L’ Ambassadeur de France à Kigali Antoine Anfré ouvrant les Rencontres du Livre Francophone.
Les 2èmes Rencontres Internationales du Livre Francophone qui se tiennent à Kigali du 1er au 4 Mars ont réuni des écrivains de talent, selon l’Ambassadeur de France à Kigali Antoine Anfré.
« Ce sont des rencontres imaginées pour stimuler la lecture, comprendre la beauté et la laideur du monde, aimer aussi les auteurs et leurs talents. Ces deuxièmes rencontres s’inscrivent dans la ligne des premières, avec cette différence que pour le moment, l’on a un écrivain doté d’un Prix Goncourt. Ces auteurs viennent à Kigali pour voir qu’un pays avec peu de ressources, mais jouissant d’un bon leadership, est parvenu à construire des choses durables. L’on doit se féliciter que l’Accord conclu entre Kigali et Paris trouve maintenant un début de concrétisation », a-t-il indiqué.
De g.à d.: Les écrivains Mohamed Kacimi, Bernard Lagier, Claudia Shimwa, et la Modératrice Carole Karemera.
Il a informé que l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop participera aussi aux échanges. Il est l’auteur de l’ouvrage « Murambi, Terre des ossements », qui a reçu des prix prestigieux et qui a été traduit en anglais.
Mme Carole Karemera, premier prix en art dramatique et saxophone au Conservateur Royal de Musique de Belgique, modère avec talent et analyse approfondie le panel des écrivains. Ceux-ci délivrent des éclaircissements sur les ouvrages qu’ils ont produits. Une façon d’en faciliter la compréhension par le public pour susciter plus d’intérêt afin que ces ouvrages inspirent davantage les jeunes talents.
Au premier jour des travaux, Yolande Mukagasana et Béata Umubyeyi, deux écrivaines rwandaises, ont animé un atelier d’écriture et de témoignage par la littérature.
Dans la suite, Bernard Lagier de Martinique, Claudia Simwa du Rwanda et Mohamed Kacimi ont abordé l‘écriture théâtrale.
Shimwa se penche sur le thème du silence, sa perception, sa présence et sa signification dans la société.
« Comment se servir du silence et aller vers la parole ? Comment équilibrer le silence et la parole que je dois prendre dans la société rwandaise ? Certains silences réconfortent. D’autres sont lourds et oppressants », fait remarquer Shimwa, qui est aussi professeur de yoga.
Vue du public.
Pour Bernard Lagier, le thème du chien est particulier dans la société martiniquaise. Car, les maîtres des esclaves recouraient au chien pour ramener un esclave évadé. Le chien est donc un animal mal vu, mal aimé, qui fait référence à la vulgarité et l’injure, mais capable de susciter une révolte populaire.
La Martinique est une référence qui a généré des écrivains de talents comme Aimé Césaire, Edouard Glissant ou Frantz Fanon.
Mohamed Kacimi vit à Paris où il fait du théâtre depuis 1982. Il est d’origine algérienne. Il aborde la colonisation de l’Algérie et de la RDC, ainsi que les crimes massifs perpétrés.
Dans son théâtre, il suscite plus d’interrogations sur la barbarie inhumaine et inimaginable qui a été utilisée pour exterminer des populations innocentes.
Les tambourinaires du Burundi au programme ont agrémenté la soirée d’ouverture.
« L’Algérie a été un pays saccagé, presque rasé. En 1848, elle a été intégrée dans le territoire français. Suivra une colonisation qui durera un siècle et demie, ainsi qu’une résistance qui a consenti de lourds sacrifices. Quelle est la généalogie de cette violence qui nous a été imposée ? », interroge-il.
Il aborde aussi les terroristes, ces monstres nés dans une société moderne. Il s’interroge sur des systèmes qui finissent par enfanter de tels criminels. Quand il aborde le Congo, il montre la complicité de l’Eglise au Congo et au Rwanda, pour asseoir la colonisation.
Le théâtre devient alors un espace où l’on fait exploser les conflits que l’on a avec les autres ou soi-même. Il permet de provoquer l’imaginaire des gens. L’idée est de faire passer la vérité avec un grand éclat de rire, sans classer l’autre comme une victime. L’idée n’est pas l’expiation, mais un exercice de voir la vérité que personne ne veut voir.
« Le théâtre fait bouger les choses. On pose l’histoire et les gens voient ce qu’il faut prendre. Le théâtre est un espace ouvert pour affronter ses peurs, pour se regarder. C’est cela l’expérience commune. Le théâtre est né en Grèce pour que les gens disent aux dieux la vérité. En France, au théâtre, on peut faire tout ce qu’on veut, faire pipi ou chier sur la croix. Mais dans les autres pays qui ont l’Islam comme religion, cela peut produire d’autres effets. Surtout que la parole garde un effet sismique ou tellurique sur la société. L’écrivain doit faire passer la vérité certes, mais savoir sortir vivant de son théâtre », a rappelé Mohamed Kacimi.
Le théâtre reste un engagement et un combat qu’il faut mener. Un engagement sur l’écologie, la politique et beaucoup de choses. (Fin)