Selon le président Évariste Ndayishimiye, les homosexuels attirent la « malédiction » divine
By Clémentine de Montjoye*
Dans un climat qui ne cesse de se détériorer pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) en Afrique de l’Est, le président burundais Évariste Ndayishimiye a jeté de l’huile sur le feu. S’adressant à des journalistes le 29 décembre, il a déclaré : « si vous voulez attirer la malédiction sur un pays, il faut permettre l’homosexualité » et « on devrait les [les personnes LGBT] mettre dans un stade et les lapider avec des pierres » parce que « c’est ce qu’elles méritent ».
La réaction ne s’est pas fait attendre. Un militant LGBT au Burundi, qui a demandé à rester anonyme, a raconté à Human Rights Watch : « Très vite, sur les réseaux sociaux, [on a vu apparaître] un millier de commentaires de partisans [du président] qui ont rivalisé de menaces et d’appels au meurtre, tous plus atroces les uns que les autres ». Beaucoup de commentaires allaient plus loin que les mots du président, appelant à encore plus de violence et à des châtiments violents à l’encontre des personnes LGBT.
Quelques jours plus tard, l’ambassadeur du Burundi en Belgique a publié une déclaration affirmant que les paroles du président avaient été « mal interprété[es] ». Si les États-Unis et l’Union européenne ont appelé le gouvernement burundais à respecter les droits de tous les Burundais, ils n’ont pas dénoncé pour autant le caractère homophobe de ces propos.
Ce type de campagne de peur n’est pas nouveau au Burundi, où les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont illégales depuis que l’ancien président Pierre Nkurunziza a ratifié un nouveau Code pénal en 2009. La loi a porté un coup terrible aux personnes LGBT du Burundi, qui commençaient à se manifester et à s’organiser, bien qu’en petit nombre, pour exiger le respect de leurs droits.
La commission des droits humains de l’Assemblée nationale a ajouté la disposition anti-homosexualité dans le Code pénal de 2009 à la dernière minute, apparemment sous la pression de Pierre Nkurunziza, qui avait fait des déclarations à la télévision condamnant l’homosexualité comme une « malédiction ». Ses services ont également contacté par téléphone des législateurs pour influencer leurs votes.
La répression des droits des personnes LGBT, qui se fait sentir dans toute la région, risque de s’aggraver dans le contexte de la crise plus générale des droits humains au Burundi, marquée par la persistance de la répression politique et des restrictions de la liberté d’expression imposées par le parti au pouvoir afin de maintenir son emprise. Évariste Ndayishimiye, qui se présente comme un dirigeant progressiste et respectueux des droits, devrait agir pour inverser cette tendance plutôt que d’attiser davantage la peur et la haine. (Fin).
*Clémentine de Montjoye est Chercheuse à la division Afrique de Human Rights Watch(HRW), une ONG internationale de défense des droits humains basée à New York