By Khalid Cherkaoui Semmouni*
La mort du président tchadien Idriss Déby est un coup dur pour le G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), créé en 2014 pour répondre aux défis sécuritaires et de développement dans la région, au sein duquel le défunt Idriss Déby a joué un rôle militaire prépondérant dans la lutte contre le terrorisme et pour la stabilisation de l’espace sahélo-saharien.
Au pouvoir durant trente ans, il était devenu au fil du temps un pion essentiel sur l’échiquier africain. La question se pose : Quelles sont les conséquences de la mort de Déby pour les voisins du Tchad et la stabilité de la région ?
Quel est le rôle du Tchad dans la région ?
À l’évidence, après la mort du Président Idriss Déby , la région risque de s’enfoncer un peu plus dans l’instabilité , et pourrait avoir de lourdes conséquences dans la lutte contre Boko Haram et contre le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), vu le rôle joué par Idriss Déby faisant de l’armée tchadienne une force motrice contre la menace djihadiste, et contribuant de manière significative à la stabilité régionale , en particulier dans le cadre des efforts en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent au Sahel. Sans oublier que le Président Déby était un partenaire essentiel pour la France et les Nations Unies.
En effet, le Tchad est cerné par des États instables tels que la Libye, le Soudan et la Centrafrique. Ces pays frontaliers du Tchad pourraient être affectés par une recrudescence des groupes armés, trafiquants et djihadistes, surtout que le Tchad est considéré comme un carrefour de tensions et un rempart contre l’afflux des terroristes venant du Sahel vers la région du Lac Tchad.
C’est pourquoi ces pays ont exprimé leurs préoccupations quant à la situation au Tchad. Ils ne semblent pas capables de contrôler ses longues frontières avec le Tchad.
D’autant plus, le Tchad qui jouissait d’une stabilité relative et occupe, géographiquement, une place stratégique dans une région troublée et mouvante, est un acteur incontournable de la lutte contre les groupes djihadistes dans le bassin du Lac Tchad, où il est intervenu dès 2014 pour lutter contre le groupe de Boko Haram. Il participe avec 1 440 soldats à la Minusma (Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali). Aussi, il vient de déployer 1 200 hommes dans le cadre de la force multinationale anti-djihadiste, pour renforcer l’opération « Barkhane », dans le cadre de la force conjointe du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad).
Les conséquences de la mort d’Idriss Déby sur la stabilité régionale
La mort d’Idriss Déby peut générer une déstabilisation, au sein même du pays d’abord. Le Tchad passe actuellement par une période de transition très incertaine. Un Conseil militaire de transition (CMT) est proclamé, dirigé par le général Mahamat Idriss Déby, fils d’Idriss Déby, a pris une série de mesures exceptionnelles, dont la suspension de la Constitution, la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement, la mise en place d’un couvre-feu.
Or, les partis politiques de l’opposition et une partie de la société civile rejettent le CMT pour le non-respect de la constitution qui stipule qu’il incombe au président de l’Assemblée nationale de diriger la transition, exigent l’instauration d’une transition dirigée par les civils, appellent au dialogue et mettent la France en garde de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures du Tchad.
Il est certain que, ces événements vont rendre la situation encore plus complexe, et pourraient avoir un impact direct sur la stabilité interne au Tchad, surtout si le Conseil militaire de transition ne serait pas capable d’assurer la stabilité, l’intégrité du Tchad et mettre en œuvre un processus démocratique tout en respectant ses engagements militaires dans la région.
Face à cette situation politique interne et aux menaces terroristes dans la région du Sahel et du Lac Tchad, le réajustement du dispositif sécuritaire des alliés du Tchad au Sahel est devenu nécessaire, en tenant compte que le Tchad vient de prendre la présidence du G5 Sahel, dont il est la pierre angulaire et le plus gros contributeur.
Il est désormais important de redonner les clés du dispositif sécuritaire au G5 Sahel avec l’appui des partenaires africains comme le Maroc, et européens comme la France, l’allié traditionnel du Tchad, pour engager une transition vers une grande coopération structurée. Le G5 Sahel a besoin d’une action commune, immédiate et concertée avec ses partenaires et doit développer une vision stratégique en prévision des risques et menaces sécuritaires à venir. (Fin)
*Khalid Cherkaoui Semmouni est professeur à la Faculté de Droit à Rabat (Expert en droits de l’homme et terrorisme)