Deux jeunes garçons transportent de l’aide alimentaire à vélo à Beni, au Nord-Kivu, en RDC. © WFP/Benjamin Anguandia
L’est de la République démocratique du Congo (RDC) s’enfonce dans une crise humanitaire toujours plus alarmante, ont alerté des agences des Nations Unies, demandant une action pour protéger les enfants et un accès humanitaire sans entrave dans l’est de ce pays de la région des Grands Lacs.
Le dernier conflit en date dans l’est de la RDC a entraîné des conditions catastrophiques pour la population locale. Au cours des deux dernières semaines, des combats acharnés se sont déroulés à 25 kilomètres à l’ouest de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, en direction de la ville de Sake, où les enfants et leurs familles sont pris dans des feux croisés meurtriers.
Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial (PAM), des routes terrestres cruciales pour faciliter la livraison de nourriture et d’autres fournitures ont été coupées, provoquant des pénuries et des hausses de prix sur les marchés locaux de Goma. La situation pèse encore plus sur les familles qui luttent pour mettre de la nourriture sur leur table.
Camps de déplacés surpeuplés
« Nous sommes confrontés à une catastrophe humanitaire de grande ampleur », a déclaré Peter Musoko, Directeur de pays et Représentant du PAM en RDC. « Ne vous y trompez pas : si nous n’agissons pas maintenant, des vies seront perdues ».
La RDC est devenue l’une des plus importantes crises de déplacement interne du continent. Rien que l’année dernière, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que 1,6 million de personnes ont été déplacées. Les dernières hostilités dans l’est de la RDC ont ainsi déclenché un énorme mouvement de population vers des camps de déplacés déjà surpeuplés.
Près de 215.000 personnes supplémentaires ont rejoint le demi-million de personnes déjà déplacées dans les zones autour de Goma. Dans ce lot, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) précise que depuis la reprise des combats autour de Sake, dans la province du Nord-Kivu, le 7 février, 144.000 personnes ont été contraintes de fuir la périphérie de Goma.
Séparément, des dizaines de milliers d’autres personnes se sont déplacées vers Minova, dans la province du Sud-Kivu. Elles ont fui les bombardements aveugles qui ont touché les sites de déplacement et d’autres zones civiles au cours des dernières semaines, et qui ont causé la mort de plus de 20 civils et en ont blessé plus de 60.
Des enfants blessés ou tués près des camps de fortune
Les priorités urgentes suite à cet afflux récent de personnes comprennent le déploiement de cliniques mobiles pour fournir des soins médicaux d’urgence et des services de nutrition dans et autour des camps. Ces fonds permettront de prévenir le choléra, la distribution d’articles non alimentaires, la prise en charge des enfants non accompagnés, et la fourniture de services pour prévenir et répondre aux cas de violence basée sur le genre.
Mais face à cette dernière escalade de violence, l’UNICEF et le PAM appellent à une action immédiate pour protéger les enfants et les familles pris dans cette escalade de la violence dans l’est du pays où un nombre croissant de personnes, y compris des enfants, ont été blessées ou tuées près des camps de fortune. Les deux agences appellent toutes les parties au conflit à donner la priorité à la protection des civils et à permettre aux agences humanitaires de faire leur travail.
« Les enfants de la RDC ont besoin de paix maintenant », a affirmé Grant Leaity, Représentant de l’UNICEF en RDC. « Nous demandons que les enfants soient protégés dans cette guerre et que l’on mette fin à cette violence en redoublant d’efforts pour trouver une solution diplomatique. Nous sommes extrêmement préoccupés par la sécurité des enfants et de leurs familles dans les camps de Goma et aux alentours ».
Plan de réponse pour les réfugiés et déplacés
L’augmentation de la violence et des déplacements met à rude épreuve les ressources dont disposent les deux agences pour mettre en place une réponse globale comprenant de la nourriture, de l’eau potable, de bonnes conditions sanitaires, des abris sûrs, des soins de santé de base et des services de protection pour les femmes et les enfants.
Le PAM demande 300 millions de dollars pour les six prochains mois. Avec une rupture de ressources urgente à partir de mars, l’agence a besoin de 78 millions de dollars immédiatement pour combler cette lacune et poursuivre ses opérations. De son côté, l’UNICEF recherche pour les six prochains mois 400 millions de dollars pour son intervention d’urgence dans l’est de la RDC, avec un besoin immédiat de 96 millions de dollars.
Pour répondre à ces besoins et à de nombreux autres besoins humanitaires en RDC, le Plan de réponse humanitaire 2024 a été lancé le 20 février, lançant un appel de fonds de 2,6 milliards de dollars pour aider quelque 8,7 millions de personnes dans le besoin à travers le pays.
Le HCR a lancé pour sa part le 22 février un Plan de réponse régional pour les réfugiés de 668 millions de dollars pour soutenir près d’un million de réfugiés dans les pays voisins.
Meurtres, enlèvements et incendies de maisons
Sur le terrain, le HCR s’inquiète de l’aggravation de la situation humanitaire à laquelle les civils sont confrontés dans l’est de la RDC. L’intensification de la violence et du conflit fait payer un lourd tribut aux civils innocents, dont des centaines de milliers tentent de trouver refuge à la périphérie des zones de conflit.
Alors que le conflit autour de Sake fait rage, des groupes armés non étatiques enhardis ont lancé une série d’attaques ciblées horribles contre des civils cette semaine dans la région de Beni au Nord-Kivu, ainsi que dans le territoire d’Irumu dans la province d’Ituri.
Les équipes de suivi de la protection du HCR ont reçu des rapports faisant état de meurtres, d’enlèvements et d’incendies de maisons. Le HCR condamne ces atrocités contre les civils et les populations déplacées et appelle d’urgence à une cessation des hostilités dans les provinces orientales afin de protéger la vie des civils.
Face à l’afflux de déplacés, le HCR a plaidé avec succès auprès des autorités locales pour l’extension de deux sites de déplacement à la périphérie de Goma et, avec d’autres agences humanitaires, prévoit de fournir 900.000 abris en 2024, soit près du double des 500.000 abris construits l’année dernière.
A noter que plus de 7 millions de personnes sont toujours déplacées dans le pays, dont un demi-million de réfugiés. (Fin)