By Khalid Cherkaoui Semmouni, Professeur à la Faculté de Droit à Rabat et à l’ISIC
Après que le Maroc avait quitté l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA, prédécesseur de l’UA) en 1984 pour protester contre la reconnaissance de l’Institution de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) qui n’est autre que le «Polisario», il a réintégré, le 30 janvier 2017, cette Organisation.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dans un discours prononcé devant le 28e Sommet de l’UA, le 31 janvier 2017, qui a eu lieu dans la capitale éthiopienne Addis Ababa, l’a si bien souligné : «Il est beau le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé !». C’étaient les premiers mots prononcés par Sa Majesté devant le sommet des chefs d’État de l’Union africaine(UA).
Le Souverain a ajouté : «Malgré les années où nous étions absents des instances de l’Union africaine, nos liens, jamais rompus, sont restés puissants, et les pays africains frères ont toujours pu compter sur nous. Des relations bilatérales fortes ont ainsi été développées de manière significative. ».
En effet, il y a à peu près 5 ans que le Royaume du Maroc est retourné à l’Union Africaine. Ce retour qui a jeté les fondements d’une coopération Sud-Sud solidaire et mutuellement bénéfique, sous le leadership du Roi Mohammed VI, a été qualifié comme un grand succès diplomatique pour le Royaume, lui permettant de jouer un rôle important dans le continent africain, et de renforcer sa présence sur le plan politique, économique, culturel et sécuritaire.
Sur le Plan politique
Le Maroc a beaucoup gagné en réintégrant l’instance africaine, car la politique de la chaise vide peut laisser les chances aux adversaires, surtout l’Algérie et le Polisario, de s’attaquer aux intérêts du Royaume et à son intégrité territoriale. Il vaut mieux être à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cela a permis au Maroc de se positionner en tant que véritable leader régional sur le plan géopolitique.
Or, depuis son retour, l’Afrique est désormais érigée en priorité stratégique de l’agenda marocain, comme en témoignent les multiples initiatives destinées aux pays du continent, en plus les visites successives effectuées par SM le Roi Mohammed VI à ces pays.
Aussi, étant donné que le Maroc est un point de liaison entre l’Union Africaine et l’Union Européenne, il a joué un rôle important dans la gestion d’affaires politiques, comme l’immigration illégale, et de s’impliquer dans les initiatives portant sur la région du Sahel et du Sahara, principalement, son implication dans la sécurité de cette région contre le terrorisme à côté d’autres pays.
Grâce à sa diplomatie très active, le Maroc a renforcé sa présence au niveau du continent en convaincant plusieurs pays africains de l’intérieur de l’UA de sa position légitime vis-à-vis de la question du Sahara Marocain, et de faire entendre sa voix au sein du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA dont il a été élu membre en janvier 2018 pour un mandat de deux ans.
Cette élection lui a permis de faire entendre sa voix concernant son intégrité territoriale et son éminente proposition d’autodétermination présentée le 11 avril 2007 devant les Nations Unies (ONU) pour résoudre le conflit autour du Sahara marocain, comme une solution politique crédible et globale préservant son intégrité territoriale et respectant sa souveraineté nationale.
D’autant plus, la présence du Maroc au Conseil de Paix et Sécurité a pu faire échec aux manœuvres du Polisario et ses soutiens – principalement l’axe Alger-Pretoria –d’introduire un mécanisme dédié au dossier du Sahara au sein de l’Union africaine, sachant que la décision 693 du sommet de l’Union Africaine tenu en juillet 2018 à Nouakchott, en Mauritanie, a consacré l’exclusivité de l’ONU en tant que cadre pour la recherche d’une solution au conflit régional créé autour de la question du Sahara marocain.
En même temps, le Maroc ne cesse pas de semer les graines de son succès diplomatique en multipliant les ouvertures de Consulats Généraux d’un nombre important de pays africains amis, comme aux villes de Laâyoune et Dakhla.
Sur le plan économique
Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, des grandes entreprises marocaines stratégiques se sont tournées vers l’Afrique, contribuant ainsi au développement de l’ensemble du continent dans le cadre d’une coopération Sud-Sud. Il a depuis investi plus de 4,3 milliards de dollars en Afrique subsaharienne pour se positionner comme second investisseur intra-africain.
Ses investissements en Afrique subsaharienne représentaient à peu près 85 % de l’ensemble de ses stocks d’investissements étrangers directs (IED), selon la Banque africaine de Développement.
