Une catastrophe humanitaire est en cours au Nord-Kivu, alerte Médecins Sans Frontières, qui appelle la communauté internationale et les autorités à urgemment accroître leurs efforts pour répondre aux besoins de la population. Au cours des 12 derniers mois, environ un million de personnes ont fui les combats liés à la résurgence du groupe armé M23, provoquant « une crise dans la crise » dans l’est de la RDC. Les personnes déplacées, mais aussi des communautés entières isolées par les affrontements, font face à une situation sanitaire critique, avec notamment une multiplication des cas de rougeole et de choléra dans certains sites accueillant des déplacés. Dans ce contexte, la réponse est aujourd’hui largement insuffisante au Nord-Kivu, qui compte 2,5 millions de déplacés.
« Nos équipes sont à pied d’œuvre pour prévenir les épidémies mais elles sont complètement débordées, alerte Raphaël Piret, représentant de MSF en RDC. Face à la catastrophe humanitaire et sanitaire qui se déroule sous nos yeux, tous les acteurs de la réponse doivent renforcer l’assistance aux personnes déplacées – à Goma et en dehors – en faisant preuve de plus de réactivité et de flexibilité »
En l’espace de quelques mois, des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir leur maison et leur village – 300 000 pour le seul mois de février. Autour de Goma, les abris de fortune s’amassent à perte de vue, tandis que les églises et les écoles offrent à de nombreuses familles un refuge précaire.
« Nous sommes arrivés ici en juin dernier et nous nous sommes installés dans une église désaffectée à Kanyaruchinya avec près de 150 autres familles » raconte Célestine, 65 ans. « Une seule distribution de nourriture a eu lieu depuis le début de l’année ».
Environ 3 000 abris, accueillant à l’heure actuelle environ 15 000 personnes, ont été construits depuis un an à la périphérie de Goma ; un chiffre bien trop faible par rapport à l’ampleur des besoins. A Bulengo, un campement informel situé à l’ouest de Goma, on dénombre une latrine pour près de 500 personnes, soit dix fois moins que les standards d’urgence humanitaire. Le manque d’eau potable et de latrines, combinés à des abris inadéquats et surpeuplés, créent des conditions propices à l’apparition et à la propagation des maladies.
« Au mois de mars, rien qu’à Bulengo, nous avons pris en charge près de 2 500 patients présentant des symptômes du choléra et plus de 130 enfants souffrant de la rougeole », explique Abdou Musengetsi, coordinateur de projet pour MSF à Goma. « Des familles entières sont depuis des mois à la merci des intempéries, des épidémies et des violences, comme en témoigne le nombre inquiétant de victimes de violences sexuelles que nous soignons chaque jour dans nos structures. »
Les équipes de MSF apportent une assistance médicale gratuite, assurent l’approvisionnement en eau potable et installent des douches et des latrines dans les sites de déplacés informels aux abords de Goma.
Au nord de Goma, MSF observe également les conséquences de cette crise dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Lubero. Coupés du reste de la province, à cause du déplacement des lignes de front, les habitants ne peuvent plus vendre leurs récoltes ni acheter des produits de première nécessité, à l’exception des quelques produits disponibles dont le prix a doublé.
« Faute de moyens financiers, une majorité de la population n’a tout simplement plus accès aux soins. Les gens doivent choisir entre manger ou se soigner », explique Monique Doux, coordinatrice de projet pour MSF à Rutshuru. De plus, de nombreuses structures médicales sont à court de médicaments à cause de problèmes d’approvisionnement. Dans le territoire de Rutshuru, par exemple, certains centres de santé n’ont pas reçu de médicaments depuis des mois.
Avec l’augmentation des prix et la détérioration de l’accès aux soins, la malnutrition est en hausse. Plus d’un tiers des habitants du Nord-Kivu, soit 3 millions de personnes, sont à risque d’insécurité alimentaire selon les Nations unies.
« Dans les centres de santé que nous soutenons dans le territoire de Rutshuru, nous avons pris en charge plus de 8 500 enfants malnutris en 2022, soit près de 70% de plus par rapport à 2021 », indique la coordinatrice de projet pour MSF à Rutshuru. (Fin)