M. Huang Xia, Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs
Le Conseil de sécurité a entendu l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs Huang Xiaqui a fait état d’une dynamique encourageante de dialogue, de coopération et d’intégration, et plus généralement d’une volonté continue de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité.
Six mois après son dernier exposé devant le Conseil, M. Huang Xia, qui présentait le dernier rapport en date du Secrétaire général portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région, a toutefois déploré que cette dynamique positive ait été perturbée par la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC, exacerbée par la reprise des activités militaires du Mouvement du 23 mars (M23) durant le dernier trimestre de l’an dernier. Pour l’Envoyé spécial, cette situation est d’autant plus déplorable qu’elle intervient près de 10 ans après la signature des Déclarations de Nairobi de décembre 2013 par le Gouvernement de la RDC et les rebelles du M23, dans lesquelles ce groupe armé, défait militairement, s’était engagé à ne plus reprendre les armes.
L’inquiétude de nombreux membres du Conseil a été renforcée par les déclarations d’un expert indépendant, M. Dinesh Mahtani, qui a expliqué que les conflits qui se déroulent aujourd’hui dans les Grands Lacs sont de plus en plus liés à des dynamiques venues d’autres parties du continent africain et sont en outre susceptibles de servir de terrain d’entrainement pour des insurgés ou des terroristes qui pourraient ensuite rentrer aguerris dans leur pays d’origine et y constituer une menace pour la sécurité.
Ces propos ont été illustrés par le représentant du Burundi, qui a affirmé que le groupe RED-Tabara, né après le coup d’état manqué de 2015 au Burundi et basé dans l’est de la RDC, collabore avec d’autres groupes terroristes, dont les Forces démocratiques alliées (ADF) et constitue une menace pour la paix dans toute la région.
En dépit de cette fragilité sur le plan sécuritaire, l’Envoyé spécial s’est dit convaincu qu’il est encore possible de consolider les acquis importants enregistrés à ce jour dans la région et d’avancer progressivement vers une paix durable. Il faut toutefois pour cela que des efforts soient fournis au moins à trois niveaux, a expliqué M. Xia.
Le premier niveau demeure l’urgence d’une coopération accrue en matière de sécurité, illustrée, entre autres, par les opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda, le mémorandum d’entente entre le Burundi et la RDC pour relever les défis sécuritaires à leur frontière commune ou encore les consultations régulières entre les chefs des services de renseignement des pays de la région. Au nom des trois membres africains du Conseil (A3), le Kenya a, lors de la discussion, salué les résultats fructueux du second conclave régional des chefs d’État sur la RDC, tenu à Nairobi le 21 avril dernier, avant de rappeler que, pour les dirigeants de la région, tous les groupes armés en RDC avaient désormais un choix clair à faire entre un désarmement pacifique ou la confrontation avec les armées des pays concernés. Le Kenya a en outre souhaité le soutien du Conseil de sécurité à cette initiative régionale audacieuse.
Pour M. Xi, le deuxième niveau d’action repose sur un dialogue direct et permanent au plus haut niveau entre les dirigeants de la région, afin d’apaiser les tensions et de renforcer la confiance.
Quant au troisième, il est celui de l’appui continu de la communauté internationale à la région. L’Envoyé spécial a donc appelé les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les membres du Groupe international de contact sur la région, à accompagner les efforts de dialogue régional. Il a, quant à lui, annoncé son intention de poursuivre, en collaboration étroite avec les autres institutions garantes de l’Accord-cadre, ses démarches de bons offices en appui aux efforts diplomatiques visant à l’amélioration des relations de bon voisinage entre les pays des Grands Lacs.
Il ne suffit pas de faire face à la situation sécuritaire, il faut aussi mettre l’accent sur la promotion de la coopération économique en facilitant la liberté de déplacement des biens et des personnes, a plaidé le Rwanda. À ce propos, les A3 ont rappelé que la pauvreté était à la fois une cause profonde et une conséquence des conflits dans la région. Pour eux, l’exploitation illégale, la concurrence et l’exportation des ressources naturelles, y compris par les acteurs internationaux et les groupes armés, doivent être résolus afin que ces ressources soient une bénédiction et non plus une malédiction.
En ce sens, l’Envoyé spécial a dit vouloir promouvoir une meilleure appropriation nationale et régionale de l’Initiative régionale sur les ressources naturelles, soutenue par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Le Secrétaire exécutif de celle-ci, M. João Samuel Caholo, a promis qu’elle veillerait à ce que les groupes armés ne soient pas financés par l’exploitation des ressources minières ou naturelles. La plupart des membres du Conseil ont également insisté sur le renforcement de la participation des femmes pour promouvoir une paix durable dans la région, et soutenu la récente création d’un réseau régional de femmes entrepreneurs.
Par ailleurs, l’Envoyé spécial a assuré que son Bureau continuera à soutenir les efforts des pays de la région en matière de lutte contre l’impunité et de promotion des droits humains. Dans ce domaine, le Burundi a assuré le Conseil de sa volonté de continuer les réformes en matière de justice, y compris transitionnelle. La RDC a, pour sa part, dit poursuivre les réformes du système de défense et de sécurité́ pour neutraliser les forces négatives. Pour combattre l’impunité, les États-Unis se sont dits déterminés à travailler avec d’autres États Membres pour faire un usage vigoureux du régime de sanctions prévu par la résolution 1533 du Conseil de sécurité. La Chine a elle aussi insisté sur l’importance de contrer les activités illicites d’exploitation des ressources naturelles, mais a souhaité que soit évitée toute utilisation à mauvais escient des mesures coercitives du Conseil.(Fin)