Par RNA Reporter
Plusieurs Rwandais accusés de participation au génocide des Tutsi poursuivis devant les juridictions belges et françaises pourront être jugés sur le fond cette année.
En 2018, des juges d’instructions dans plusieurs dossiers ont rendu des ordonnances de mise en accusation (OMA) autorisant des renvois des accusés devant les cours d’assises pour y répondre des actes qui leurs sont reprochés, en rapport avec le génocide des Tutsi commis au Rwanda en 1994.
Situation des renvois
En Belgique : 5 renvois pour génocide et crimes de guerre
En date du 20 octobre 2017, la Chambre du Conseil auprès du Tribunal de Première Instance de Bruxelles a autorisé le renvoi de trois accusés devant la Cour d’Assises : il s’agit de Fabien NERETSE, Ernest GAKWAYA et NKUNZUWIMYE Emmanuel, tous Rwandais, inculpés d’avoir participé au génocide des Tutsi et aux crimes de guerre commis au Rwanda en 1994.
Mardi 20 février 2018 – la Chambre du Conseil auprès du même tribunal a autorisé l’arrestation ainsi que le renvoi de deux autres rwandais à savoir l’ancien Procureur BUSHISHI Mathias et M. KWITONDA Thaddée devant la Cour d’Assises de Bruxelles, rejetant ainsi la demande du Procureur Fédéral de les envoyer devant le Tribunal Correctionnel.
Ces renvois ont été entérinés par la cour d’appel de Bruxelles dans deux arrêts rendus le 12 décembre 2018. Les cinq accusés devront donc, sauf leur droit au pourvoi en cassation, comparaître devant la cour d’assises où ils seront jugés par des jurés.
Fabien NERETSE, est un ancien homme d’affaire accusé d’avoir commis des crimes de génocide et des crimes de guerre au Rwanda – il lui est notamment reproché d’avoir participé à la création de la milice «Interahamwe», d’avoir organisé et participé à plusieurs massacres et d’avoir dénoncé des familles en fuite. Parmi ces familles, celle de la plaignante belge, dont la sœur, son mari rwandais et leur fille ont été tués à Kigali le 9 avril 1994. Fabien NERETSE a été arrêté en France et extradé vers la Belgique, où il a été mis en détention préventive. Il se trouve actuellement en liberté provisoire.
Emmanuel NKUNZUWIMYE et Ernest GAKWAYA sont poursuivis dans le même dossier pour des crimes de génocide et crimes de guerre, qu’ils auraient commis en tant que membres de la milice « Interahamwe », entre autres au stade de Nyamirambo. Ils ont été arrêtés en Belgique et ont également été remis en liberté provisoire après une période en détention préventive.
BUSHISHI Mathias – ex-Procureur de la République de Butare, inculpé pour génocide et crimes de guerre ; notamment d’avoir participé le 31 mai 1994, au palais du MRND à Butare, à un conseil restreint de sécurité qui devait planifier le massacre et l’extermination des Tutsi dans sa juridiction. Recherché depuis 2002 par Interpol, BUSHISHI Mathias, a été arrêté le 18 avril 2011 puis, placé sous mandat d’arrêt par le juge d’instruction belge. Il avait été détenu à la prison de Forest en Belgique jusqu’au 17 février 2012, date à laquelle il avait été libéré sous caution avec obligation de suivi judiciaire.
KWITONDA Thaddée – 54 ans, inculpé pour avoir organisé des massacres à l’encontre des Tutsi dans la ville de Butare et d’y avoir participé. Il est également inculpé pour avoir commis des exactions dans la préfecture de Ruhengeri, à Nyakabanda. KWITONDA Thaddée a travaillé comme enquêteur de la défense au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) de juin 1999 à juillet 2001, date à laquelle son contrat a été suspendu suite à l’ouverture d’une enquête à son encontre par le bureau du procureur du TPIR. Il a été arrêté à Kampala pour séjour illégal puis expulsé vers Bruxelles, car naturalisé Belge. En Belgique, recherché par la justice, une instruction à son sujet avait commencé en 2006 en rapport avec des soupçons de participation au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
En France : 3 renvois
En France, des juges d’instruction ont ordonné trois renvois dans les dossiers de Claude
MUHAYIMANA, du Dr. Sosthène MUNYEMANA et dans celui de Laurent BUCYIBARUTA.
