By Bizimana Jean Damascène*
Le 7 mai 1994, le Gouvernement génocidaire continuait à mettre en œuvre son plan criminel d’extermination des Tutsi. Voici ci-après le rappel des massacres des étudiants Tutsi du Groupe scolaire Marie Merci à Kibeho, qui ont été commis à cette date.
1. Les étudiants Tutsi du Groupe scolaire Marie Merci à Kibeho ont d’abord été gardés par des gendarmes
Alors que, depuis le 8 avril 1994, les Tutsi allaient se réfugier à l’église de Kibeho les étudiants du Groupe Scolaire Marie Merci commençaient à se demander ce qui se passait et ont compris à partir des dates du 10, 11 et du 14 avril 1994 lorsque les Tutsi qui s’étaient réfugiés à l’église de Kibeho furent massacrés. Des gendarmes ont été alors envoyés soit disant pour assurer la sécurité des étudiants de cet établissement scolaire; mais le directeur de celui-ci, l’abbé Uwayezu Emmanuel, organisait des réunions clandestines avec des enseignants qui résidaient à l’extérieur de l’école, dont Fatikaramu Holomisidasi et Kayigamba, et avec des étudiants Hutu qui s’éclipsaient hors de l’établissement pendant la nuit et allaient rencontrer le Bourgmestre Nyiridandi Charles pour planifier la mort des étudiants Tutsi.
Dans la nuit du 30 avril 1994, les étudiants Hutu ont commencé à dire autour d’eux que les Tutsi allaient être tués. Le 1er mai 1994, dix (10) étudiants, neuf (9) garçons une fille, après avoir appris l’intention de les tuer, ont pris la décision de s’enfuir la même nuit et sont allés se réfugier au Burundi. Après que la nouvelle de leur fuite a été connue, les gendarmes ont encerclé l’établissement pour que personne ne puisse désormais en sortir.
2) Les étudiants Tutsi ont voulu fuir au Burundi mais en ont été empêchés.
Le 2 mai 1994, l’abbé Uwayezu Emmanuel a organisé une réunion et a dit aux étudiants que ça ne valait pas la peine de fuir, que les Tutsi qui s’étaient enfuis à la faveur de la nuit ont été tués à la rivière Akavuguto et que leurs cadavres servaient encore de barrière. Depuis lors, les étudiants Tutsi qui étaient encore au Groupe scolaire n’ont plus jamais osé penser à s’enfuir.
Dans le cadre de propager la haine parmi les étudiants, les Tutsi ont été faussement accusés d’avoir empoisonné la bouillie qui était servie aux étudiants pour tuer les Hutu. Les étudiants Hutu ont manifesté au son de leurs sifflets et ont refusé de boire la bouillie sous le prétexte que les Tutsi l’avaient empoisonnée, et ont déclaré qu’ils allaient leur laisser l’établissement et partir ailleurs. Les étudiants Hutu sont allés rejoindre une autre école, le collège des Lettres (Actuellement le collège Mère du Verbe), et ont ainsi atteint leur objectif puisque les étudiants Tutsi sont restés isolés au Groupe scolaire Marie Merci.
L’abbé Uwayezu et certains gendarmes sont allés organiser une réunion avec les étudiants Hutu et ont pris la décision qu’ils devaient revenir au Groupe scolaire Marie Merci parce que c’était là qu’étaient leurs affaires, mais à condition qu’aucun Tutsi n’y reste. Les étudiants Tutsi ont été relocalisés au Collège des Lettres, et les Hutu sont revenus au Groupe scolaire. Lorsque les Tutsi sont arrivés au Collège des Lettres, Pierre de Vérone, la Soeur qui dirigeait cette école, a refusé de leur fournir un endroit où dormir et les a installés au réfectoire où ils sont restés sans litière ni nourriture.
3) La Direction du Groupe scolaire Marie Merci a comploté contre les étudiants Tutsi.
L’atmosphère était telle que les Tutsi, ayant également appris ce qui se passait ailleurs, étaient poussés à s’enfuir; mais le 4 mai 1994, le Directeur, l’abbé Uwayezu Emmanuel, celui qui était chargé de l’éducation dans Gikongoro et quelques gendarmes, ont organisé une réunion avec les Tutsi, soit disant pour les rassurer sur leur sécurité mais en réalité pour les contraindre à ne pas s’enfuir. Ont participé a cette réunion, le Préfet de la Préfecture de Gikongoro, Bucyibaruta Laurent, le Sous-préfet de la Sous-préfecture Munini, Biniga Damiyani, Monseigneur Misago Augustin, évêque de la Diocèse de Gikongoro, le Bourgmestre de la Commune Rwamiko Silas Munyurangabo, celui de la Commune Mubuga Nyiridandi Charles, le chef de la gendarmerie à Mubuga le Sous-lieutenant Hitimana Anaclet, et d’autres autorités qui étaient venues de la Préfecture et des Communes Mubuga et Rwamiko.
