Plusieurs messages, officiels et non officiels, appellent les réfugiés burundais du camp de Mahama au Rwanda à rentrer « volontairement » chez eux. Pour les concernés, l’avenir est incertain. Ils craignent des mesures contraignantes pour les pousser à rentrer comme cela se passe en Tanzanie.
Selon le Collectif SOS Médias Burundi qui a réalisé ce dossier, les autorités rwandaises tranquillisent. Mais des signes avant-coureur inquiètent les réfugiés burundais au camp de Mahama situé à l’Est du pays, tout près de la frontière tanzanienne.
« Durant les deux dernières semaines, l’on ne nous donne plus des bouteilles de gaz combustible et le remplissage de ces derniers est un casse-tête. La ration alimentaire est encore une fois réduite. Le climat n’est pas bon quand on s’entretient avec les responsables du HCR. C’est clair qu’ils cachent quelque chose. Un officiel du ministère en charge des réfugiés, le MINEMA, a d’ailleurs murmuré à quelques-uns parmi nous que le programme de rapatriement doit être accentué et que des mesures contraignantes doivent être entreprises », expliquent des réfugiés dont des leaders communautaires.
Très récemment, en septembre dernier, le HCR et le MINEMA avaient proposé au comité exécutif des réfugiés dans ce camp d’adhérer à une commission dite « go and see », qui devrait se rendre au Burundi pour « constater l’état des lieux de la sécurité et des violations des droits humains pour enfin revenir au camp et sensibiliser leurs compatriotes de rentrer volontairement ou pas ».
La proposition a été vite balayée d’un revers de la main par les concernés. Et les membres du comité exécutif des réfugiés burundais ont été catégoriques.
« Nous savons ce qui se fait au Burundi, pas besoin d’y aller. Et puis, notre sécurité ne serait pas assurée, encore pire qui ira faire le tour du Burundi avec des agents qui l’ont fait fuir ? Enfin, la commission n’a pas raison d’être car nous sommes au courant chaque jour des assassinats ciblés, des violations des droits humains et des disparitions forcées rapportés dans notre pays », ont-ils expliqué.
Pour le moment, ces Burundais pensent qu’une nouvelle stratégie a été adoptée
« Nous savons que si le HCR et le MINEMA veulent quelque chose, ils finiront par l’obtenir. Nous affamer est une des meilleures méthodes à laquelle nous n’allons pas résister. Si on n’a pas à manger c’est clair que nous allons opter pour le retour », regrettent des réfugiés qui se sont confiés à SOS Médias Burundi.
Sinon, l’autre moyen serait de trouver « coûte que coûte » des membres de la fameuse commission « go and see » mal vue par des réfugiés, surtout au camp de Mahama.
« Ils ne vont pas manquer des gens ici ou à Kigali qui participent dans cette commission et qui prétendraient nous représenter. Il y a des gens ici qui collaborent en cachette avec le gouvernement du Burundi et donc ils vont sans doute être d’accord avec ça. C’est pour dire que notre avenir est vraiment incertain ici », estiment-ils.
Ouverture des frontières, menace majeure…
Depuis que le Burundi a ouvert ses frontières avec le Rwanda, – fin septembre dernier-, l’inquiétude est de mise au camp de Mahama.
« Vu que les relations diplomatiques entre Kigali et Gitega progressent à grand pas, c’est sûr que nous allons être sacrifiés sur l’autel des intérêts à haut niveau. La première et importante demande du Burundi est que nous rentrions et que notre camp considéré comme un danger pour Gitega soit fermé. Que Kigali y résiste, c’est une équation facile à résoudre. Et puis, la sécurité sera peut-être menacée vu aussi les infiltrations qui pourraient y avoir », réagissent des leaders communautaires à Mahama.
Le HCR n’y répond pas directement mais rappelle tout de même que dans le camp de Mahama, les réfugiés n’ont plus d’engouement au “rapatriement massif et volontaire”.
« Au début de l’exercice en août 2020 et en 2021, on avait chaque semaine deux convois avec plus de 300 réfugiés dans chaque caravane. Mais pour le moment, on a un seul convoi de moins de 150 personnes par semaine et des fois nous organisons des convois une fois les deux semaines », a expliqué un agent du HCR.
Raison pour laquelle, une analyse de cette situation s’impose, ont indiqué les agents du HCR et du MINEMA dans ce camp qui abrite pour le moment près de 40 mille Burundais.
Officiellement, Kigali tranquillise
« Pour ceux qui ne veulent pas rentrer ou qui ne se sentiraient pas en sécurité au Burundi, vous serez toujours protégés et du même coup, nous n’allons pas fermer la porte pour les demandes d’asile même si les procédures sont pour le moment restructurées », a indiqué le secrétaire permanent du MINEMA.
D’après le HCR, le Rwanda abrite plus de 48 mille réfugiés burundais dont plus de 39 mille installés au camp de Mahama. Les autorités burundaises ont toujours voulu obtenir la fermeture de ce camp qu’elles considèrent jusqu’à présent comme l’un des larges réseaux de lieux de recrutement des groupes armés qui combattent le gouvernement burundais, surtout à partir de la province du Sud-Kivu à l’est de la RDC où l’armée burundaise a déjà envoyé deux contingents depuis mi-août cette année, officiellement. (Fin)