Claude MUHAYIMANA – Ancien chauffeur du Guest House de Kibuye, est accusé d’avoir transporté les miliciens Interahamwe sur les lieux des attaques. Le juge d’instruction a ordonné le 9 novembre 2017 son renvoi aux assises pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité par aide et assistance tout en abandonnant les poursuites pour une partie des faits. Claude Muhayimana a formé un recours contre l’ordonnance du juge devant la Cour d’Appel de Paris. L’examen de l’appel a eu lieu le 18 octobre 2018 ; la décision est attendue le 29 mars prochain.
Sosthène MUMYEMANA – médecin gynécologue obstétricien à l’hôpital universitaire à Butare, dans le sud du Rwanda depuis les années 90, il a rejoint la France en 1994 où il a exercé comme médecin dans différent hôpitaux, dont notamment l’hôpital de Villeneuve depuis 2001.
Il a fait l’objet de plusieurs plaintes depuis 1995 pour « génocide et crime contre l’humanité ». En 2006, le Rwanda a émis un mandat d’arrêt international à son encontre.
La justice française l’accuse d’avoir soutenu le gouvernement à l’origine du génocide des Tutsi, à travers, notamment, son engagement au sein du comité de sécurité de Tumba qui aurait organisé une traque contre des civils Tutsi. Elle lui reproche d’avoir prononcé des discours ayant encouragé les habitants de Tumba à cibler les communautés Tutsi de la ville. Des discours, qui auraient contribué au déclenchement du génocide. La justice l’accuse aussi d’avoir détenu des civils Tutsi dans des conditions inhumaines.
Le 3 décembre 2018, le juge d’instruction en charge du dossier auprès du Tribunal de Première Instance de Paris, a rendu une ordonnance autorisant sa mise en accusation devant la Cour d’Assises de Paris pour «génocide», «crimes contre l’Humanité » et « complicité de génocide », notamment pour des charges liés à «la rhétorique en cours de l’insécurité, contribuant à mettre en œuvre les instruments du génocide que sont les barrières et les rondes». L’ordonnance fait l’objet d’un appel devant la Cours d’Appel de Paris.
Laurent BUCYIBARUTA – Laurent BUCYIBARUTA, ancien préfet de Gikongoro dans le sud du Rwanda, arrivé en France en 1997, il a été visé depuis l’an 2000, par une plainte déposée par les associations SURVIE et FIDH et par des familles de victimes, plainte à laquelle le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) s’était joint en 2001. Il était également recherché par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) qui l’accusait d’avoir ordonné aux miliciens Interahamwe qui étaient sous ses ordres de commettre plusieurs massacres contre les Tutsi. Selon l’acte d’accusation du TPIR, Laurent Bucyibaruta était poursuivi sur la base de sa responsabilité pénale individuelle et de sa responsabilité pénale en tant que supérieur hiérarchique pour six chefs d’inculpations : crime de génocide, de complicité de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, de crime contre l’humanité constitué par les actes d’extermination, d’assassinat, et de viol.
Laurent BUCYIBARUTA avait été incarcéré en France entre juillet et septembre 2007, suite à un mandat d’arrêt décerné par le TPIR, mais plus tard la cour d’appel de Paris avait ordonné sa remise en liberté, estimant que l’acte d’accusation du TPIR n’était pas assez précis, notamment au regard de la loi sur la présomption d’innocence. Le Tribunal international avait fini par se dessaisir de l’affaire au profit de la justice française.
Le juge d’instruction en charge de l’affaire a émis le 24 décembre 2018 une “ordonnance de non-lieu partiel, de requalification et de mise en accusation devant la Cour d’assises”. Il découle de cette décision que, sauf le droit d’appel, Laurent BUCYIBARUTA devrait comparaître devant la Cour d’Assises de Paris pour y répondre des charges notamment de “complice d’une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires et d’acte inhumains…” et d’avoir “participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité.”
Cette note d’information est une communication du programme « Justice et Mémoire » qui vise à faciliter aux populations rwandaises la compréhension et la participation aux procès de génocide sur base de compétence universelle, et favoriser l’intégration des apports de ces procès dans la mémoire de la justice du génocide.
Ce programme est conduit par les organisations RCN Justice & Démocratie, PAX PRESS, Haguruka et Association Modeste et Innocent (AMI). Ce programme entend suivre la suite de la procédure et informer sur le déroulement de ces procès.
Ce programme bénéficie du soutien financier de la Belgique à travers la Direction générale au développement (DGD).