Le Ministre rwandais de l’Unité nationale et de l’engagement civique, le Dr Jean Bizimana Damascène, a critiqué le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) pour avoir activement encouragé la haine contre les Tutsis congolais.
Le Dr Bizimana affirme que le régime congolais approuve la prolifération de la «tutsiphobie» sur les réseaux sociaux et dans les mass médias dans le cadre d’un plan manifeste visant à inciter et à exécuter un génocide contre la communauté tutsie.
L’homme d’Etat rwandais a fait cette indication ce mercredi 24 janvier 2024 dans son intervention au deuxième jour du Dialogue National,-Umushyikirano 2024-, qui rassemble plus de 1.500 Rwandais pour évaluer les questions liées à l’état de la nation.
Le Ministre Bizimana souligne que cette animosité envers les Tutsi n’est pas un phénomène nouveau en RDC. Il a rappelé des exemples historiques comme les déclarations incendiaires en 1998 de Yerodia Abdoulaye Ndombasi, alors ministre congolais des Affaires étrangères, qui prônait l’extermination des Tutsi.
Au début de la deuxième guerre du Congo en 1998, Yerodia Abdoulaye Ndombasi avait livré des diatribes haineuses appelant à « écraser les insectes Tutsi ». «Des microbes qu’il faut qu’on éradique avec méthode », avait-il lancé à la radio. Le nouveau Goebbels enjoignait ses compatriotes à «l’élimination de la vermine» tutsi.
Ce véritable appel à l’extermination sera entendu lorsque plusieurs centaines de Tutsi sont massacrés dans le pays, dont plus de 500 à Kinshasa. « Les Tutsi risquent de connaître la triste expérience des Juifs : ils sont perfides, brutes, rancuniers et sanguinaires », expliquait-il dans son appel au génocide des Tutsi.
Quelques années plus tard, en 2006, Yerodia avait réitéré ses appels à la haine prévenant les Tutsi, lors d’un meeting à Goma : « Si vous ne retournez pas chez vous(au Rwanda, ndlr), on vous mettra des bâtons dans le derrière pour s’assurer que vous partiez.
Ces propos rappellent ceux des génocidaires rwandais, qui ont abouti à l’extermination de plus d’un million de Tutsi du Rwanda en 1994.
Les discours incendiaires de Yerodia avaient « provoqué la mort de plusieurs centaines de Tutsi dans la province de Kinshasa ainsi que des internements abusifs, des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires et des procès inéquitables des membres de ce groupe ethnique », selon l’ONG Trial International.
Le Ministre Bizimana établit des parallèles entre les déclarations de Ndombasi et des termes déshumanisants comme Inyenzi (cafards), inzoka (serpents) et inda (poux) utilisés contre les Tutsi à la radio et à la tristement célèbre RTLM entre 1993 et 1994 au Rwanda dans le cadre de la préparation du génocide des Tutsi.
Bien que la Belgique ait émis un mandat d’arrêt contre Ndombasi en 2002 pour incitation à la haine, le régime de la RDC l’a protégé jusqu’à sa mort en 2019 et il n’a jamais été poursuivi pour ses actes, a déploré l’homme d’Etat rwandais.
La haine anti-Tutsi s’est durablement installée en République Démocratique du Congo depuis l’indépendance et a souvent été instrumentalisée, avec succès, par le pouvoir.
Cette rhétorique raciste s’est systématisée ces dernières années suite aux rebellions armées menées par l’AFDL, le RCD, le CNDP puis le M23 pour défendre les droits des Tutsi congolais. Ces derniers sont pris pour cible à cause de leur faciès depuis l’indépendance en 1960, y compris dans le cadre de la campagne anti-M23 en cours.
A Kinshasa, la capitale, mais aussi dans les provinces, des groupes se disant représentatifs de la « société civile », des médias (Radios, Télé et sites internet) ou encore des responsables politiques ne prennent parfois même plus la peine de dissimuler leur appel à la haine envers les Tutsi.
Le 9 novembre 2023, un groupe de personnes a attaqué le lieutenant Patrick Gisore Kabongo, 42 ans, un Munyamulenge, Tutsi congolais de la province du Sud-Kivu, qu’ils accusaient d’être un combattant du M23 en raison de sa morphologie. De nombreuses personnes en RD Congo considèrent la communauté tutsie comme des partisans du M23.
Le jeune Tutsi, père de neuf enfants, a été lapidé et brûlé vif par une foule de personnes, dont des enfants, qui le traitaient de “Rwandais”. Ce récent crime de haine illustre la persécution systémique de longue date de la minorité Tutsi congolaise en RDC, qui est à la base du conflit et de l’instabilité dans la région des Grands Lacs. (Fin)