Jutta Urpilainen
La pandémie de COVID-19 a aggravé la crise dans le domaine de l’apprentissage en Afrique en limitant fortement l’accès à l’éducation.
Au début du mois d’avril 2020, la crise avait privé d’école plus de 20 millions d’élèves de l’enseignement préscolaire, 160 millions d’élèves du primaire, 56 millions d’élèves du secondaire et 8 millions d’élèves de l’enseignement supérieur, lesquels n’avaient plus accès aux structures d’enseignement et d’apprentissage continus sur l’ensemble du continent.
Nos citoyens sont notre plus grande richesse. Au cours des 15 prochaines années, 450 millions de jeunes Africains tenteront de trouver un travail, ou chercheront à créer leur propre emploi. Seront-ils en mesure de se bâtir une carrière dans l’un des secteurs émergents? Auront-ils les aptitudes et les compétences requises pour faire face à l’évolution des besoins du marché du travail? La réponse est oui. Oui, si nous agissons maintenant.
Il est essentiel que nous investissions dans l’avenir et que nous mobilisions aujourd’hui des fonds suffisants en faveur de l’éducation, afin de permettre les réformes nécessaires. L’Union européenne (UE) a l’intention de porter de 7 à 10 % les dépenses consacrées à l’éducation dans les pays partenaires relevant du portefeuille de partenariats internationaux.
L’Union africaine (UA) encourage ses États membres à augmenter leurs dotations budgétaires en faveur de l’éducation et à améliorer la mobilisation de l’ensemble des ressources nationales. Il est essentiel de mobiliser davantage de ressources et d’accroître les dépenses pour permettre la mise en place de systèmes éducatifs de qualité et améliorer la résilience face aux chocs futurs.
Il est également nécessaire d’innover en ce qui concerne la conception, la fourniture et la mise en œuvre de services éducatifs à tous les niveaux, en tirant parti de l’apprentissage numérique. La stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA 16-25) met en évidence la nécessité de mettre à profit la capacité des TIC à améliorer l’accès aux systèmes d’éducation et de formation en Afrique, leur qualité et leur gestion.
Il ne fait aucun doute que les possibilités en matière d’apprentissage numérique recèlent un énorme potentiel de transformation de l’éducation et de la formation, passant par une plus grande accessibilité, une pertinence accrue, et des coûts abordables.
En outre, les modèles d’apprentissage hybride et l’application des technologies modernes à d’autres aspects de l’éducation, au-delà des résultats attendus, sont essentiels pour garantir la qualité de l’apprentissage tout en palliant les insuffisances en la matière.
Les partenariats constitueront un autre élément essentiel de la solution, notamment les partenariats avec la société civile, le secteur privé et les partenaires dans le domaine de l’éducation au niveau mondial.
Dans le cadre de la nouvelle stratégie UE-Afrique et de son volet relatif à un partenariat pour une croissance et des emplois durables, l’Union européenne vise à mettre l’accent sur l’éducation, les compétences, la recherche et l’innovation en Afrique. Cela suppose d’améliorer l’accès de tous à une éducation de qualité, inclusive et équitable.
Il s’agira de trouver des partenariats en vue de développer des approches innovantes et d’obtenir de meilleurs résultats en matière d’apprentissage, qui permettent de répondre aux besoins futurs, y compris dans des domaines émergents tels que le secteur numérique ou les technologies vertes et respectueuses du climat.
L’UE s’emploiera en priorité à veiller à la disponibilité et à la qualité des enseignants à tous les niveaux de l’enseignement. On estime qu’environ 17 millions d’enseignants seront nécessaires en Afrique subsaharienne d’ici à 2030 pour parvenir à la mise en place d’un enseignement primaire et secondaire universel.
L’UE est déterminée à travailler avec ses États membres dans un esprit d’«équipe d’Europe» afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Ainsi, au Mozambique, l’UE et les États membres préparent une initiative «E-YOUTH» qui contribuera à faire en sorte que l’enseignement et la formation professionnels fondés sur les compétences soient davantage en adéquation avec les besoins du marché, de manière que les jeunes Mozambicains accèdent plus facilement à l’emploi.
L’initiative permettra également de conférer une autonomie accrue aux filles et aux femmes en les encourageant à intégrer des domaines d’études tels que les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STEM), et en stimulant l’acquisition de compétences en matière de programmation.
Il est également prioritaire de promouvoir les innovations qui garantissent une prise en compte de la dimension de genre en matière d’éducation et de faire en sorte que les réfugiés, les personnes handicapées et les personnes ayant des besoins spécifiques, de même que les personnes vivant dans des communautés mal desservies, aient aussi accès à l’éducation, pour que ces enfants ne soient pas touchés de manière disproportionnée par les changements actuellement à l’œuvre dans la délivrance de l’enseignement.
Grâce à l’adoption d’innovations durables dans la mise en œuvre et dans la gestion de l’éducation en Afrique, l’accès à une éducation de qualité pour tous sera amélioré, ce qui permettra à chacun de déployer tout son potentiel.
La réunion sur l’éducation intitulée «Building Skills for the Future», organisée par l’UA, l’UE et l’Unicef le 20 avril, a constitué une étape importante dans le partenariat entre l’UE et l’UA, ainsi que dans nos travaux conjoints en matière d’éducation.
Nous avons convenu d’un commun accord qu’il est important que chacun bénéficie d’une égalité d’accès à une éducation inclusive et de qualité, à tous niveaux, et qu’à cette fin il est crucial d’accroître les investissements et les partenariats. Nos actions conjointes se concentreront sur le renforcement des systèmes éducatifs à tous les niveaux.
Nous veillerons tout particulièrement à la protection des résultats obtenus par l’Afrique dans sa lutte contre la crise de l’apprentissage, dans les efforts qu’elle déploie pour remédier aux inégalités en matière d’accès et d’apprentissage et pour faire en sorte que les compétences soient en adéquation avec les besoins en matière d’emplois.
Nous chercherons à exploiter tout le potentiel de l’apprentissage numérique et à développer les compétences numériques tout en comblant la fracture numérique.
Les décisions relatives aux relations futures de nos deux continents seront prises lors du sommet UE-UA, mais nous pouvons dès à présent affirmer que l’éducation sera une priorité essentielle de notre partenariat, en tant que fondement d’un avenir florissant, prospère et durable pour nos deux continents. (Fin)
*Jutta Urpilainen est Commissaire européenne chargée des partenariats internationaux.
*S.E. Sarah Anyang Agbor est Commissaire de l’Union africaine chargée de l’éducation, de la science, de la technologie et de l’innovation.