Rémy Bigerumusase, député de Kirundo (nord du Burundi), a tenu des propos visant les réfugiés rentrés récemment du Rwanda. « Ils veulent détruire leur pays », a-t-il répété dans différentes rencontres tenues ces dernières semaines. Le représentant du Service National de Renseignement (SNR) a depuis repris le discours du parlementaire. Ce qui inquiète les Burundais qui ont opté pour le rapatriement volontaire.
Un groupe de rapatriés du Rwanda – avec lequel le Collectif SOS Médias Burundi est en contact – ne cache pas son inquiétude. “Le député a dit ça lors d’une descente dans la commune de Bugabira, c’était en novembre. Selon lui, certains d’entre nous ont l’objectif de détruire le pays au lieu de le construire”, relatent-ils. “C’est un discours qui divise. Il ne nous considère pas comme les autres rapatriés comme ceux des camps en Tanzanie “, déplore un ex-réfugié.
Le député Bigerumusase a clairement demandé aux autorités une surveillance particulière pour les rapatriés en question, relatent d’autres sources. Pour le responsable local du renseignement, les rapatriés du camp de Mahama (Rwanda) sont des militaires “surtout des hommes”, a-t-il fait remarquer lors d’une réunion de sécurité fin novembre. “Les chefs collinaires doivent fournir des rapports régulièrement concernant des cas suspects et mieux collaborer avec la police locale”, a-t-il insisté.
La province de Kirundo compte à elle seule au moins 90 % de rapatriés en provenance du camp de Mahama, selon les estimations. Depuis le 27 août 2020, 1.963 Burundais ont d’ores et déjà regagné volontairement le bercail après cinq ans d’exil au Rwanda. Le HCR au Rwanda fait savoir que ce rapatriement se poursuivra dans les jours à venir.
Le processus de rapatriement s’effectue dans un contexte tendu entre les deux pays. Le 26 juillet 2020, un groupe de 331 réfugiés basés au camp de réfugiés de Mahama situé au sud-est du Rwanda avait adressé une pétition au président Ndayishimiye pour qu’il leur assiste dans leur volonté de regagner leur patrie.
“Nous vous demandons, Excellence Mr le président de la République du Burundi, de nous rapatrier dans la dignité et la légalité en tant que vos enfants. Nous avons fui le 3ème mandat, il n’est plus d’actualité, la crise politique n’est pas là. Les manifestations ou le mouvement insurrectionnel ont été maitrisés. Donc rien ne peut justifier que nous restions en exil avec toutes ces conditions de vie intenables”, lit-on dans cette pétition.
Réagissant à cette demande, le nouveau Chef de l’État burundais avait accusé le Rwanda de “prendre en otage” les réfugiés burundais pour servir ses intérêts géopolitiques. Le Président Ndayishimiye avait fait part de sa préoccupation sur le fait que certains réfugiés se trouvant au Rwanda souhaitent rentrer, mais que les autorités rwandaises leur refusent cette chance.
Dans un discours prononcé lors d’une descente à Busoni, province Kirundo frontalière avec le Rwanda, le Président Ndayishimiye avait en outre indiqué que son pays n’aura pas de relations avec “un État hypocrite” qui prend en otage des réfugiés et qui héberge des malfaiteurs.
Son prédécesseur à la tête du Burundi Feu Pierre Nkurunziza avait accusé à plusieurs reprises le Rwanda de recruter, d’entraîner des réfugiés du Burundi voisin, et de les enrôler dans une opposition armée contre son régime. Des accusations rejetées par le Rwanda qui avait menacé en 2016 de renvoyer les réfugiés burundais qui sont sur son sol vers d’autres pays.
S’exprimant devant la presse, le chef de la diplomatie rwandaise Vincent Biruta avait déclaré que “ces informations sont absurdes et ne reflètent pas la réalité”, ajoutant que Kigali est disposé à prendre part aux efforts visant à garantir un retour digne des réfugiés burundais dans leur pays natal, en coopération avec le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).
Le Rwanda accueille actuellement près de 72.000 réfugiés burundais dont plus de 90% sont dans le seul camp de Mahama. Ils ont fui leur pays lors du déclenchement des troubles liés au troisième mandat controversé de feu Président Pierre Nkurunziza en 2015.
De 2015 à mars 2020, lorsque le Rwanda a fermé ses frontières en raison de la pandémie de COVID-19, 5922 réfugiés étaient déjà retournés volontairement au Burundi, en rendant leurs documents de statut de réfugié aux postes frontières rwandais.
Les réfugiés qui souhaitent rentrer chez eux contactent les équipes de protection du HCR dans le camp de Mahama et Kigali pour obtenir des informations sur le processus de rapatriement et exprimer leur volonté de rapatrier sur une base individuelle.
Le rapatriement est basé sur un principe de volontariat. La décision de retour est une décision individuelle et seuls les réfugiés qui prennent librement cette décision et expriment leur volonté de retourner au Burundi sont assistés. (Fin)