui avaient trouvé refuge au centre pastoral Saint-Paul de Kigali, tout en sachant que ceux-ci étaient inscrits sur la liste des personnes à tuer.

 A cette occasion, 60 civils tutsis, dont Antoine MARIE, Zacharia GASARABWE alias Gasindi, Charles RUTSITSI, Emmanuel NYARWAYA, Diogène RUBADUKA, Twaha SEBAJURA et André KAMEYA, qui avaient été identifiés par Wenceslas MUNYESHYAKA, ont été enlevés par les assaillants et tués.

c)      Justification du génocide et Négationnisme

Le 02 août 1994, Wenceslas MUNYESHYAKA a signé avec 28 autres prêtres rwandais à Goma un document négationniste envoyé au Pape Jean-Paul II dans lequel ils justifiaient le génocide commis contre les Tutsi et mettant la responsabilité des tueries sur le FPR, innocentant ainsi les vrais auteurs du génocide. Ce document a profondément choqué toute l’opinion internationale.

3) Les ambiguïtés de la justice française

La France a toujours refusé de juger Wenceslas Munyeshyaka. De multiples signes avant-coureurs montraient depuis près de vingt ans que la France ne voulait pas juger Wenceslas MUNYESHYAKA pour des crimes qu’il a commis au Rwanda.

En effet, c’est le 25 juillet 1995 qu’une information est ouverte contre MUNYESHYAKA par le juge d’instruction de Privas (France) pour « génocide, crimes contre l’humanité et participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation de ces crimes sur le fondement du principe de la compétence universelle prévue dans la convention de New York de 1984 contre la torture ».

Après de multiples signes de refus de juger Wenceslas MUNYESHYAKA, la France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour non-respect du procès équitable, notamment le non-respect du délai raisonnable. (CEDH, Yvonne Mutimura contre France, jugement 8 Juin 2004).

Le 21 juin 2007, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a lancé des mandats d’arrêt contre Wenceslas MUNYESHYAKA. L’acte d’accusation de Munyeshyaka était placé sous scellés depuis 2005.

Sur insistance de la France, on ne sait pour quelle raison légitime, le 20 novembre 2007, le TPIR s’est dessaisi au profit de la justice française des poursuites contre MUNYESHYAKA.

D’innombrables commissions rogatoires ont été menées au Rwanda afin de procéder à l’audition de près de soixante-dix témoins et recueillir des preuves étayant l’accusation. C’est incompréhensible que le Parquet de Paris les juge infondées alors que le Tribunal pénal International pour le Rwanda les avait considérés comme graves et justifiant la mise en accusation de Wenceslas MUNYESHYAKA.

Le Parquet a demandé  le non renvoi de Wenceslas MUNYESHYAKA aux assises, ce qui a été confirmé par les juges d’instruction.

Or, des témoignages accablants de survivants du génocide, voire de témoignages des génocidaires sont unanimes pour confirmer que Wenceslas MUNYESHYAKA a commis lui-même ou aidé à commettre des tueries et des viols à très grande échelle sur des réfugiés tutsi de l’église Sainte Famille et de Saint Paul. Ces faits ont été confirmés par la justice rwandaise qui a retenu la culpabilité de Wenceslas MUNYESHYAKA et l’a condamné par contumace à la prison à vie dans le même procès que le général défunt Laurent MUNYAKAZI.

La position de la justice française soulève donc beaucoup d’interrogations quant à l’importance qu’elle attache au génocide commis contre les Tutsi. 

Un non-lieu pour une personne comme Wenceslas MUNYESHYAKA dont le rôle dans le génocide a été démontré durant plusieurs commissions rogatoires ne peut que confirmer les appréhensions de survivants que la France ne veut pas juger les cerveaux du génocide.

Cette attitude s’explique d’ailleurs si l’on sait que le gouvernement de François Mitterrand a aidé et participé à la planification et à l’exécution du génocide commis contre les Tutsi entre le 1er octobre 1990 et juillet 1994.

CONCLUSION

Les massacres de Tutsi ont continué, de façon similaire, tout Tutsi devait mourir, la plupart ont été tués en cours de route alors qu’ils fuyaient. A cette date le plan des tueurs était d’exterminer les Tutsi qui s’étaient réfugiés dans hôtels et dans des églises dans la ville de Kigali. (Fin).

* Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide, CNLG