By Manzi Bakuramutsa*
Se fabriquer un bouc émissaire ou faire la politique d’autruche, ne sont que des solutions qui tranquillisent la conscience ; la seule négociation avec les rebelles est la réponse au peuple congolais, longtemps en souffrance, qui apportera une solution viable et durable à la RDC.
L’ONU, avait toujours évité de voir la réalité en face, ainsi, elle a longtemps agité le fameux mammouth nommé Monusco, comme la solution. Elle vient d’avouer, elle-même qu’une paix durable en RDC exige un règlement politique des causes profondes du conflit. Plus question de solutions militaires.
Lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la situation dans la région des Grands Lacs d’Afrique, ce mercredi, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Région des Grands Lacs, s’est inquiété de la persistance des activités des groupes armés à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), mais il a salué les multiples efforts de coopération entre les Etats de la région pour résoudre ce conflit.
Huang Xia a expliqué aux membres du Conseil que, sept mois après sa dernière intervention devant eux, la région est toujours confrontée à l’instabilité, due à l’activisme des groupes armés, qui « constitue un de ses plus grands défis ».
Ainsi, en témoigne la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe armé opérant dans la province du Nord-Kivu, qui s’est emparé en juin de la ville de Bunagana, à la frontière de l’Ouganda, et dont les FARDC et les forces de la Monusco, n’arrivent pas à contraindre sa détermination et son offensive qui lui permettent de gagner du terrain jusqu’à menacer la ville de Goma chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Cette résurgence du M23, provient de dix ans de frustration, due à l’incapacité du gouvernement de la RDC de mettre en application les accords qu’il a signés en 2009 à Nairobi qui comprennent notamment le retour des réfugiés de la région du Nord et du Sud-Kivu qui sont parqués dans les camps de HCR dans les pays voisins de la RDC depuis plus de 28 ans.
La situation de ces réfugiés est bien connue par le Kenya qui a patronné ces accords de 2009 et qui actuellement a repris le leadership de patronner la rencontre entre les rebelles congolais et leur gouvernement.
Le vrai remède, n’est donc pas d’acheminer des nouvelles forces des pays de l’EAC en RDC, pour arrêter l’avancée du M23, mais c’est plutôt de rappeler au président Tshisekedi, qu’il y a douze ans à Nairobi, il y a eu des accords qui n’ont pas été respectés par le gouvernement congolais au détriment du même M23.
Le gouvernement américain connaît très bien ce problème des réfugiés congolais, car régulièrement, son service d’immigration vient dans les camps de réfugiés pour y puiser un certain nombre des familles qu’il va installer en Amérique.
Un autre pays qui connaît très bien la situation des populations du Nord et du Sud Kivu, c’est bien la Belgique, pays qui a créé et modelé les frontières de ce qu’il a imposé comme sa marque déposée, un faux nom de « Congo-Belge & Ruanda-Urundi ». En effet, malgré tous ces bruits que provoque la situation du Kivu, la Belgique fait semblant de ne rien savoir, ne rien entendre et ne rien voir.
Et pourtant, c’est elle qui a tracé les frontières sans tenir compte que celles-ci divisaient des peuples, des sociétés et des familles. La Belgique connaît bien qui sont les habitants de Rutshuru et de Mulenge. Elle connaît très bien les habitants de Masisi, Kalehe et de Walikale, car c’est elle qui les a installés dans ces territoires avec des objectifs bien précis avec un statut d’immigration définitive.
Les groupes armés en RDC, une menace pour les pays voisins
La persistance des activités des Forces démocratiques alliées (ADF) groupe dit de l’Ouganda, des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des groupes génocidaires du Rwanda, avec leurs familles, de la Résistance pour un Etat de droit (RED Tabara), rebelles venant du Burundi, alimente l’insécurité dans l’Est de la République démocratique du Congo et inquiète les pays voisins de la RDC.
Tout le monde sait que l’exploitation et le commerce illicites des ressources naturelles continuent d’alimenter le cycle vicieux des affrontements intercommunautaires, des activités des groupes armés ainsi que leur instrumentalisation par les réseaux criminels transfrontaliers.
L’argent produit de ces exploitations est souvent blanchi à travers les investissements dans les pays de l’Afrique australe et des pays européens, dans lesquels ces criminels ont été accueillis et où ils ont des ramifications bien établies.
Depuis soixante ans, la RDC vie différentes rebellions plus ou moins sur l’étendue du territoire
Plus on continue à tergiverser, en cherchant des vraie-fausses solutions pour faire plaisir et à faire des affaires, on aggrave la situation de la population congolaise et on risque l’implosion de la RDC, tout en mettant en danger la sécurité de toute la région.
