Evariste Ndayishimiye: «Le Burundi ne tolérera pas une coopération d’exploitation ou des relations hypocrites.»
Le Burundi exige au Rwanda d’extrader des présumés auteurs du coup d’Etat manqué de 2015 et de faciliter le retour des réfugiés se trouvant sur son sol comme préalable à la normalisation de ses relations bilatérales avec son voisin du nord.
Ces deux conditions considérées comme « sine qua non » ont été données par la porte-parole du Ministère burundais des Affaires étrangères Sonia Niyubahwe citée par le journal Iwacu. Sonia Niyubahwe a indiqué que son pays voulait le rétablissement des relations entre les deux pays.
Un mois après sa nomination au poste de Ministre burundais des Affaires étrangères et de la Coopération au Développement, Albert Shingiro avait confié à l’Agence de Presse russe Sputnik, que le Burundi attache une grande importance au respect des pactes de non-agression et de promotion des relations de bon voisinage dans la région.
«Comme on ne choisit pas ses parents, de même on ne choisit pas ses voisins. D’où l’importance de vivre en harmonie avec tous les voisins pour le bien-être de nos peuples respectifs», avait déclaré l’homme d’Etat burundais.
Le Burundi et le Rwanda, deux pays voisins, membres de la Communauté des pays des Grands-Lacs (CPGL) et de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC, East African Community), sont à couteaux tirés depuis 2015.
Leurs relations se sont fortement détériorées avec le coup d’Etat manqué contre l’ancien président burundais Pierre Nkurunziza du 13 mai 2015 et la fuite de certains putschistes au Rwanda. Depuis, chacun de ces deux pays voisins accuse l’autre de soutenir des groupes rebelles, responsables de plusieurs attaques.
Pierre Nkurunziza qui est mort le 8 juin 2020 accusait le Rwanda de soutenir les mouvements politico-militaires qui étaient opposés à son troisième mandat contesté, ce que Kigali avait toujours démenti. Le Rwanda soupçonne pour sa part une présence au Burundi des rebelles rwandais des FDLR(Forces Démocratiques de Libération du Rwanda).
Feu Pierre Nkurunziza accusait également le Rwanda de recruter, d’entraîner des réfugiés du Burundi voisin, et de les enrôler dans une opposition armée contre son régime. Ces réfugiés avaient fui la crise déclenchée par son troisième mandat présidentiel controversé en 2015.
Son successeur au fauteuil présidentiel Evariste Ndayishimiye a renouvelé la même accusation en disant haut et fort que le Rwanda continue de « prendre en otage » ces réfugiés burundais pour servir ses intérêts géopolitiques. Des accusations rejetées par le Rwanda qui avait menacé en 2016 de renvoyer les réfugiés burundais qui sont sur son sol vers d’autres pays.
Quelque 75.000 Burundais ont trouvé refuge au Rwanda, dont 25.000 à Kigali, où se concentrent notamment hommes politiques, militants associatifs ou journalistes, menacés dans leur pays.
Le Rwanda a réaffirmé sa disposition à faciliter le rappariement des réfugiés burundais après que 331 d’entre eux aient manifesté leur désir de rentrer au bercail dans une pétition adressée au nouveau président burundais Evariste Ndayishimiye.
Le rapatriement volontaire ces dernières semaines d’un millier de réfugiés burundais n’a pas du tout apaisé la tension entre les deux pays. Le Burundi exige toujours davantage. Et ce sont les populations civiles des deux pays qui payent le plus lourd tribut de cette querelle diplomatique.
Les Rwandais qui vivaient au Burundi ont été expulsés, incarcérés pour espionnage et d’autres y ont laissé la vie. Des centaines de Burundais ont été également expulsés du Rwanda officiellement pour séjour illégal.
Avec l’avènement d’Évariste Ndayishimiye au pouvoir et le décès de Nkurunziza, le Rwanda en a vu une occasion pour tendre la main à son voisin pour le réchauffement de leurs relations.
« Nous avons montré plusieurs signes de bonne volonté, mais les Burundais les ont ignorés. La bonne cohabitation est bénéfique pour les deux parties. Ce n’est pas le seul Rwanda qui a besoin de la paix. Eux aussi en ont besoin. Parfois les frères peuvent être en désaccord. Nous voulons une bonne entente qui profite à tout le monde», avait déclaré le Président rwandais Paul Kagame dans une conférence de presse.
Une main tendue vite rejetée par le nouvel homme fort du Burundi considérant que son voisin du nord n’est pas sincère.
«Nous voulons des amis, mais pas des amis hypocrites qui prétendent vous aimer alors qu’ils vous tendent des pièges », avait déclaré le nouveau Président burundais Evariste Ndayishimiye le 6 août, lors des cérémonies de présentation du nouveau Gouverneur de la province de Kirundo, frontalière du Rwanda.
C’est dans ce contexte que le Président de la RDC, Félix Tshisekedi, a programmé le dimanche 13 septembre un mini-sommet entre les Chefs d’Etat des Grands-Lacs à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu située à l’Est de son pays.
Yoweri Museveni de l’Ouganda, Paul Kagame du Rwanda, Evariste Ndayishimiye du Burundi, João Lourenço de l’Angola et Felix Antoine Tshisekedi de la RDC étaient attendus pour ce mini-sommet.
Ce mini-sommet avait comme objectif de décrisper les tensions entre l’Ouganda et le Rwanda, d’une part, et entre le Burundi et le Rwanda de l’autre.
Ce sommet aurait pu arracher un accord pour mettre fin aux tensions politiques qui fragilisent toute la région des grands-lacs. Mais il a été finalement reporté à la dernière minute à une date encore inconnue.
La veille, le Burundi avait déjà fait savoir que ses plus hautes autorités étaient dans l’impossibilité de participer aux travaux de ce sommet à cause d’un calendrier chargé.
Mais selon certaines indiscrétions, le Président burundais ne voulait pas rencontrer celui du Rwanda. Le Burundi accuserait également Félix Tshisekedi d’être trop proche de Paul Kagame. (Fin)