Le Préfet a demandé au représentant des étudiants Tutsi d’exposer leurs problèmes, et il a expliqué qu’ils étaient en permanence menacés d’être tués, qu’ils étaient loin de leurs familles dont ils ne connaissaient pas le sort, s’ils étaient vivants ou non, et il a ajouté que si les autorités choisissaient de les sauver, qu’ils survivront, mais que si elles choisissaient leur mort, qu’ils seront tués. Comme les survivants l’expliquent, Monseigneur Misago et le Préfet Bucyibaruta ont dit aux étudiants Tutsi que les Hutu se sont séparés d’eux par ce qu’ils ne leur faisaient plus confiance car ils passaient leurs nuits à écouter des chants des Inkotanyi sur Radio Muhabura, et qu’ils pouvaient les empoisonner.
4) Les Interahamwe de différentes localités sont venus tuer les étudiants Tutsi
Le 7 mai 1994, entre 11h du matin et midi, des Interahamwe venus de localités différentes dont Rwamiko, Mubuga, Ndago et d’ailleurs, ont, muni d’armes diverses, attaqué les étudiants Tutsi et ont commencé à les tuer. Ceux qui ont pu échapper à l’attaque et se sont enfuis, ont été traqués à l’aide de chiens, et certains ont été dénoncés par leurs camarades Hutu du Groupe scolaire Marie Merci qui observaient la scène d’un endroit situé en hauteur.
Les Interahamwe se paraient de feuilles de bananiers sèches, tandis que tous les étudiants Hutu portaient des chiffons rouges sur leurs habits pour identifier tout Tutsi qui viendraient s’infiltrer pour se cacher dans leurs rangs. Les étudiants Hutu portaient eux-mêmes des armes à l’aide desquelles ils ont tué certains de leurs camarades Tutsi de façon atroce, demandant notamment à ceux-ci de s’entretuer et promettant la vie sauve à celui qui survivrait. Ils dénudaient préalablement ceux qu’ils allaient tuer. Ils se sont également adonnés au pillage et ont traqué leurs camarades Tutsi dans les endroits différents où ils s’étaient cachés. Ils ont débusqué dans des plafonds certains d’entre eux, dont Elias et Fidèle Castro qui était originaire de Ruhango et qui a été enterré vivant jusqu’au cou avant d’être tué. Les corps sans vie de ceux qui ont été massacrés au Collège des Lettres, ont été jetés dans une fosse creusée derrière la chapelle.
5) Les principales autorités qui ont participé aux massacres de façon directe ou indirecte.
L’abbé Uwayezu Emmanuel qui était le Directeur du Groupe Scolaire Marie Merci réside actuellement en Italie où il a changé de nom pour s’appeler Emmanuel Mihigo Wayezu, le Préfet de Gikongoro Bucyibaruta Laurent, a fui en France où il a d’abord été poursuivi par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, qui a finalement transféré son dossier en France où jusqu’à aujourd’hui il n’a pas encore comparu devant un tribunal. Il y a aussi Biniga Damien qui était Sous-préfet de Munini, Hitimana Anaclet qui était le chef de la gendarmerie à Mubuga, Bakundukize Innocent, Chef de Plantation à l’usine à thé de Mata, Nyilidandi Charles qui était Bourgmestre de la Commune Mubuga, Ndabalinze Juvénal qui était Directeur de l’usine à thé de Mata, Mutazihana Nathanael qui était Directeur du Centre de santé de Kibeho, Kayigamba Francois qui était Préfet des Etudes, Karekezi Fabien alias Sagazi qui était préfet de Discipline, Fatikaramu Holomisidasi qui enseignait la Géographie, Séraphine qui enseignait l’anglais, Kimbo qui était cuisinier.
6) Les étudiants qui ont participé aux massacres
Murindangabo Aimable, Byilingiro Theoneste alias Kofi, Harolimana Alexis alias Gifu qui était le doyen des étudiants, Hakizimana Jean de Dieu alias Rukokoma, Jean-Damascene Nsengiyumva, Misago Venuste, Nakabonye Alexis, Aaron Mundanikure, Michel Mutabazi, Hakizimana J. Damascene alias Gahinda, Uwamahoro Clément (fils de Mutazihana Nathanael), Casimir Bizimungu, Butera Christophe, Esperance Nyiranziza, Joseline Byukusenge, Lucien (petit frère du Préfet de Discipline), Nsabimana Sylvestre, Balinda Janvier, Serushema Jean Bosco, Barayagamba Eduard, Uwimana Emmanuel, Gaudence Uwamahoro, Solange Uwamahoro, fille de Rubanda, Bimenyimana J. Damascene, Niyirora Mélanie, Habinshuti François Xavier, Twahirwa Gerard, Harelimana Gerede, Karerangabo Viateur, Munyarukiko François, Vuguziga Egide, Ndayambaje Eraste et d’autres.
CONCLUSION
Les massacres commis contre les étudiants Tutsi à Kibeho l’ont été un mois après qu’un génocide des plus dévastateurs avait été commis à l’église de Kibeho le 14 avril 1994. Ce qui montre combien les étudiants Tutsi ont souffert le supplice pendant tout un mois en sachant pertinemment qu’ils allaient finalement être tués et de façon atroce. (Fin).
*Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG).