Un véhicule endommagé dans la ville d’El Geneina, État du Darfour occidental, au Soudan, à la suite de violences survenues dans la ville le 27 avril 2023.
Alors que, selon les médias, des raids aériens, des tirs et des explosions ont de nouveau secoué Khartoum lundi, malgré une trêve dans les combats entre l’armée et les paramilitaires, le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) a annoncé la levée immédiate de la suspension de ses activités au Soudan, décidée le 16 avril après la mort de trois de ses employés dans le pays.
« Alors que la crise au Soudan plonge des millions de personnes dans la faim, le Programme alimentaire mondial (PAM) lève immédiatement la suspension temporaire des opérations mise en place après la mort tragique de trois membres de notre équipe le 15 avril », a déclaré dans un communiqué Cindy McCain, Directrice exécutive du PAM.
Selon l’agence onusienne basée à Rome, la distribution de nourriture devrait commencer dans les États de Gedaref, Gezira, Kassala et du Nil Blanc dans les prochains jours afin « de fournir l’aide vitale dont beaucoup ont désespérément besoin en ce moment ».
Plus de 15 millions de personnes étaient confrontées à une grave insécurité alimentaire au Soudan avant le conflit. Le PAM s’attend donc à « ce que ces chiffres augmentent considérablement au fur et à mesure que les combats se poursuivent ». Dans ces conditions, c’est dans ces moments comme celui-ci que le PAM et ses partenaires des Nations Unies sont les plus nécessaires.
La situation en matière de sécurité reste « très précaire »
Plusieurs organisations onusiennes ont alerté sur la dégradation de la situation de la population civile au Soudan, sur fond d’affrontements entre l’armée soudanaise et les paramilitaires, « qui ont plongé la population civile dans la peur, la privation, le traumatisme et la souffrance, la situation des droits de l’homme au Soudan continuant de se détériorer de manière dramatique », selon un précédent communiqué du Bureau des droits de l’homme de l’ONU.
Malgré la reprise de ses opérations de distribution de vivres, le PAM admet que la situation en matière de sécurité reste « très précaire ». L’agence onusienne étudie les endroits où l’accès humanitaire est assuré tout en tenant compte de la sécurité, des capacités et des considérations liées à l’accès.
« Nous prendrons toutes les précautions nécessaires pour assurer la sécurité de l’ensemble de notre personnel et de nos partenaires alors que nous nous hâtons de répondre aux besoins croissants des personnes les plus vulnérables », a fait valoir Mme McCain, relevant que « pour protéger au mieux les travailleurs humanitaires et la population du Soudan, les combats doivent cesser ».
La situation humanitaire « atteint un point de rupture »
Deux semaines après les affrontements qui ont éclaté au Soudan, la situation humanitaire dans ce pays d’Afrique du Nord-Est « atteint un point de rupture », ont alerté dimanche les Nations Unies.
Le Secrétaire général António Guterres a décidé dimanche d’envoyer « immédiatement » dans la région le chef de l’humanitaire de l’ONU.
Selon le Chef du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), Martin Griffiths, la crise humanitaire au Soudan atteint son point de rupture. Plus largement, l’ampleur et la rapidité de ce qui se passe au Soudan sont sans précédent.
« Nous sommes extrêmement préoccupés par l’impact immédiat et à long terme sur tous les habitants du Soudan et de la région », a déclaré dans un communiqué M. Griffiths.
Au Soudan, les familles connaissent des difficultés d’accès à l’eau, à la nourriture, au carburant et à d’autres ressources essentielles. Selon l’ONU, les habitants ne peuvent se déplacer du fait de coûts de transport élevés.
« Les biens essentiels à la survie de la population se raréfient dans les centres urbains les plus durement touchés, en particulier à Khartoum », a expliqué le chef d’OCHA.
Un premier avion chargé de « huit tonnes » d’aide a atterri à Port-Soudan
Selon les rapports des médias, la trêve, qui devait prendre fin dimanche soir, a été reconduite mais les combats se poursuivent entre l’armée soudanaise et les paramilitaires. Les Soudanais sont pris au piège de l’affrontement entre deux généraux depuis près de trois semaines.
Dans ce contexte, les services d’urgence sanitaire sont « fortement limités, ce qui accroît le risque de décès » même pour ceux qui auraient pu être évités, a expliqué M. Griffiths.
Sur le terrain, le pillage massif des bureaux et des entrepôts humanitaires a épuisé la plupart des stocks. « Nous cherchons des moyens rapides pour acheminer et distribuer » des provisions supplémentaires, a souligné M. Griffiths.
Les Nations Unies et leurs partenaires font de leur mieux pour relancer la réponse humanitaire dans le pays. A ce sujet, un premier avion chargé de « huit tonnes » d’aide, dont « du matériel chirurgical », a atterri à Port-Soudan.
Il doit permettre « de soigner 1.500 patients » dans le pays, où la plupart des hôpitaux sont hors service en raison des combats », a précisé le chef d’OCHA, relevant que les Nations Unies étudient « des moyens urgents d’acheminer et de distribuer des fournitures supplémentaires ».
Dans un tweet ce lundi, Martin Griffiths a indiqué qu’il était arrivé dans la capitale kenyane, Nairobi, « pour rencontrer des dirigeants kenyans et autres au sujet de la situation au Soudan ». « La situation qui s’y déroule depuis le 15 avril est catastrophique. Nous devons trouver des moyens d’acheminer l’aide dans le pays et de la distribuer à ceux qui en ont besoin », a-t-il écrit.
Selon les Nations Unies, 75.000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et au total, jusqu’à 270.000 personnes pourraient fuir dans les pays voisins. « Des dizaines de milliers de personnes ont fui le Soudan et cherchent la sécurité en République centrafricaine, au Tchad, en Égypte, en Éthiopie, en Libye et au Soudan du Sud, souvent au sein de communautés déjà vulnérables », a détaillé M. Griffiths, précisant que « la solution évidente à cette crise soudanaise est de mettre fin aux combats ». (Fin)