By BIZIMANA Jean Damascène*
Kigali: Le 9 avril 1994, le gouvernement criminel a continué à mettre en œuvre son plan génocidaire d’exterminer les Tutsi dans tout le pays. Ci-après la description de quelques massacres de Tutsi qui se sont passés le 9 avril 1994.
1. L’opération française Amaryllis a abandonné les Tutsi entre les mains de tueurs.
Le 9 avril marque le début de l’opération française baptisé Amaryllis, qui s’est déployée jusqu’au 12 avril 1994. La justification officielle de cette opération était l’évacuation des Français et d’autres étrangers. Cette opération a eu lieu alors que des massacres étaient en train d’être commis systématiquement et massivement dans Kigali et sur tout le territoire rwandais par l’armée gouvernementale et les miliciens. Les Français n’ont pas voulu intervenir pour arrêter les massacres qui se commettaient devant leurs yeux, notamment en face de l’aéroport de Kanombe, ils ont laissé plusieurs victimes entre les mains des tueurs.
Des Tutsi qui avaient réussi à monter dans les camions des soldats français étaient descendus de force à la première barrière, ils étaient tués devant les militaires français.
Les couples mixtes entre Français et Rwandais sont séparés ou bien laissés sur place, les femmes européennes sont obligées d’abandonner leurs maris et leurs enfants métis. Les employés de l’ambassade, principalement les Tutsi sont abandonnés.
Pendant ce temps l’ambassade de France a ouvert ses portes à la famille du président défunt Juvénal Habyarimana, les membres de l’escadron de la mort créés par le régime, les membres du cercle présidentiel criminel dit l’Akazu. Des Tutsi qui tentaient de s’accrocher à la grille de l’ambassade de France sont repoussés et tués par les miliciens.
Les employés de l’orphelinat Ste Agathe appartenant à Agathe Kanziga, épouse du president, sont évacués, mais la France refuse l’asile politique aux enfants de la première ministre Agathe Uwilingiyimana, assassinée deux jours auparavant par des membres de l’armée rwandaise conduits par le major Bernard Ntuyahaga.
La décision d’évacuer les Français et d’autres étrangers n’était pas prise après la mort du président Habyarimana, ni les deux jours qui suivirent. Les responsables militaires et politiques français ont pris leur temps pour analyser la situation en vue de réagir au moment opportun. En agissant ainsi, les Français voulaient renforcer la position des Forces Armées Rwandaises (FAR) dans la guerre.
Le 9 avril 1994, la famille Habyarimana, dont Agathe Habyarimana, et plusieurs extrémistes hutu qui venaient de déclencher des massacres contre les Tutsi sont évacués vers la capitale de la République Centrafricaine, Bangui, et transférés vers Paris.
Parmi eux figuraient le financier du génocide, Félicien Kabuga qui est en meme temps l’un des durs du pouvoir qui était président du Comité provisoire du Fonds de Défense Nationale (FDN) et président du Comité d’initiative de la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), le sinistre outil de propagande du regime. Ce meme Félicien Kabuga, fut l’importateur de 25 tonnes de machettes en novembre 1993 ainsi 50.000 autres machettes en mars 1994. Félicien Kabuga est toujours recherché par la justice international pour génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide, tentative de génocide, entente en vue de commettre le génocide et crimes contre l’humanité (persécution, extermination).
Figuraient aussi Ferdinand Nahimana, universitaire de renom, professeur d’histoire à l’Université nationale du Rwanda. Nahimana fut directeur de l’Office Rwandais de l’information et fondateur de la RTLM. Il a utilisé la radio, le média de communication qui atteint le plus grand nombre de gens, pour propager la haine et la violence. Nahimana fut condamné au terme de son procès à 30 ans de réclusion « pour avoir incité directement et publiquement à la commission du génocide et pour persécution constitutive de crime contre l’humanité par le biais d’émissions de la RTLM. »
2. Prestation de serment du gouvernement génocidaire composé par des extrémistes du Hutu-Power et dirigé par Jean Kambanda
Tôt dans la matinée du 8 avril 1994, Bagosora a réuni des chefs de partis politiques de la tendance du Hutu-Power pour former un gouvernement, tous, sans surprise, du côté des extrémistes. La composition de ce Gouvernement eut lieu dans les locaux de l’ambassade de France au Rwanda.