Vu la situation, l’aide militaire venue de l’extérieur n’a rien apporté en ce qui concerne la pacification de la RDC. Les forces armées congolaises, à elles seules, elles pouvaient suffir pour pacifier le pays. Une pléthore des soldats qui forme les FARDC, bien équipée, elle aurait pu neutraliser ces groupuscules des rebelles, mal armés, sans entraînement militaire. Ce sont des bandits qui ne font que terroriser une population désarmée et sans aucun autre moyen de défense.
En dehors des armes que les militaires français ont laissé aux rebelles rwandais, héritiers de l’ancienne armée du gouvernement génocidaire rwandais, les rebelles congolais se fournissent en armes auprès des FARDC. Le M23, est devenu champion en prenant d’assaut plusieurs fois les camps militaires et en interceptant des camions entiers qui ravitaillent des compagnies en bataille sur le terrain.
Des ramifications djihadistes restent fort possibles, si ce n’est pas encore faits à travers les pays situés au Nord de la RDC, à l’Est du continent de la Corne de l’Afrique jusqu’au Mozambique
L’état de siège dans les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri a eu le résultat contraire de son objectif. L’augmentation et l’intensité des activités criminelles des rebelles se sont beaucoup plus aggravées. Quand on compare l’époque avant le siège et pendant le siège, entre 2021 et 2022, époque couvrant l’état de siège, le nombre de victimes s’est multiplié par deux. Et cela malgré la présence militaire d’environ deux cent mille soldats congolais, 14000 forces de Monusco, les forces sud-soudanaises et Ougandaises en Ituri, et celle d’Ouganda au Nord-Kivu et celles du Burundi au Sud-Kivu.
A ce nombre, la RDC a fait une demande aux pays de la EAC, d’ajouter encore les autres forces, qui seront contribuées par des pays membres de la EAC, sauf le Rwanda.
Il est sans aucun doute que les provinces de l’Est de la RDC, seront rapidement saturées par les hommes hétéroclites en armes, en langues et surtout en motivations différentes sans pour autant apporter une solution palpable aux problèmes réels sécuritaires de la population et du pays.
Raison pour laquelle tous les observateurs régionaux et ceux de l’ONU, après une analyse politique de la situation, suggèrent vivement de voir les problèmes du pays avec d’autres yeux.
Mais ce qui rend difficile la prise d’une bonne décision, appropriée à la situation qui prévaut en RDC, ce sont deux handicaps majeurs qu’il faut affronter si on veut trouver une solution adéquate.
Le premier handicap est la mauvaise gouvernance qui gangrène la RDC depuis son indépendance jusqu’à nos jours. Depuis une soixantaine d’années, cette situation profite aux différentes personnalités de tous les niveaux, sauf au citoyen lambda. C’est dans ce cadre et à titre d’exemple, pour combattre les rebelles, les officiers supérieurs, sans se gêner, détournent le budget alloué à la campagne militaire. Ils gonflent les chiffres de dépenses, vendent les armes aux rebelles contre argent et minerais, à moins qu’ils contrôlent des mines qu’ils exploitent de manière illégale.
Au Kivu, ces officiers venus de l’Ouest du pays, se comportent à l’Est comme en territoire étranger et conquis, pour lequel ils ne peuvent aucunement donner leur vie. C’est dans cet esprit qu’ils recrutent des rebelles, y compris des génocidaires pour combattre d’autres rebelles et surtout faire la guerre à leur place.
Tous les officiers en mission au Kivu, ont fait fortune en temps record. Cela ne manque pas de démoraliser les soldats subalternes, témoins de cette gabegie sans oublier la population victime des rebelles et souvent victimes aussi des FARDC. Impossible de gagner la guerre dans les conditions où les rebelles et les forces armées s’organisent en bandes des pilleurs, violeurs et massacreurs.
Le deuxième handicap est que les élections prévues au cours de l’année 2023, les datent n’arrangent pas certains futurs candidats qui veulent les mettre à une date ultérieure. Le seul moyen de le faire sans se heurter à la constitution du pays, serait d’entretenir une situation trouble dans le pays, qui prouve que l’état du pays, ne permet d’organiser les élections en toute sécurité.
Toutes les voies diplomatiques connaissent cet aspect inavoué de cette fausse raison qui est l’échappatoire de la réalité politique du pays, pour éviter les élections. Aucune puissance amie de la RDC ne veut aborder cette délicate question avec les autorités du pays. Et pourtant elle contribue à entretenir l’insécurité.
On ne pourra résoudre la question congolaise, sans prendre le taureau par les cornes. (Fin).
* Manzi Bakuramutsa, Ancien fonctionnaire de l’ONU (FAO, PNUD); • Ancien ambassadeur du Rwanda à l’ONU, Benelux, UE et Vatican