L’arrestation par le gouvernement rwandais de Paul Rusesabagina dont l’histoire a inspiré le film Hôtel Rwanda sur le génocide et personnalité connue pour ses critiques du Front patriotique rwandais (FPR, le parti au pouvoir) a constitué une disparition forcée et une grave violation du droit international, selon Human Rights Watch(HRW).
Pour cette ONG internationale des droits humains basée à New York, les violations des droits de cet opposant soulèvent des craintes quant à la possibilité d’un procès équitable.
HRW demande au Rwanda d’accorder immédiatement à cet opposant l’accès à un avocat de son choix, des échanges confidentiels, ainsi que la possibilité d’être en contact régulier avec sa famille.
Les autorités rwandaises devraient lui permettre aussi d’exercer rapidement son droit de contester la légalité de son arrestation, et d’être représenté par un avocat de son choix devant un tribunal indépendant appliquant les normes internationales en matière de droits humains.
Paul Rusesabagina s’est enfui en Belgique en 1996. Il est aujourd’hui citoyen belge et réside aux États-Unis. Le 27 août 2020, il voyageait entre les États-Unis et Dubaï, aux Émirats arabes unis.
Des membres de sa famille ont déclaré à Human Rights Watch avoir échangé des messages WhatsApp avec lui ce soir-là, n’avoir pu le contacter de nouveau et n’avoir rien su de ce qui lui était arrivé jusqu’à ce que, le 31 août, le Bureau d’enquêtes rwandais (Rwanda Investigation Bureau, RIB) annonce qu’il détenait Rusesabagina à Kigali, au Rwanda. Sa famille n’a pu lui parler que le 8 septembre.
« Les antécédents du Rwanda dans l’utilisation de méthodes illégales et interlopes pour cibler ceux que le parti au pouvoir perçoit comme une menace sont bien connus », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.
« Le fait que le Rwanda n’ait pas appréhendé Paul Rusesabagina en utilisant une procédure d’extradition légale suggère que les autorités ne pensent pas que leurs preuves ou les garanties d’un procès équitable résisteraient à l’examen d’un tribunal indépendant, les amenant à choisir de contourner l’état de droit », ajoute Lewis Mudge
Human Rights Watch s’est entretenu avec trois membres de la famille de Rusesabagina et avec l’un de ses avocats, et a examiné les informations accessibles au public, notamment les données des vols entre Dubaï et Kigali et les entretiens accordés par le président Paul Kagame et par le porte-parole du RIB.
Rusesabagina est surtout connu comme étant l’ancien patron de l’hôtel des Mille Collines, un établissement de luxe du centre de Kigali où des centaines de personnes sont venues chercher protection pendant le génocide de 1994 au Rwanda.
Après le génocide, craignant pour sa sécurité, il a fui le Rwanda. Par la suite, il est devenu un détracteur féroce du gouvernement rwandais et a cofondé le Mouvement rwandais pour le changement démocratique, le MRCD, une coalition de groupes d’opposition, dont la branche armée est connue sous le nom de Forces de libération nationale (FLN). Les FLN ont revendiqué plusieurs attaques dans la province du Sud, au Rwanda, depuis 2018.
Plus de 10 jours après que le Rwanda ait reconnu que Rusesabagina avait été arrêté, les autorités n’ont toujours pas fourni un compte rendu cohérent ou complet de la manière dont il avait été appréhendé puis détenu. En particulier, les autorités rwandaises n’ont pas révélé qui l’avait placé sous sa garde depuis son appréhension à Dubaï le 27 août jusqu’à sa réapparition à Kigali le 31 août.
Rusesabagina a parlé au téléphone à trois membres de sa famille le 8 septembre. L’un des membres de sa famille a déclaré à Human Rights Watch qu’ils craignaient que Rusesabagina ne puisse s’exprime librement parce que deux avocats qui ne font pas partie de l’équipe de défense qu’ils ont constituée étaient présents lors de cette conversation. Des membres de la famille ont également déclaré que ces deux avocats étaient présents lors d’une visite d’un représentant du consulat belge le 7 septembre.
Il est difficile de savoir si Rusesabagina a eu accès à un avocat de son choix, les autorités rwandaises ayant confirmé aux médias qu’elles avaient refusé un avocat qui s’était présenté comme étant autorisé par la famille de Rusesabagina à le représenter.
Les membres de la famille de Rusesabagina ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils craignaient que Rusesabagina ne reçoive des médicaments différents de ceux qu’il prend habituellement pour traiter ses problèmes de santé.
Les autorités rwandaises ont d’abord déclaré qu’elles avaient arrêté Rusesabagina grâce à la coopération internationale, mais le 8 septembre, elles ont semblé faire marche arrière, suggérant qu’elles étaient seules responsables de l’arrestation de Rusesabagina et que d’autres pays n’avaient aidé le pays que pour de précédentes enquêtes. Si tel est le cas, selon Human Rights Watch, cela signifie que des agents rwandais opéraient sur le sol des Émirats pour le capturer.
Un responsable anonyme des Émirats cité dans un article de CNN a déclaré que Rusesabagina avait quitté le pays « légalement » à bord d’un jet privé pour le Rwanda plusieurs heures après son arrivée aux Émirats. Radio
France Internationale a confirmé qu’un avion Bombardier Challenger 605 appartenant à la société Gainjet – qui a un bureau à Kigali et qui est régulièrement utilisée par des responsables rwandais, notamment par le président – a quitté l’aéroport international Al Maktoum de Dubaï vers 1h du matin le 28 août et est arrivé à l’aéroport de Kigali quelques heures plus tard.
Le 6 septembre, le président Kagame a nié toute allégation d’enlèvement : « Il n’y a pas eu de kidnapping. Aucun acte répréhensible n’a été commis dans le processus qui l’a mené ici ».
Alors qu’il était détenu au poste de police de Remera, Rusesabagina a été présenté pour un entretien à The East African le 3 septembre, au cours duquel il a refusé de répondre aux questions sur son arrestation et sur son arrivée au Rwanda.
Dans son entretien avec The East African, Rusesabagina a déclaré qu’il avait accès à de la nourriture, des médicaments, une assistance médicale et qu’il était en train de choisir son avocat.
«Le fait qu’une personne soupçonnée d’une infraction pénale accorde une interview « exclusive » à la presse avant d’avoir accès à ses avocats, aux services consulaires ou à des contacts avec sa famille est extrêmement suspect », a déclaré Human Rights Watch.
«Les autorités rwandaises devraient fournir de toute urgence un compte rendu complet et corroboré de la façon dont Rusesabagina a été appréhendé et transféré au Rwanda », a poursuivi Human Rights Watch.
Sur la base des recherches de Human Rights Watch qui s’appuient sur des informations accessibles au public, Rusesabagina était détenu par les Rwandais ou leurs intermédiaires dès la nuit du 27 août, alors que sa détention n’a été reconnue par les Rwandais que le 31 août, ce qui signifie que sa disparition forcée a duré au moins trois jours.
«Quand des autorités privent une personne de sa liberté et refusent de reconnaître sa détention, ou cachent l’endroit où elle se trouve, elles procèdent à une disparition forcée, qui est un crime prohibé en toutes circonstances au regard du droit international. Les personnes impliquées et responsables de tels actes devraient être tenues pénalement responsables », a déclaré Human Rights Watch.
La détention légale et le transfert d’un suspect d’un pays à un autre pour des poursuites pénales devraient être exécutés dans la cadre d’une procédure d’extradition supervisée par un tribunal indépendant pour vérifier la légalité de la demande d’extradition et déterminer si les droits du suspect, notamment le fait d’être protégé contre les traitements inhumains et de bénéficier d’une procédure régulière et d’un procès équitable, seront garantis.
Selon Human Rights Watch, le fait que les autorités rwandaises aient contourné la procédure légale d’extradition de Rusesabagina remet sérieusement en cause la légitimité et la bonne foi qu’ils revendiquent dans leurs efforts pour engager des poursuites contre lui.
En vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la « Convention contre la torture »), ratifiée par le Rwanda et les Émirats arabes unis respectivement en 2008 et 2012, nul ne peut être envoyé dans un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’il pourrait être torturé ou maltraité.
Cette obligation a été interprétée comme obligeant les gouvernements à fournir un mécanisme permettant aux personnes de contester les décisions de les transférer vers un autre pays.
«Les autorités belges devraient de toute urgence mener à bien une enquête sur le transfert de Rusesabagina au Rwanda et publier leurs conclusions sans délai», a déclaré Human Rights Watch.
« Le traitement de cette affaire par les autorités rwandaises jusqu’à présent a fait fi de bon nombre de protections prévues par le droit international, suscitant de sérieuses craintes quant au bien-être de Rusesabagina et au respect de son droit à un procès équitable au Rwanda », a déclaré Lewis Mudge.
« La gravité des accusations qui pèsent contre Rusesabagina ne donne pas aux autorités rwandaises le droit de recourir au crime de disparition forcée et d’ignorer la régularité des procédures ainsi que les normes internationales d’équité des procès », poursuit Lewis Mudge.
Inquiétudes quant à l’équité du procès d’un opposant de longue date
Au fil des ans, Rusesabagina est devenu une personnalité connue pour ses critiques du Front patriotique rwandais et a accusé Kagame d’armer des milices secrètes. En décembre 2018, Rusesabagina a dénoncé le gouvernement de Kagame dans une vidéo sur YouTube et a appelé à « user de tous les moyens possibles pour provoquer le changement au Rwanda, car tous les moyens politiques ont été essayés et ont échoué ».
Dans la vidéo, il promet un « soutien sans réserve » aux FLN, la branche armée du MRCD. Depuis 2018, les FLN ont revendiqué plusieurs attaques autour de la forêt de Nyungwe, dans la province du Sud, près de la frontière avec le Burundi.
En avril 2019, les autorités judiciaires rwandaises ont confirmé que Callixte Nsabimana (également connu sous le nom de « Sankara »), un chef du mouvement et porte-parole des FLN, était sous leur garde, plusieurs semaines après avoir été porté disparu par sa famille. Sa famille a déclaré aux médias qu’il avait été enlevé aux Comores, alors que les autorités rwandaises déclaraient qu’il avait été extradé grâce à la « coopération internationale ».
Richard Sezibera, ministre rwandais des Affaires étrangères à l’époque, a déclaré aux médias qu’il « avait été arrêté et ramené [au Rwanda] » mais n’a pas précisé depuis où ni par quelle procédure son transfert avait eu lieu.
Nsabimana a plaidé coupable de toutes les accusations portées contre lui, notamment d’avoir formé un groupe armé illégal, de terrorisme, de meurtre, d’enlèvement et de déni de génocide.
Le 6 septembre, Kagame a déclaré : « Rusesabagina dirige un groupe de terroristes qui ont tué des Rwandais. Il devra payer pour ces crimes. Rusesabagina a le sang des Rwandais sur les mains ».
«Les déclarations du président, faites avant qu’une procédure judiciaire indépendante n’ait déterminé la culpabilité de Rusesabagina, compromettent ses chances de bénéficier d’un procès équitable au Rwanda. Cela a fréquemment été le cas pour d’autres criminels présumés que le gouvernement accusait d’avoir des liens avec l’opposition et avec des groupes armés », a déclaré Human Rights Watch.
«Le 9 septembre, Rusesabagina aurait été déféré à l’Organe national de poursuite judiciaire rwandais et son dossier transféré à cette institution. Rusesabagina devrait avoir accès à un avocat de son choix à chaque interrogatoire ou audition », suggère Human Rights Watch.
En vertu de la loi antiterroriste du Rwanda, toute personne soupçonnée de terrorisme peut être détenue provisoirement pour une durée maximale de 15 jours, renouvelable jusqu’à 90 jours.
Toutefois, l’article 9 (3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dispose que « Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».
Le Comité des droits de l’homme, un organe d’experts indépendants qui surveille la mise en œuvre du PIDCP, a déclaré que le délai entre l’arrestation d’un accusé et le moment de sa déposition devant une autorité judiciaire « ne devrait pas dépasser quelques jours ».
La position de Human Rights Watch, qui s’appuie sur toutes les normes pertinentes des droits humains, est que toute personne détenue par les autorités d’un État pour quelque raison que ce soit devrait, dans les 48 heures qui suivent le début de sa détention, être physiquement traduite devant un magistrat indépendant pour être autorisée à contester la légalité de sa détention, sauf circonstances exceptionnelles qui rendent cette opération impossible.
En tout état de cause, la période de 15 jours autorisée par la loi rwandaise viole le droit international et les obligations découlant des traités auxquels le Rwanda est partie.
Le 7 septembre, les avocats de Rusesabagina ont déposé un appel urgent auprès du Dr Nils Melzer, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le 31 août 2020, les gouvernements belge et américain ont déclaré à l’Associated Press qu’ils ne disposaient pas d’information sur cette affaire.
Les avocats de Rusesabagina basés aux États-Unis ont déclaré qu’il avait, par le passé, « subi des cambriolages à son domicile, reçu des menaces de mort et survécu à une tentative d’assassinat en 1996 ».
Rusesabagina, qui a le statut de résident permanent aux États-Unis, a reçu la Médaille présidentielle de la liberté des mains de George W. Bush en 2005 et a été lauréat du Prix des Droits de l’homme Tom Lantos en 2011.
Le 2 septembre 2020, le Secrétaire adjoint du Bureau des affaires africaines au Département d’État des États-Unis, Tibor Nagy, a tweeté que les États-Unis s’attendaient à ce que le gouvernement rwandais réserve un traitement humain à Rusesabagina, qu’il adhère à l’état de droit et lui donne accès à une procédure judiciaire équitable et transparente.
Attaques contre les dissidents au Rwanda
Selon Human Rights Watch, le retour à première vue forcé et illégal de Rusesabagina au Rwanda s’inscrit dans un contexte de répression bien documenté des critiques du gouvernement rwandais, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Le gouvernement a arrêté, détenu et poursuivi au Rwanda des critiques et opposants au gouvernement dans le cadre de procès politiquement motivés et a menacé à plusieurs reprises d’autres personnes vivant à l’extérieur du pays. Certains ont été physiquement attaqués et même tués.
En 2017, Human Rights Watch a documenté l’existence d’actes systématiques de torture, de disparitions forcées, de détentions illégales et arbitraires, de procès inéquitables et d’autres violations graves des droits humains de 2010 à 2016 dans des centres de détention de l’armée au Rwanda, en violation flagrante du droit rwandais et international.
Ces méthodes de détention illégales se sont révélées être conçues pour obtenir des informations auprès de membres réels ou présumés, ou de sympathisants de groupes armés d’opposition, notamment des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé basé dans l’est de la République démocratique du Congo dont certains des membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda.
Dans plusieurs procès suivis par Human Rights Watch depuis 2010, les juges ont exercé des pressions sur les prévenus accusés de terrorisme et les ont empêchés de témoigner sur l’illégalité de leur transfert ou de leur détention.
Plus récemment, les autorités rwandaises n’ont pas mené d’enquête crédible et transparente sur la mort suspecte en garde à vue, en février 2020, du chanteur bien connu Kizito Mihigo. Les autorités rwandaises ont affirmé qu’il s’était « étranglé » dans sa cellule du poste de police de Remera. Mihigo, une personnalité critique du gouvernement qui avait été poursuivi et emprisonné pendant quatre ans, avait peu de temps avant sa mort fait part à Human Rights Watch des risques sérieux qu’il encourait d’être tué par des agents du gouvernement.
Mihigo a été détenu au secret dans un lieu inconnu pendant neuf jours en avril 2014, où selon son propre témoignage il a été battu, menacé et forcé d’avouer des crimes dont il a ensuite été accusé.
En février 2015, la Haute Cour de Kigali l’a condamné à 10 ans de prison pour des infractions présumées d’association de malfaiteurs, d’entente en vue de commettre un assassinat et de complot contre le gouvernement en place ou le président. Il a été libéré en septembre 2018 après une grâce présidentielle. Il a de nouveau été arrêté en février 2020 à la frontière avec le Burundi.
Après plusieurs années de menaces, d’intimidations, de morts mystérieuses et de procès très médiatisés à motivation politique, peu de partis d’opposition restent actifs ou s’autorisent à commenter publiquement les politiques gouvernementales.
En 2019, trois membres du parti d’opposition non enregistré des Forces démocratiques unifiées (FDU)-Inkingi ont été portés disparus ou retrouvés morts. En septembre, Syldio Dusabumuremyi, le coordinateur national du parti, a été poignardé à mort. À l’époque, le RIB a annoncé avoir placé deux hommes en garde à vue. Eugène Ndereyimana, également membre des FDU-Inkingi, a été porté disparu le 15 juillet, après n’être jamais arrivé à une réunion à Nyagatare, dans la province de l’Est, au Rwanda.
Le corps d’Anselme Mutuyimana, un assistant de la dirigeante des FDU-Inkingi à l’époque, Victoire Ingabire, retrouvé mort en mars, présentait des signes d’étranglement. Le RIB a déclaré avoir ouvert des enquêtes sur ces différentes affaires.
En décembre 2019, la Cour d’appel du Rwanda a confirmé la condamnation de deux anciens responsables de l’armée, bien que le tribunal ait réduit leur peine à 15 ans chacun. Le 31 mars 2016, la Haute Cour militaire de Kanombe avait condamné le colonel Tom Byabagamba et le général de brigade à la retraite Frank Rusagara à 21 et 20 ans de prison respectivement pour avoir incité à l’insurrection et terni l’image du gouvernement.
Human Rights Watch a dénoncé leurs condamnations pour avoir critiqué les autorités et les politiques gouvernementales, ainsi que l’utilisation de preuves non fiables pendant leur procès, notamment des informations faisant état de mauvais traitements et de problèmes de santé traités de manière inadéquate en détention.
Attaques contre les dissidents à l’étranger
Outre la répression des voix critiques à l’intérieur du Rwanda, Human Rights Watch rappel que des dissidents et critiques réels ou supposés vivant à l’extérieur du pays – en Ouganda et au Kenya voisins, voire plus loin, comme en Afrique du Sud et en Europe – ont été victimes d’attaques et de menaces.
Les victimes d’attaques à l’étranger sont plutôt des opposants politiques ou des critiques acharnés du gouvernement rwandais ou du président Kagame lui-même. Les anciens responsables du FPR qui se sont retournés contre le président Kagame et sont devenus des opposants en exil ont plus particulièrement été la cible d’attaques et de menaces.
Des similitudes existent entre les attaques dans plusieurs affaires très médiatisées, comme par exemple les assassinats de l’ancien ministre de l’Intérieur Seth Sendashonga en 1998 et de l’ancien chef du renseignement extérieur Patrick Karegeya en 2014, et la tentative d’assassinat de l’ancien chef d’état-major de l’armée Kayumba Nyamwasa en 2010, le premier au Kenya et les deux autres en Afrique du Sud.
Karegeya, ancien chef des services du renseignement extérieur du Rwanda et opposant de premier plan au gouvernement, exilé en Afrique du Sud, a été assassiné dans une chambre d’hôtel à Johannesburg le 1er janvier 2014. En 2019, les services du Procureur général d’Afrique du Sud ont émis des mandats d’arrêt contre deux Rwandais accusés du meurtre. Lors de l’enquête sur le meurtre de Karegeya, l’unité spéciale d’enquête sud-africaine a déclaré dans un témoignage écrit que le meurtre de Karegeya et les attaques contre l’ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise, le général Kayumba Nyamwasa, « étaient directement liés à l’intervention du gouvernement rwandais ».
Suite à son assassinat, le président, le premier ministre et les ministres des Affaires étrangères et de la Défense rwandais ont tous publiquement qualifié Karegeya de traître et d’ennemi, laissant entendre qu’il avait obtenu ce qu’il méritait.
La sécurité de certains réfugiés et demandeurs d’asile rwandais a elle aussi été menacée dans leur pays d’asile, en particulier en Ouganda. Le 20 août 2013, des hommes armés ont enlevé Joël Mutabazi, un ancien garde du corps présidentiel au Rwanda qui avait le statut de réfugié en Ouganda, de la résidence protégée d’une banlieue de la capitale, Kampala, où il vivait depuis qu’il avait échappé à une tentative d’assassinat en Ouganda en juillet 2012. Il a été libéré le jour même grâce à l’intervention de la police ougandaise.
Le 25 octobre 2013, il a été porté disparu d’un autre lieu où il vivait sous protection de la police ougandaise 24 heures sur 24. Il été impossible de le localiser pendant six jours. Le 31 octobre, la police rwandaise a confirmé qu’il était détenu au Rwanda, tout en refusant de révéler son lieu de détention. Le 13 novembre, il a comparu devant un tribunal militaire de Kigali avec 14 coaccusés pour terrorisme et d’autres délits. Le gouvernement ougandais a affirmé qu’un policier ougandais avait remis par erreur Mutabazi à la police rwandaise, sans suivre les procédures légales qui s’imposaient.
En octobre 2014, un tribunal militaire a déclaré Mutabazi coupable de terrorisme, de formation d’un groupe armé et d’autres infractions liées à une collaboration présumée avec un groupe d’opposition en exil et avec les FDLR. Il a été condamné à la prison à vie.
Mutabazi et plusieurs de ses coaccusés ont déclaré aux juges qu’ils avaient été torturés et forcés de signer des déclarations. Les juges n’ont ordonné aucune enquête, mais le président du tribunal a déclaré à l’issue du procès que le tribunal avait condamné plusieurs accusés à de longues peines de prison pour avoir menti au sujet de la torture. (Fin)