Le MRND était représenté par son président Mathieu Ngirumpatse, Edouard Karemera son vice-président et Joseph Nzirorera, son secrétaire général; le MDR par ses dirigeants de l’aile Hutu-Power, Froduald Karamira, Donat Murego, le PL par, Justin Mugenzi et Agnès Ntamabyaliro. Le PSD était représenté par deux extrémistes, François Ndungutse et Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki, tandis que le PDC était représenté par Jean-Marie Vianney Sibomana, Célestin Kabanda et Gaspard Ruhumuliza.
Sur recommandation des dirigeants du MRND, le groupe a décidé d’installer le Dr Théodore Sindikubwabo, en tant que président de la République. Le colonel Bagosora a nommé Jean Kambanda au poste de Premier ministre.
Ce gouvernement avait pour unique agenda, la coordination et l’extension du génocide contre les Tutsi dans tout le pays. Ses membres ont sillonné le pays en incitant aux massacres, en distribuant des armes aux miliciens, et en justifiant sur la scène internationale les actes criminels qui étaient en train d’être commis au Rwanda.
3. Des Tutsi ont été tués à la Paroisse catholique Saint Vincent de Pallotti à Gikondo, à Kigali le matin, sous les yeux d’observateurs de l’ONU
Le 9 avril 1994, des Interahamwe et des militaires de la Garde Présidentielle ont tué des Tutsi qui s’étaient réfugiés à la Paroisse catholique Vincent de Palotti à Gikondo, ces réfugiés étaient à peu près 500. Ce jour, les troupes de l’ONU ont assisté au massacre de Tutsi, dont de nombreux enfants, dans cette église de Gikondo. Toujours à cette date, des militaires ont brûlé vifs des Tutsi qui s’étaient réfugiés dans le village de Nyakabanda II, en dessous de l’hôtel Baobab.
Le quotidien français Libération fut le premier journal étranger à qualifier ces tueries de génocide sous la plume du journaliste Jean Philippe Ceppi qui était au Rwanda pendant ces sanglants massacres.
4. Les Tutsi ont continué à être massacrés à travers le pays: à Kibungo, Kigali, Ruhengeri et Kibuye.
A cette date des Tutsi qui s’étaient réfugiés sur les collines de Murama, Murundi, Mwiri, Nyamirama et Kabare dans le District de Kayonza, tout comme ceux qui s’étaient réfugiés à la Paroisse catholique de Kabuye en Secteur Jabana, District de Gasabo, ont été massacrés.
Des Interahamwe ont tué des Tutsi dans le Secteur Nyagatare I en District de Nyagatare, tout comme ceux qui s’étaient réfugiés à Zaza, à Kibungo, où depuis le 9 avril 1994, les massacres ont continué, 500 à 800 Tutsi périrent.
Depuis le 9 avril 1994, des Interahamwe ont commencé le massacre des Tutsi qui s’étaient réfugiés à Kiramuruzi, en District de Gatsibo, tout comme ceux qui s’étaient réfugiés sur la colline de Nyamagumba en Commune Mabanza, Préfecture Kibuye. Les réfugiés résistent durant 5 jours (9-14 avril), 12 000 morts.
Le même jour, ont également été tués les Tutsi qui s’étaient réfugiés à Nyabikenke, au bureau de l’ancien Secteur de Karama dans la région du Bumbogo, tout comme dans plusieurs autres localités, comme à Cyabingo, en Préfecture Ruhengeri, à l’église baptiste de Rusiza à Kabumba, en Préfecture de Gisenyi, à l’église de Nyundo et dans ses alentours, ainsi qu’à la maternité de Nyundo en Préfecture de Gisenyi, actuellement en District de Rubavu.
Dans la localité de Kivuruga en Commune Cyabingo, il y avait de très nombreux militaires qui arrêtaient les Tutsi pour les empêcher de s’enfuir. Les Tutsi ont été tués aussi bien à cette barrière qu’à Cyabingo et Busengo. Les Interahamwe qui les ont tués provenaient de l’endroit appelé Mukinga, sur la route goudronnée, munis des mains des tutsi qu’ils avaient coupées après les avoir massacrés; avant de se rendre à Rwaza, en l’ancienne Commune de Ruhondo, pour aller en tuer d’autres.
Conclusion
Les massacres de Tutsi ont continué à travers tout le pays, avec les mêmes méthodes, tout Tutsi devait mourir, beaucoup d’entre eux furent tués alors même qu’ils tentaient de s’enfuir. A cette date de nombreux Tutsi furent tués dans des lieux de prière et des églises parce que les gens croyaient y trouver un refuge sûr. (Fin).
*BIZIMANA Jean Damascène, Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide