By Bizimana Jean Damascène*
A cette date du 22 avril 1994, le gouvernement génocidaire continuait à mettre en œuvre son plan d’extermination des Tutsi dans toutes les régions du pays, voici ci-après le rappel de principaux massacres de Tutsi qui ont été commis le 22 avril 1994.
1. MASSACRES DE TUTSI AU « CENTRE D’ETUDES DES LANGUES AFRICAINES « (CELA), PRÈS DU « CENTRE NATIONAL DE PASTORALE SAINT-PAUL »
Le 22 avril 1994, les Interahamwe ont sélectionné les hommes parmi les Tutsi qui s’étaient réfugiés au CELA et les ont tués, sur instructions d’autorités dont faisait partie le Préfet de Kigali, le Colonel Tharcisse Renzaho ; le massacres ont été commis sous la bonne garde du Major Laurent Munyakazi, de la Conseillère Odette Nyirabagenzi, chef des Interahamwe, de l’Inspecteur Angeline Mukandutiye, du Père Wenceslas Munyeshaka et de Jean Bizimana, Bourgmestre de la Commune Nyarugenge.
2. MASSACRES DE TUTSI AU BUREAU DE L’ANCIENNE COMMUNE HUYE
Les Tutsi qui se sont réfugiés à la Commune Huye venaient de plusieurs localités des communes Huye, Mbazi, Maraba, Butare Ville et Gikongoro. Les policiers et les militaires ont encerclé l’endroit pendant trois (3) jours, les canalisations d’eau avaient été coupées et personne ne pouvait aller chercher de l’eau à l’extérieur ; les réfugiés étaient affamés et assoiffés.
Le 22 avril 1994, vers 15h de l’après-midi, est arrivé un véhicule transportant des militaires et des miliciens Interahamwe des plus redoutables, parmi lesquels il y avait NKURIKIYINKA Tharcisse, SEMAKABA Deo, MUGANGA Joseph, KAMPAYANA Aloys, GAKWAYA Hyacinthe, KABANZA Ildephonse, le militaire KAREKEZI Pascal originaire de la Commune Huye et d’autres, sous la direction du Bourgmestre RUREMESHA Jonathan.
Le même jour ont été tués plus de 35,000 Tutsi, et certains parmi eux ont été brûlés vifs après avoir été aspergés d’essence, ils ont été réduits en cendre, laquelle fut rassemblée et, après le Génocide, inhumée dans la dignité avec les corps des autres victimes.
Au mémorial du Génocide érigé pour les victimes de ces massacres, ont été inhumés près de 42,008 corps.
Les Tutsi qui s’étaient réfugiés au Groupe Scolaire de Rukira furent également massacrés à cette date. Près de 326 femmes et enfants furent tués dans la Cellule Muyogoro, et les tueurs ont ensuite brûlé les corps de leurs victimes qu’ils jetèrent dans une fosse qui se trouvait dans le village Akagarama.
A la tête de ceux qui incitaient la population à tuer les Tutsi, il y avait :
RUREMESHA Jonathan, Bourgmestre de la Commune Huye, BARAVUGA, Conseiller ; BIZIMANA Joseph, Brigadier; Dr Cyprien, logeait près de la commune, les réunions qui planifiaient le Génocide se tenaient chez lui, et d’autres.
Il y avait aussi des tueurs Interahamwe, parmi lesquels : Kampayana Aloys, Nkurikiyinka Tharcisse, Rugengamanzi Vianney, Uzabakiriho Vedaste, Devota, Sebera Canisius, Karemera (bitaga Tariyani), Kamanayo Jean Baptiste, Muvunyi Christophe, Ngiruwigize Innocent, Gahondogo Paul, Mugerwa Boniface.
3. MASSACRES DE TUTSI À SOVU AU MONASTÈRE DES SOEURS BENEDICTINES ET AU CENTRE DE SANTÉ
Des Tutsi se sont réfugiés au monastère des sœurs bénédictines à Sovu et à leur Centre de Santee. La sœur qui dirigeait le monastère, MUKANGANGO Consolata (soeur Gertrude) et MUKABUTERA Julienne (sœur Kizito), ont refusé de les accueillir, mais les réfugiés ont refusé d’obéir et sont entrés dans l’église du monastère tandis que d’autres allaient au Centre de Santé.
D’autres Tutsi, entre 5,000 et 6,000 personnes, s’étaient réfugiés à la Paroisse catholique de Rugango et à Gihindamuyaga.
