Le Président de la Commission africaine Moussa Faki Mahamat
Le Mouvement Panafricain-Branche du Rwanda a organisé ce samedi 26 février à Kigali son 3ème Congrès sous le thème : “Revigorer l’unité africaine et la solidarité pour un développement durable, dans le cadre des Aspirations de l’Agenda 2063”.
Le Mouvement Panafricain est une organisation dont la mission est de promouvoir la dignité, la solidarité et le développement des Africains. La mission du Mouvement Panafricain-Branche du Rwanda est de transformer les mentalités des Rwandais et les institutions pour réfléchir à l’Agenda continental 2063 et promouvoir l’intégration du panafricanisme dans l’agenda de développement durable et de transformation nationale du Rwanda.
Dans son allocution de circonstance, le Président de la Commission africaine Moussa Faki Mahamat a demandé aux jeunes qui représentent de 60 % de la population africaine de s’inspirer de l’exemple rwandais où les “qualités incarnées par le Président Paul Kagame ont fait de l’immense charnier qu’était le Rwanda, un pays phare de l’Afrique en moins de 30 ans”. Il leur a également demandé de refuser cette fatalité qui veut que l’Afrique soit le Continent de la famine, de pauvreté et de la violence.
Ci-dessous l’allocution de Moussa Faki Mahamat lors du 3ème Congrès du Mouvement Panafricain-Branche du Rwanda qui s’est tenu au siège du parlement rwandais.
Honorable Président du Sénat du Rwanda,
Honorables membres du parlement,
Excellences Mesdames et Messieurs,
Chers amis jeunes
Je voudrais tout d’abord saluer et féliciter la jeune organisation Panafrican Movement Rwanda, pour la tenue de son 3ème Congrès et pour le choix du thème de cet évènement : revigorer l’unité africaine et la solidarité pour un développement durable, dans le cadre des Aspirations de l’Agenda 2063.
Par cette initiative, par les activités menées depuis la création de votre Mouvement en 2015 et plus globalement par les objectifs que vous lui avez assignés, vous réalisez à une échelle nationale, avec pédagogie et méthode, ce que la Commission de l’Union africaine cherche à faire à l’échelle continentale et je vous en remercie.
Mesdames, Messieurs
Un bref rappel de l’histoire et de l’évolution de notre Continent explique pourquoi l’unité que nous recherchons tous ardemment depuis une soixantaine d’années, a été savamment sapée par des forces exogènes.
Il y a tout d’abord la traite négrière qui a duré 4 siècles et qui a déporté vers les Amériques dans des conditions effroyables, environ 12 Millions d’Africaines et Africains, pour la plupart jeunes et vigoureux. Cet horrible trafic a stoppé net l’Afrique dans son élan, brisée physiquement et psychologiquement l’homme africain ; bref, il a profondément changé le destin de l’Afrique et nous en vivons encore aujourd’hui les terribles conséquences.
Il y a ensuite la colonisation du Continent par les puissances occidentales qui l’ont occupé et morcelé à leur convenance. De ce fait, elles ont bouleversé l’équilibre et l’harmonie dans lesquels vivaient ses peuples malgré les distances et les différences. En s’installant, la colonisation a cristallisé ces différences. Pire, elle les a érigées en antagonisme viscéral qui a parfois conduit à des drames, tel le génocide des Tutsis au Rwanda de 1994. Elle a également élevé entre les peuples des barrières devenues avec le temps quasi infranchissables, brisant ainsi la solidarité et restreignant l’horizon des Africains habitués aux échanges et aux espaces.
C’est avec ce lourd fardeau de la traite négrière et de la colonisation que les pays africains accédèrent à l’indépendance dans les années 60.
Aussitôt, certains États tentèrent diverses expériences d’unités et de regroupements politiques qui, malheureusement, n’ont pas survécu, parce que l’unité et la solidarité naturelles sur le Continent ont cédé la place à des égoïsmes nationaux forgés par les pseudo avantages qu’offrent les carcans territoriaux dans lesquels ont été enfermées les Africains. Ces tentatives d’unité ont donné tout de même naissance à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) le 25 Mai 1963 à Addis-Abeba.
L’Afrique se dotait ainsi d’un premier cadre au sein duquel elle voudrait parachever l’indépendance totale du Continent et réaliser le vieux rêve du panafricanisme.
L’indépendance parachevée, il restait à réaliser l’unité. Celle-ci passe nécessairement par l’intégration économique. C’est ainsi qu’en 1991, les Chefs d’État membres de l’OUA adoptait à Abuja, au Nigéria, le Traité instituant la Communauté Économique Africaine, qui entrera en vigueur en Mai 1994, sous l’appellation Traité d’Abuja.
Ce traité a pour objectif de parvenir à l’unité du Continent par le biais de l’intégration des économies de tous les États africains. Les Communautés Économiques Régionales – au nombre de 8 aujourd’hui – sont le soubassement de ce vaste projet d’intégration économique.
Cette stratégie d’intégration a jalonné tout le parcours de l’OUA jusqu’au passage à l’UA en 2002 et dont l’objectif demeure l’Unité et la solidarité, lesquelles trouvent leur racine dans le fond culturel, économique, culturel et linguistique commune à toute l’Afrique.
A la création de l’OUA en 1963, le principe de l’intangibilité des frontières hérités de la colonisation inscrit dans la Charte, a consacré la balkanisation du Continent en plusieurs États dont la viabilité n’est pas évidente, a multiplicité des États, passée d’une trentaine en 1963 à une cinquantaine 3 décennies plus tard, a contribué et contribue toujours à l’affaiblissement de l’Afrique sur tous les plans : politique, économique, diplomatique et militaire.
C’est pour cette raison que l’OUA, devenue UA, a fait de l’unité, de la paix et du développement de l’Afrique des préalables à toutes les autres actions et même la raison de leur existence. Elle a adopté à cette fin un cadre stratégique, l’Agenda 2063 qu’on peut résumer par les tryptiques – intégration, prospérité, paix et qui a identifié 7 grandes idées sur lesquelles repose tout l’édifice de la construction africaine. Ce sont les 7 aspirations de l’Agenda 2063.
Tous les Africains sans exception rêvent et veulent voir une Afrique prospère, exempte de misère et de précarités, d’une Afrique ouverte sur le monde et vivant dans la paix et la sécurité dans un environnement ou la bonne gouvernance, la démocratie, le respect des droits humains sont les vertus les mieux partagées, d’une Afrique ou les femmes et les jeunes sont les véritables catalyseurs du développement, d’une Afrique orientée vers le panafricanisme nimbée des valeurs culturelles et sociales africaines, enfin d’une Afrique dont le potentiel humain et économique en fait un acteur influent dans la conduite des affaires du monde.
L’Union africaine, depuis sa création, œuvre à la réalisation de ces aspirations, à travers la promotion des secteurs susceptibles de les transformer en réalités. Ce sont des domaines vitaux tels que la santé, l’éducation, les infrastructures, la paix et la sécurité, l’émergence d’une jeunesse formée et épanouie, de femmes actrices à part entière du développement.
Un autre domaine que l’UA a promu et dont les retombées sont immenses sur le développement et l’unité du Continent, c’est la Zone de Libre Échange continentale africaine entrée en vigueur l’année dernière. La ZLECAF ne vise pas seulement l’instauration d’un marché unique sur le Continent et la libre circulation des biens et des capitaux, mais elle est aussi une opportunité unique pour une jeunesse africaine friande de liberté de mouvement. Malheureusement, le Protocole sur la libre circulation et le droit de l’établissement n’est pas encore entré en vigueur, 4 États seulement dont le Rwanda l’ont ratifié.
L’Union africaine qui a la charge de mener à bien tous ses chantiers, a-t-elle les capacités nécessaires ? L’organisation a dû faire sa propre introspection pour évaluer ses chances d’accompagner cette nouvelle dynamique. C’est ainsi qu’elle a engagé une profonde réforme de ses structures, de ses moyens et de ses méthodes en vue de les adapter aux objectifs qu’elle s’est fixé et de répondre aux attentes des peuples africains. L’UA s’est engagé en 2017 dans une réforme institutionnelle et financière sur l’autorité du président Paul Kagame que je remercie pour son engagement.
Tous ces grands projets et ces beaux rêves n’auront aucune chance de se concrétiser si l’environnement africain n’est pas débarrassé de la violence et des guerres qui le caractérisent. La violence, fruit des guerres et du terrorisme qui a pris pied en Afrique, est le principal frein à l’épanouissement des peuples et en particulier de sa jeunesse. C’est pour cette raison que l’Union africaine a fait de la sécurité sa préoccupation de tous les instants et a pris l’engagement de faire taire les armes sur tout le Continent. En effet de la Libye au Mozambique en passant par le Sahel, le Bassin du lac Tchad, la Corne de l’Afrique et les Grands Lacs, l’Afrique est devenu malheureusement un théâtre du terrorisme et l’extrémisme violente.
Mes Chers jeunes amis, Vos pères et grands-pères ont fait leur part de travail en œuvrant, souvent au prix de gros sacrifices, à vous léguer une Afrique, certes loin d’être parfaite, mais tout de même débarrassée de la colonisation, une Afrique mise sur les rails de l’unité et du développement.
Vous, Jeunesse africaine, y compris celle de la Diaspora, vous êtes le capital le plus sûr de l’Afrique. Le moment est venu pour vous de prendre le relais pour poursuivre et parachever le travail entamé par vos ainés. Une Afrique aux atouts considérables vous ouvre ses bras. Les premiers de ces atouts sont ses vastes étendues de terres insuffisamment exploitées, l’Afrique a une superficie de 30 millions de kilomètres carrés. Ses ressources économiques et minières incommensurables et sa forte démographie de 1,3 milliard d’habitants. Le second atout et le plus déterminant, c’est VOUS, sa jeunesse qui représentez 60 % de sa population totale.
Contrairement à vos ainées, vous ne trainez pas le boulet colonial, vous n’avez pas vécu les contraintes dictatoriales. Vous êtes mieux formés, plus ouverts sur le monde, plus exigeants et plus inventifs. Grâce aux nouvelles technologies qui ont transformé le monde et dont vous avez une totale maîtrise, l’Afrique, sous votre impulsion, pourra avancer plus vite. Vous pouvez réaliser le développement durable tant attendu. Il vous revient de refuser cette fatalité qui veut que l’Afrique soit le Continent de la famine, de pauvreté et de la violence.
Vous avez toutes les facilités pour valoriser les richesses humaines et économiques du Continent. Vous avez en vous la détermination, la vision et le leadership pour opérer le miracle que les premiers dirigeants n’ont pas réussi pour l’Afrique. Inspirez-vous de l’exemple rwandais où ces qualités incarnées par le Président Paul Kagame ont fait de l’immense charnier qu’était le Rwanda, un pays phare de l’Afrique en moins de 30 ans.
Mieux que vos pères et grands-pères, vous devriez accélérer la dynamique de l’unité de l’Afrique et renforcer sa solidarité pour lui assurer un développement durable et équilibré, tel que vous le prônez dans ce Congrès.
Ayez toujours à cœur l’esprit Ubuntu (je suis parce que nous sommes).
C‘est un défi qui interpelle vos intelligences et vos compétences. Vous n’avez aucun droit à l’erreur. Vous pouvez compter sur notre soutien total.
Je vous remercie.