Le plus récent rapport d’IMPACT révèle que le commerce illicite de l’or en République démocratique du Congo (RDC) continue de prospérer malgré les efforts visant à assainir le secteur.
Des négociants et exportateurs dûment enregistrés en RDC, au Rwanda et en Ouganda exercent leurs activités sans crainte apparente de sanctions, même après avoir été dénoncés publiquement année après année par les Nations Unies et des organisations internationales comme contribuant au commerce illicite de l’or artisanal de la RDC.
Dans son dernier rapport, « Les intermédiaires : Ces négociants qui compromettent les efforts de la République démocratique du Congo en faveur de la production d’or sans conflit (, IMPACT décrit comment des négociants et exportateurs dûment enregistrés donnent un semblant de légalité à leurs activités en déclarant un faible pourcentage de leurs exportations d’or tout en empochant d’énormes profits du commerce illicite.
Ils déjouent les tentatives de démantèlement de leur système en reconfigurant leurs activités dans toute la région lorsque nécessaire ou en créant des entités fantômes.
Ainsi, l’or sorti en contrebande de la RDC et circulant sur le marché international légal – sous la forme de produits de consommation – est potentiellement lié à des activités criminelles, au blanchiment d’argent, à des groupes armés et à des violations des droits humains.
« Beaucoup d’efforts ont été faits pour renforcer le commerce responsable de l’or artisanal en RDC, mais tant que ces intermédiaires magouilleurs entre les exploitantes et exploitants et le marché agiront en toute impunité, tous ces efforts seront futiles », a affirmé Joanne Lebert, directrice générale d’IMPACT.
IMPACT a constaté que, malgré les efforts déployés par le gouvernement de la RDC et des entités internationales pour introduire la traçabilité et le devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement en or artisanal en RDC, le commerce illicite semble être en plein essor : seule une fraction de la production est exportée légalement, c’est-à-dire déclarée aux autorités, tous droits et taxes payés.
Le rapport utilise plusieurs études de cas pour illustrer l’ampleur du problème, dont celle de Cavichi SARL, comptoir agréé de Bukavu de 2013 à 2016 :
• En 2015-2016, Cavichi SARL a exporté 25, 7 kg selon ce qui a été déclaré aux autorités de la RDC, mais 5,290 kg selon ce qui a été déclaré aux autorités rwandaises dans les documents de transit.
• Cavichi SARL a largement sous-évalué ses exportations, les 5,290 kg ayant une valeur déclarée de 17.3 millions USD, tandis que leur valeur marchande internationale à l’époque serait plutôt de quelque 191.5 millions USD.
• Même si l’entreprise a fermé ses portes, son fondateur, Caetano Victor Chibalonza, poursuit ses activités de négociant d’or.
L’étude d’IMPACT examine aussi de plus près le Rwanda en tant que point de transit de l’or de la RDC et la récente croissance des exportations d’or du Rwanda. Selon l’étude, les autorités rwandaises manquent à leur devoir de diligence concernant l’or qui entre au Rwanda en provenance de la RDC.
Le cas de deux entités fantômes, Congo Golden Mining Ltd et Omega Gold Mining Ltd, vient démontrer ces manquements :
• Responsable de 18 cargaisons d’or totalisant 627 kg en 2015-2016, Congo Golden Mining Ltd et Omega Gold Mining Ltd sont des entités fantômes qui n’apparaissent que dans les documents de transit rwandais.
• Les autorités rwandaises n’ont pas détecté la documentation fausse ou suspecte, telle que l’adresse vague, « Building Dubai, EAU », indiquée pour l’entité fantôme Al Haitham DMCC, présumé acheteur des cargaisons d’or de Congo Golden Mining Ltd.
L’exploitation minière artisanale est souvent motivée par la pauvreté et les facteurs économiques incitant à emprunter des voies illicites demeurent importants.
Si certains négociants et exportateurs estiment avantageux de respecter les mécanismes de traçabilité et de diligence, ceux que décrit ce rapport d’IMPACT semblent n’y voir aucun intérêt.
Compte tenu de sa conclusion selon laquelle les systèmes de traçabilité et de diligence s’appliquant à l’or de la RDC ne pourront réduire l’ampleur du commerce illicite que lorsque les systèmes des intermédiaires seront démantelés, IMPACT demande au gouvernement de la RDC de :
• Faire enquête sur les intermédiaires bien connus, leur demander des comptes et les dénoncer, notamment en révoquant ou en refusant tout permis de commerce, d’exportation ou d’affinerie aux personnes et entreprises liées au commerce illicite
• Simplifier les étapes à suivre pour exporter de l’or de façon à ce qu’elles soient claires et pas trop lourdes, et que les coûts associés ne découragent pas le commerce légal.
« Le moment est venu de sortir les intermédiaires de l’ombre. Cela fait trop longtemps qu’ils peuvent tromper le système et s’en tirer. Jamais il n’a été plus évident que maintenant, avec la COVID-19, que ces négociants tirent profit de la vulnérabilité des exploitantes et exploitants miniers. Les autorités doivent agir pour mettre fin à leurs activités », a déclaré Joane Lebert, directrice générale d’IMPACT.
IMPACT demande aussi aux gouvernements du Rwanda et de l’Ouganda de favoriser la coopération entre les organismes chargés de l’application de la loi afin de détecter les écarts commerciaux et resserrer les contrôles réglementaires de l’or déclaré comme provenant de la RDC.
IMPACT, anciennement Partenariat Afrique Canada, transforme la gestion des ressources naturelles dans les zones où la sécurité et les droits de la personne sont menacés.
L’ONG analyse et conçoit des approches de gestion des ressources naturelles dans une triple optique de renforcement de la sécurité, de développement et d’égalité.
Organisme indépendant sans but lucratif, IMPACT fait action commune avec des partenaires locaux pour réaliser un changement durable. (Fin)