By Dr Bizimana Jean Damascène*
Kigali: Le soutien militaire que la France accordait au Gouvernement de Sindikubwabo et Kambanda était utilisé pour continuer à exterminer les Tutsi, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a continué à fuir ses responsabilités de secourir le Rwanda, mais la Croix Rouge Internationale a dénoncé la part de la communauté internationale dans l’abandon du Rwanda à son sort et dans la propagation de mensonges à propos du Génocide.
1. Des envoyés militaires rwandais ont été reçus par le haut commandement militaire français avec lequel ils ont eu des discussions sur des fournitures d’armes.
L’attaché militaire auprès de l’ambassade rwandaise à Paris, le Colonel Sébastien Ntahobari, a été reçu à plusieurs reprises à Paris par le général Jean-Pierre Huchon qui était en charge de la coopération militaire, ainsi que par le Colonel Dominique Delort, avec lesquels il a discuté le soutien militaire pour le Rwanda en ce moment de plein génocide. Le Lieutenant-colonel Cyprien Kayumba qui était en charge de la logistique militaire au Ministère de la Défense rwandais est lui aussi allé à Paris à deux reprises, fin mai 1994, et une autre fois pour faire le suivi des armes que la France avait promises au Rwanda.
Ces pourparlers ne tenaient pas compte que lors des massacres commis contre les Tutsi depuis le 7 avril 1994, les Forces armées rwandaises précédaient les miliciens Interahamwe dans les attaques menées contre les Tutsi réfugiés dans les écoles, les églises et bâtiments publics. Les militaires utilisaient des grenades et leurs armes à feu, avant de laisser la place aux miliciens Interahamwe qui venaient terminer le travail en achevant les survivants avec leurs armes traditionnelles, dont des gourdins et des machettes. Le ministère de la coopération français dirigé par Michel Roussin, était chargé de disponibiliser et de livrer au Gouvernement génocidaire ce que la France lui avait promis.
Les généraux Huchon et Quesnot étaient chargés de faire le suivi du soutien militaire accordé au Rwanda, et tout se faisait sur décisions du Président Mitterrand. Certains hommes politiques français ont affirmé “qu’ils n’étaient pas au courant du Génocide qui était en train d’être perpétré contre les Tutsi”.
Il s’agissait bien entendu d’un mensonge car les Français savaient depuis le 7 avril 1994 qu’un génocide était en cours au Rwanda, tout en niant cette réalité. Le général Christian Quesnot l’a avoué lui-même devant la Mission d’information parlementaire en ces termes: “depuis le 7 avril 1994, après la mort de Habyarimana, la situation au Rwanda a été suivie de près par les instances militaires et politiques en France, et il était évident que les massacres qui étaient commis à l’époque, étaient d’une nature absolument différente de ceux qui avaient été commis avant”.
Il est évident que le général Quesnot savait très bien que ces massacres constituaient un génocide. Le président Francois Mitterrand, Hubert Védrine et Alain Juppé disaient alors que les massacres commis contre les Tutsi au Rwanda faisaient partie d’un conflit inter ethnique, que les deux ethnies s’entretuaient. Ce qui a été dit par Alain Juppé le 28 avril 1994, en ces termes: “la guerre et les massacres continuent à faire rage dans ce pays miné par des guerres inter ethniques”.
Le Président Francois Mitterrand a, à plusieurs reprises, refusé de dénoncer le Génocide perpétré contre les Tutsi et disait inlassablement qu’au Rwanda « tout le monde tue tout le monde ». A part le soutien accordé au Gouvernement génocidaire, la France a continué à aider la famille de Habyarimana, dont son épouse, Agathe Kanziga, qui pourtant figure parmi ceux qui ont planifié et mis en œuvre le Génocide perpétré contre les Tutsi.
2. Le Gouvernement génocidaire a continué à tuer et à inciter les miliciens Interahamwe à accélérer les massacres
Le Premier Ministre Jean Kambanda a, sur les ondes de Radio Rwanda, exhorté les miliciens Interahamwe à tuer: “ Nous avons les hommes, les munitions, un Gouvernement uni, une armée unie, et nous devons vaincre. Chacun doit être armé, et le Gouvernement a placé dans ses priorités la possession d’armes suffisantes même si tous les autres produits qui viennent de l’étranger devaient ne plus être fournis “. A cette date, la Radio Rwanda a diffusé le discours que Kambanda avait prononcé à Kibuye le 3 mai 1994, au cours duquel il a demandé que la mise en œuvre du Génocide soit accélérée dans tout le pays, et dans Kibuye en particulier. La même émission a été reproduite le 9 mai 1994.
3. Le conseil de Sécurité de l’ONU s’est dessaisi de sa mission de maintien de la paix et de son obligation de porter secours aux victimes au moment où le Gouvernement génocidaire commettait un Génocide.
Le 6 mai 1994, des pays qui n’étaient pas des membres permanents au Conseil de Sécurité, l’Espagne, la Nouvelle Zélande, l’Argentine et la République Tchèque, ont présenté un projet de résolution qui augmenterait les capacités militaires des troupes de l’ONU au Rwanda. Certains des pays membres permanents du Conseil de Sécurité s’y sont opposés et ont plutôt suggéré que la question du Rwanda devait être examinée par L’Organisation de l’Union Africaine (OUA).
Le Secrétaire General de l’ONU, Boutros-Boutros Ghali, a écrit au Président de l’Egypte Hosni Mubarak qui devait accéder à la présidence de L’OUA. Mubarak a écrit au Secrétaire General de l’OUA, Salim Salim, et lui a demandé de solliciter les pays africains pour réunir des troupes africaines qui seraient envoyées au Rwanda. Salim Salim a répondu au Président Mubarak que l’Afrique était incapable d’apporter une solution à la question rwandaise à cause des massacres qui y étaient commis, que seule l’ONU avait les capacités d’agir politiquement et de réunir les fonds nécessaires pour apporter une solution au problème rwandais. Il a ajouté que dans le passé des problèmes similaires avaient été résolus de cette façon.
4. La Croix Rouge Internationale (CICR) a dénoncé le comportement de la communauté internationale, et a pris la décision de secourir les réfugiés là où c’était encore possible.
La première semaine du mois de mai 1994, les agents de la CICR dans des localités de Kigali, Byumba, Gisenyi, Kabgayi et Kibungo, ont fait leur possible pour secourir les blessés et les malades qui étaient sous la menace des Interahamwe et des militaires. Celui qui dirigeait la CICR, Cornelio Sommaruga, s’est entretenu avec Philippe Gaillard qui la représentait au Rwanda. Il a publié un article dans le journal International Herald Tribune qui dénonçait les medias et les Etats qui occultaient la question des massacres commis contre les Tutsi, et a déclaré que tous les pays avaient leur part de responsabilité.
Gaillard a apporté de l’aide aux près de 30,000 réfugiés qui avaient fui les massacres de Gitarama, bien qu’ils étaient encerclés par des Interahamwe qui voulaient les tuer. Les réfugiés ont reçu les secours élémentaires. Les Interahamwe ont continué à enlever des réfugiés pour aller les tuer et à violer les femmes.
CONCLUSION
Au début du mois de mai 1994, les Tutsi continuaient à être massacrés dans les localités encore contrôlées par les forces armées génocidaires. Ces forces armées ont continué à recevoir le soutien de la France alors que celle-ci était au courant qu’un Génocide était en cours au Rwanda.
Ce soutien qui était accordé à l’armée rwandaise a accéléré le Génocide, raison pour laquelle dans certaines localités des Tutsi ont été tués alors qu’ils auraient pu survivre. (Fin).
* Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)