Le 22 avril 1994, vers 8h du matin, le monastère et le Centre de Santé ont été encerclés par des Interahamwe, des militaires envoyés par le Lieutenant-colonel Muvunyi Tharcisse de l’ESO, des policiers communaux, des gendarmes et des membres de la population, venus tuer les réfugiés Tutsi qui s’y étaient réfugiés.
Parmi les responsables de ces massacres il y avait Rekeraho Emmanuel, président du MDR dans la Commune Huye, qui a plaidé coupable et est actuellement en prison, les sœurs MUKANGANGO Consolata na MUKABUTERA Julienne, Rusanganwa Gaspard (alias Nyiramatwi), Jonas Ndayisaba, Conseiller de secteur, Jean Baptiste Muvunyi et d’autres.
MUKANGANGO Consolata (Soeur Gertrude) a été condamnée pour crime de génocide à 15 ans de prison par une cour d’assises de Bruxelles en 2001 tandis que MUKABUTERA Julienne (sœur Kizito) a été condamnée à 12 ans de prison.
4. MASSACRES DE TUTSI À KANSI
Le Génocide perpétré contre les Tutsi a redoublé d’intensité dans tout le Secteur Kansi dans le district de Gisagara le 22 avril 1994. De nombreux Tutsi ont été tués au lac de Cyamwakizi : la plupart d’entre eux venaient des communes Nyaruhengeri, Ngoma, Huye et dans les régions de Nyaruguru et Nyamagabe ainsi que dans d’autres localités de Gisagara.
Lorsqu’ils sont arrivés au centre de Gikore, ils ont été dénudés et ligotés, et on les a fait descendre dans cet état toute la route vers le lac Cyamwakizi. Ils ont été tués un à un en cours de chemin et ceux qui sont arrivés à Cyamwakizi ont été tués à la machette et jetés dans l’eau. Les tueurs poursuivaient dans des embarcations ceux qui respiraient encore et les achevaient à la lance. De nombreux Tutsi y ont été tués et de nombreux corps des victimes n’ont pas pu être récupérés pour être inhumés dans la dignité.
Les réunions qui planifiaient le Génocide se tenaient en différents endroits : à Mbeho, Nyaruhengeri, chez Karambizi et elles étaient dirigées par Hakizayezu Augustin alias Mvaravara. A Nyange, chez Oscar Murekezi et elles étaient dirigées par Mujyarugamba qui était le Brigadier de la Commune Nyaruhengeri. Aux écoles à Linganwe, elles étaient dirigées par Sebera Ferdinand.
A la tête des tueurs, il y avait : Sematama Gaspard, Hakizimana Augustin, Sebera Ferdinand, Rugemintwaza Gaspard, Kajuga Pierre, Kabandana Emmanuel, Habinshuti Beda, Habimana Simon, Bisomimbwa Antoine, Gakwaya Narcisse, Bikorimana, Sikubwabo alias Sagihobe, Munyaneza Joseph qui était policier et a tué de nombreux Tutsi à Nyange.
Parmi les autorités responsables des massacres, il y avait : Bisomimbwa Antoine, Conseiller, Munyaneza Joseph, policier, Gakwaya Narcisse, policier, Bikorimana, vétérinaire, Sebera Ferdinand, Conseiller, Jérôme de chez Nkundabagenzi, policier.
Le Génocide a été commis de manière la plus atroce, de façon que des tueurs ont tués leurs nièces et neveux. A ceux qu’ils allaient tuer, les tueurs disaient qu’ils allaient prendre le bus qui les amènerait au Burundi. A un certain moment, les tueurs ont clamé que la paix était revenue pour que ceux qui s’étaient cachés reviennent à découvert. Les tueurs ont tout fait pour qu’il n’y ait aucun survivant parmi les Tutsi.
Les endroits où il y a eu un grand nombre de victimes sont au lac de Cyamwikizi, à la Paroisse de Kansi, à Munini, Nyange, à Nyakibingo, à Mbeho et Gahehe.
5. MASSACRES DE TUTSI SUR LA COLLINE NZARATSI, DANS RUHANGO
Les Tutsi qui s’étaient réfugiés sur la colline Nzaratsi ont d’abord résisté à l’aide de pierres, arcs et autres armes traditionnelles en petite quantité, mais ils ont finalement été tués par les Interahamwe. Certains d’entre eux y étaient arrivés dans la nuit du 20 avril 1994 sous une pluie battante tout la nuit ; parmi eux il y en a qui sont allés se réfugier à Byimana mais le curé de la Paroisse Byimana, Ndagijimana Joseph, les a repoussés et ils ont été obligés de revenir sur la colline de Nzaratsi. Cette colline était appelée « calvaire » par les tueurs, parce que des Tutsi étaient amenés des localités en dessous de la colline et les tueurs les faisaient escalader celle-ci pour les tuer à son sommet. Plus de 800 Tutsi, venant de localités différentes, y ont été tués.
