Kigali: La prise de fonctions d’Évariste Ndayishimiye, le nouveau président du Burundi, offre l’occasion de rétablir le respect des droits humains dans le pays en libérant l’espace civique et en mettant fin aux crimes de droit international et aux violations des droits humains commis par les services de sécurité et par les Imbonerakure, la branche jeunesse du parti au pouvoir, a déclaré Amnesty International.
Amnesty International demande au président Évariste Ndayishimiye de libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes qui ont été emprisonnées uniquement parce qu’elles avaient exercé leurs droits fondamentaux, notamment Germain Rukuki, défenseur des droits humains qui purge une peine record de 32 ans d’emprisonnement en raison du travail qu’il a mené au sein d’une organisation luttant contre la torture.
« Évariste Ndayishimiye se voit offrir l’opportunité d’améliorer le triste bilan du Burundi en matière de droits humains. Il serait bon qu’il commence par libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes qui ont été condamnées sur la base d’accusations forgées de toutes pièces alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer leurs droits fondamentaux, a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
« Nous demandons au président Évariste Ndayishimiye de mettre fin à la répression qui a caractérisé le régime de l’ancien gouvernement, et de rétablir le respect des droits humains pour toutes les personnes au Burundi. »
Parmi les personnes qui ont été emprisonnées pour l’exercice de la liberté de la presse figurent quatre journalistes, Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi, qui ont été condamnés le 30 janvier à deux ans et demi d’emprisonnement et à une amende d’un million de francs burundais (environ 525 USD) chacun. Ils travaillaient tous pour le Groupe de presse Iwacu, l’un des derniers groupes de presse indépendants du pays, et ont été sanctionnés pour avoir tenté de publier des informations sur des affrontements meurtriers dans le nord-ouest du pays.
Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle de ces personnes. Les autorités doivent en outre indiquer le lieu où se trouve un autre journaliste d’Iwacu, Jean Bigirimana, qui a disparu depuis juillet 2016, et révéler ce qu’il est advenu de lui.
La branche jeunesse du CNDD-FDD, les Imbonerakure, est tristement célèbre en raison des violations flagrantes des droits humains qu’elle a commises, notamment avec des homicides, des arrestations arbitraires, des passages à tabac et des actes de harcèlement, d’intimidation et d’extorsion visant à terroriser des personnes. Une autre des priorités du président Évariste Ndayishimiye devrait être de mettre fin à la participation des Imbonerakure aux activités liées à la sécurité.
« Il est absolument nécessaire que les autorités burundaises procèdent à la démobilisation des Imbonerakure, qui inspirent la terreur, et veillent à ce que les forces de sécurité officielles respectent la loi et protègent les droits humains », a déclaré Deprose Muchena.
Les autorités doivent commencer par mener dans les meilleurs délais des enquêtes impartiales, indépendantes et transparentes sur les crimes de droit international et les sur les violations des droits humains qui ont anéanti d’innombrables vies et contraint des milliers et des milliers de gens à fuir le pays.
Les membres des forces de sécurité officielles et non officielles soupçonnés d’être responsables de telles violations doivent les uns comme les autres répondre de leurs agissements. Les représentants du gouvernement qui ont ordonné ou toléré de tels crimes doivent être suspendus de leurs fonctions dans l’attente des résultats des investigations, et en cas de preuves recevables suffisantes, poursuivis en justice dans le cadre de procès équitables devant des tribunaux civils de droit commun.
« Avant le début de la crise, en 2015, le Burundi abritait une société civile en plein essor qui s’exprimait ouvertement. Le président Évariste Ndayishimiye devrait s’engager à favoriser le respect de la liberté d’expression afin qu’un débat salutaire puisse s’épanouir et afin de contribuer au développement du pays », a déclaré Deprose Muchena.
Depuis plusieurs années, le gouvernement du Burundi a adopté une attitude de plus en plus isolationniste sur l’échiquier international. Le président Évariste Ndayishimiye devrait relancer la participation de son pays aux organisations intergouvernementales de la région et à la communauté internationale. Entre autres bénéfices sur le plan des droits humains, cela permettrait aux autorités burundaises de disposer des moyens nécessaires pour faire face à la pandémie de COVID-19.
Évariste Ndayishimiye a remporté l’élection présidentielle le 20 mai 2020. Son élection a été validée par la Cour constitutionnelle le 4 juin, et il devait prendre ses fonctions le 20 août 2020. Cependant, en raison du décès subit, le lundi 8 juin, de l’ancien président Pierre Nkurunziza, la Cour constitutionnelle a décidé le 12 juin qu’il devait prendre ses fonctions le plus tôt possible, et la date du 18 juin a été arrêtée. (Fin)