En conséquence, le Maroc est devenu un acteur clé dans l’intégration économique du continent africain, et aussi un acteur de premier plan en Afrique grâce à l’augmentation du volume de ses investissements dans plusieurs pays d’Afrique, principalement dans les secteurs de la banque, des télécommunications et de l’immobilier, s’ajoute la croissance importante du volume de ses exportations vers les pays du continent durant ces dernières années, ce qui lui a permis de devenir le premier investisseur arabe en Afrique de l’Ouest et le deuxième dans le continent après l’Afrique du Sud.
Rappelant que les tournées du Roi Mohamed VI, dans nombre de pays africains ont permis, à travers les accords de coopération et d’investissements signés, de renforcer le rôle de locomotive économique que joue le Maroc sur le continent, et notamment en Afrique de l’Ouest, d’impulser et de suivre l’évolution et le développement des projets lancés et des accords signés. Sans oublier, les actions entreprises par SM le Roi Mohammed VI pour l’intégration de l’économie marocaine en Afrique et le renforcement des investissements destinés à l’Afrique.
D’autant plus, le Royaume a une importante expérience à partager avec les pays africains, notamment en matière d’énergies renouvelables qui constitue un levier de croissance inclusive et dans laquelle le Maroc s’impose en tant que “leader incontesté du continent ».
Sur le plan culturel et spirituel,
Le Maroc diffuse auprès des institutions des pays africains, le savoir-faire marocain et partage ses expériences dans les domaines de la formation professionnelle, l’éducation, la santé, les activités agricoles et la gestion de l’eau. Cette stratégie de partage des connaissances et de diffusion de l’expertise marocaine, permet donc, de former et de renforcer les capacités des administrations dans les pays d’Afrique. Aussi, le Maroc soutient nombre de pays africains pour l’éradication du fléau du terrorisme qui devient un danger menaçant le continent tout entier, notamment l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le Sahara, en raison de la recrudescence des activités des groupe terroristes, vient en tête le groupe “Boko Haram”.
A cet égard, je cite par exemple le rôle majeur joué par l’Institut Mohammed VI de formation des imams, destiné pour la formation des imams africains et qui consiste à promouvoir un islam authentique tolèrent et juste milieu, et aussi la Fondation Mohammed VI des oulémas africains qui contribue à préserver les valeurs de tolérance authentique de l’Islam en Afrique à travers le réseau des oulémas africains.
La décision de la création de cette Fondation s’inscrit dans le cadre d’une perspective globale de coopération constructive et en réponse aux attentes d’un nombre de pays africains dans le domaine religieux. D’autre part, et sous la conduite du Roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, le champ religieux a entamé une démarche innovante et conciliante pour un Islam moderne, tolérant, et de paix. La démarche marocaine a séduit en Europe, dont plusieurs pays réclament aujourd’hui l’accompagnement du Royaume, mais aussi en Afrique. Pour notre continent, le modèle marocain est dupliqué au Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon, et autres.
Sur le plan sécuritaire
Le Maroc veille au partage de son expérience opérationnelle développée au niveau de la région du Sahel et Sahara dans le cadre de sa stratégie nationale de lutte contre l’extrémisme violent et terrorisme, car cette vaste partie de l’Afrique est devenue la cible prioritaire des djihadistes qui ont perpétré des attaques à au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Nigeria et ailleurs.
De ce fait, le Maroc a contribué à la consolidation de la paix dans le continent africain, à travers sa participation à plusieurs missions de maintien de la paix, au niveau du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA. Cette élection témoigne de la reconnaissance du leadership de SM le Roi, par des États africains, et le rôle constructif et solidaire du Maroc en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique. Sachant que le Maroc possède une réelle expérience en termes de médiation et d’intervention dans ce genre de questions.
De plus, le Maroc en tant que partenaire africain est prêt à partager son expérience en matière de lutte contre le terrorisme avec la CEDEAO. Par cette expérience, il peut ainsi jouer un grand rôle pour aider la CEDEAO, et s’intégrer à cette Communauté économique à l’avenir.
Il est certain , qu’avec ce retour au sein de l’UA, le Royaume, sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, apporte la pertinence de sa vision et la force de son modèle à cette organisation qui fait face aujourd’hui à des défis, comme la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel et du Sahara , la gestion des flux migratoires, la sécurité alimentaire, le développement humain et le renforcement des institutions démocratiques.
En guise de conclusion, le retour du Maroc à l’UA s’est avéré une décision bien réfléchie portant des succès consécutifs à tous les niveaux grâce à la vision éclairée du Souverain. (Fin)