6. MASSACRE DES TUTSI SUR LA COLLINE BIBARE (BUNYONGA), KAMONYI
La colline de Bibare est située dans le village de Nyenyeri, Cellule Bunyonga, District Kamonyi, mais à l’époque c’était en Commune Kayenzi qui était dirigée par Mbarubukeye Jean. Parmi les Tutsi qui étaient venus des Communes Rutobwe, Nyabikenke et Musambira, il y en a qui se sont réfugiés sur cette colline de Bibare, y rejoignant les Tutsi qui y habitaient déjà.
Le Génocide a commencé dans la région le 17 avril 1994, mais les Tutsi se sont réfugiés sur la colline Bibare le 18 avril 1994. Le même jour ils ont été attaqués par des tueurs dirigés par le nommé Buyumbu, Les Tutsi se sont défendus et ont repoussé leurs assaillants. Le 21 avril 1994, Buyumbu est allé demander des renforts à la commune, affirmant que Bibare était devenue comme Nyamagumba. Il est revenu avec un groupe de tueurs parmi lesquels il y avait le Bourgmestre Mbarubukeye Jean, des militaires, des policiers et de nombreux membres de la population.
Le militaire qui a participé à l’attaque et qui a été identifié est le Sergent major Misago. L’attaque a eu lieu le 22 avril 1994, des membres de la population Hutu et Twa y ont participé, un groupe a attaqué à partir de la Commune Rutobwe, un deuxième à partir de Marenga, un troisième à partir de Nyabihunyira et un dernier à partir de Iraro. Tous ces groupes se sont rencontrés sur cette colline et l’ont encerclée.
Les tueurs ont d’abord envoyé les femmes Hutu en avant combattre les Tutsi, lorsque ceux-ci ont tué certains de leurs assaillants Hutu, les tueurs ont commencé à lancer des grenades et à se servir de leurs armes à feu. Ensuite les tueurs Hutu ont commencé à achever à l’arme traditionnelle tous les Tutsi qui respiraient encore.
Dans la localité il y avait de nombreuses barrières de sorte qu’aucun Tutsi n’a pu s’échapper, il y avait une barrière redoutable chez Nduguri, d’autres au Centre de Cyanika, chez Sebazungu, à Rukokwe, à chaque Centre et à toutes les intersections où les Secteurs se rencontraient.
Parmi ceux qui ont participé aux massacres de Bibare et de Kayenzi en général, il y avait le Bourgmestre MBARUBUKEYE Yohani, BUYUMBU Evariste qui a été condamné à 30 ans de prison, GASHAGAZA Theoneste, le Conseiller MBONYIYEZE Deogratias, TWAGIRIMANA, KAYANIRE, les responsables de cellules NZIKORUHARI Barthazar, KABARIRA Joseph, MUGARURA, HABIMANA Siliro et beaucoup d’autres.
7. MASSACRES DE TUTSI SUR LA COLLINE KABAKOBWA
Les Tutsi qui venaient de Nyaruguru en fuyant les massacres sont devenus très nombreux à partir du 17 avril 1994 et ont investi les Secteurs de Sahera et Nkubi dans la Commune Ngoma, Préfecture Butare. Le Bourgmestre de la Commune Ngoma, Kanyabashi Joseph a ordonné de rassembler tous les réfugiés sur la colline Kabakobwa, mais après les responsables de cellules sont également entrés dans chaque domicile des Tutsi de la localité pour leur intimer l’ordre d’aller vivre avec les autres Tutsi sur la colline Kabakobwa.
Le 22 avril 1994, de nombreux tueurs dont des militaires, des gendarmes, des policiers et des Interahamwe ont encerclé les réfugiés Tutsi et tirèrent sur ceux-ci. Les militaires étaient sous le commandement du Lieutenant-colonel Muvunyi Tharcisse, les Interahamwe venaient de Nkubi et Sahera, HABYARIMANA Pascal, Conseiller de Sahera, URAYE Edouard, RIBERA Siméon, le Major Cyriaque HABYARABATUMA commandant de la gendarmerie, des policiers dont NSANZABAHIZI Mathias et BIZUMUREMYI Pascal.
CONCLUSION
Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été planifié et mis en œuvre par l’Etat rwandais. Les Massacres des Tutsi à partir du 7 avril 1994 au matin, en même temps et à travers tout le pays, est la preuve que le plan du Génocide avait été préparé par l’Etat. (Fin).
* Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)