Mutobo, Musanze: Cela fait 24 ans qu’Espérance Nyirabaritonda n’a pas vu son frère. Le moment est d’une émotion si intense quand elle le retrouve à Mutobo. C’est comme si la Vierge Marie était apparue à cette chrétienne pratiquante: «Oh, mon frère, tu es devenu si vieux et si chauve. Nous sommes toujours en vie enfin», s’exclame-t-elle le cœur battant d’émotion, en étreignant dans ses bras son frère, le Major Jean-Marie-Vianney Bizimana, officier des FDLR, rentré du fonds des forêts congolaises.
«Nous vivons des moments rares et extraordinaires. Dieu vient de réaliser à notre égard de vrais miracles. Nous ne pensions plus nous retrouver l’un et l’autre encore vivants», poursuit Nyirabitonda du District de Nyabihu, en applaudissant des deux mains.
L’on est ici en face d’une scène de retrouvailles que vit chacun des plus de 1500 combattants FDLR rentrés massivement de la RDC, et qui célèbrent des moments de réunification avec leurs familles vivants au Rwanda. Chacun a été heureux de revoir son parent, son conjoint, son cousin ou son ami.
Les FDLR sont un groupe terroriste créé après le Génocide de 1994 au Rwanda, et qui a été actif en RDC à des fins de reconquérir le Rwanda.
Les chiffres de la Commission rwandaise de démobilisation et de réintégration (RDRC) indiquent qu’au total, 1 563 combattants ex-FDLR sont revenus massivement dans leur pays depuis le 16 Novembre 2018.
Les rapatriés sont venus de la Province de l’Equateur, mais aussi de Kanyabayonga, de Walungu et de Kisangani – en RDC, où ils avaient trouvé asile en 1994.
Certains de ces anciens combattants FDLR qui se sont exprimés ont confié qu’ils étaient inquiets pour leur sécurité au Rwanda, car ils se basaient sur la désinformation, sans sources fiables sur la réalité qui prévaut au Rwanda.
«On peut certainement se demander pourquoi il était si important de retourner dans notre pays d’origine et pourquoi l’armée congolaise nous a virés de force! C’est parce que nous nous sommes fiés uniquement à certaines radios internationales qui, je le dis, ternissent l’image de notre pays. Nous ne pouvions pas revenir, nous n’avions pas vraiment l’image réelle de notre pays », a témoigné le lieutenant-colonel Joseph Kabarindwi, alias le Major Faustin Mugisha, ex-porte-parole des FDLR, de retour de Kisangani.
Le Cpt Jean Marie Vianney Bizimana abonde dans le même sens que Kabarindwi en remerciant le Gouvernement du Rwanda qui a réservé un accueil hospitalier à ses fils et filles qui rentrent d’un long exil. «Nous pensions tous que nous pourrions être tués dans le passé. Nous sommes de très bonne humeur. Nous avons bonne mine. Nous sommes maintenant en sécurité», dit-il.
Francis Musoni, Secrétaire Général de la RDRC, a rappelé que chaque ex- combattant avait été désigné pour le dépistage médical. Ensuite l’on procède à la vaccination des enfants et la prise en charge intégrale des femmes enceintes.
«Ils s’entendent très bien. On s’occupe d’eux. Mais ils sont vraiment démunis, ils sont dans un très mauvais état de santé. Ils manquent du nécessaire pour leur hygiène, voilà pour ce qui est des besoins d’urgence», a-t-il noté.
Musoni a ajouté que le Centre de démobilisation et de réintégration Mutobo s’occupait aussi de plus de 500 combattants hommes en formation dans les districts de Nyanza et de Rusizi. Il a noté que les rapatriés avaient suivi deux plans d’action différents pour leur retour.
« Pour le moment leurs tâches ont trait à des activités ménagères, ils nettoient l’environnement, puis ils ont prennent leur repas, ensuite ils entament des discussions qui durent toute la journée », a expliqué Musoni.
«Le soir, ils pratiquent à nouveau les mêmes activités et différents de types de sport, notamment le football, le volley-ball ; d’autres décident de courir, de se promener .. ; puis ils auront des activités plus agréables de détente le soir où ils chanteront en racontant des histoires et leurs expériences jusqu’à l’heure du coucher», a-t-il ajouté.
Cependant, Musoni a noté que cette semaine, c’est la première fois qu’ils ont été responsables de leur propre avenir, en décidant de rentrer chez eux.
Le Rwanda a déjà réintégré plus de 10 000 ex-combattants et la Commission RDRC fournit à chaque ex-combattant démobilisé un capital de démarrage de soixante mille Frw (60 000 Frw).