Le tribunal de première instance de Kicukiro dans la capitale rwandaise vient de prolonger de 30 jours la détention préventive de Paul Rusesabagina dont l’histoire pendant le génocide de 1994 a inspiré le film hollywoodien “Hôtel Rwanda”.
Le héros du film “Hôtel Rwanda” reste en prison. Un délai supplémentaire de 30 jours a été décidé à la requête du parquet, une procédure courante dans le système judiciaire rwandais.
Le 17 septembre dernier, le tribunal avait ordonné le placement en préventive pour 30 jours contre Paul Rusesabagina. Le 20 octobre, après l’expiration de ces 30 jours, le parquet a demandé au tribunal de prolonger la détention provisoire de l’accusé au motif que les procureurs ont besoin de plus de temps pour poursuivre et boucler leurs investigations.
Le tribunal a approuvé, ce vendredi 23 novembre, la prolongation de la garde à vue de Paul Rusesabagina. Le tribunal a par ailleurs rejeté l’ensemble des moyens que Paul Rusesabagina a soulevés pour s’opposer à son maintien en détention préventive pendant 30 jours supplémentaires.
Paul Rusesabagina n’a pas mis les pieds au tribunal ce vendredi. L’homme de 66 ans a suivi la décision du juge en visioconférence depuis la prison centrale de Kigali connu sou le nom de «Mageragere » où il avait été placé en détention provisoire.
En 2017, Paul Rusesabagina avait fondé en partenariat le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), un parti politique soupçonné d’avoir un bras armé, le Front de libération nationale (FLN), un groupe considéré comme terroriste par Kigali.
A plusieurs reprises, Paul Rusesabagina avait publiquement exprimé son soutien au FLN mais son éventuelle implication dans le mouvement, qui a revendiqué plusieurs attaques à Nyungwe, près de la frontière burundaise, demeurait floue.
«Nous avons formé le FLN comme un bras armé, pas comme un groupe terroriste comme le dit le procureur. Je ne nie pas que le FLN ait commis des crimes, mais mon rôle était la diplomatie», avait-t-il clarifié devant le tribunal lors de sa comparution initiale.
«L’accord que nous avons signé pour former le MRCD, comme une plateforme politique, incluait la formation d’un bras armé appelé le FLN. Mais mon rôle était de travailler pour cette plateforme politique et j’étais en charge de la diplomatie», avait-t-il ajouté.
Le héros du film “Hôtel Rwanda” est désormais poursuivi pour terrorisme, meurtre, création et financement de rébellion, incendies volontaires, et complot visant à impliquer des enfants dans des groupes armés.
C’est le deuxième responsable du MRCD à être arrêté et poursuivi en justice après le Major Callixte Sankara qui était le porte-parole du groupe FLN. Callixte Sankara est incarcéré et jugé au Rwanda depuis son extradition l’année dernière dans des conditions aussi rocambolesques.
Paul Rusesabagina,-devenu opposant farouche au régime du président rwandais Paul Kagame-, dispose d’une notoriété mondiale depuis qu’un long-métrage hollywoodien – Hôtel Rwanda – a mis en lumière son action lors du génocide de 1994 au Rwanda.
Paul Rusesabagina a sauvé la vie de plus de 1200 personnes qui s’étaient réfugiées à l’Hôtel des Milles Collines dont il était le gérant intérimaire durant les cent jours du génocide en usant de son influence auprès des miliciens génocidaires. Mais le gouvernement rwandais conteste l’histoire de Paul Rusesabagina telle que présentée dans le film “Hôtel Rwanda” et l’accuse d’imposture.
La CNLG (Commission Nationale de Lutte contre le Génocide), une institution gouvernementale, vient de publier sur son site un article “La vérité sur de nombreuses inexactitudes racontées dans le film, Hôtel Rwanda, y compris la fausse représentation de Paul Rusesabagina en héros” qui remet en cause l’histoire racontée dans le film “Hôtel Rwanda”.
L’Hôtel des Mille Collines, au cœur de Kigali, est aujourd’hui dépassé par des hôtels plus récents et plus luxueux. Mais en 1994, c’était un sanctuaire cinq étoiles dans un pays en proie au génocide le plus atroce et le plus rapide de l’histoire humaine au cours duquel plus d’un million des personnes sont mortes parmi la composante Tutsi de la population rwandaise.
Le 31 août, Paul Rusesabagina avait été présenté par la police menotté à Kigali alors qu’il vivait en exil aux États-Unis et en Belgique depuis 1996. Les autorités rwandaises affirment qu’il est retourné de son propre chef au Rwanda et qu’il a été cueilli comme un fruit mur à l’aéroport international de Kigali.
Ses soutiens pensent qu’il a été enlevé au cours d’un voyage à Dubaï, estimant qu’il ne serait jamais retourné de lui-même au Rwanda où il se savait activement recherché. Ils sont par ailleurs convaincus que les charges retenues contre lui sont purement politiques.
Human Rights Watch (HRW) a estimé dans un communiqué que Rusesabagina avait été victime d’une “disparition forcée” dont les autorités rwandaises devraient répondre de manière exhaustive. Le président rwandais, Paul Kagame, a démenti qu’il ait été enlevé, mais laissé entendre qu’il pourrait avoir été trompé sur sa destination finale.
Dans une récente interview accordée au célèbre journal américain «New York Times» depuis sa cellule de prison et sous la surveillance de deux officiers de police, M. Rusesabagina avait déclaré qu’il pensait se rendre au Burundi fin août, mais que le jet privé dans lequel il était monté avait finalement atterri par «surprise» au Rwanda. (Fin)