Le Directeur Exécutif à l’AFD (Agence Française de Développement) en charge des opérations dans les pays où l’Agence travaille, Philippe Orliange (P.O), est au Rwanda du 18 au 22 Juillet pour visiter les projets de AFD dans le pays. Il a accordé un entretien exclusif à André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI-RNA). Lire l’entretien :
ARI – L’AFD travaille dans combien de pays ?
P.O – L’Agence AFD travaille dans 110 pays. Et le groupe AFD, c’est – à – dire l’Agence proprement dite, l’AFD proprement dit, notre filiale Coopération Technique qui s’appelle Expertise France et notre filiale Secteur Privé qui s’appelle Proparco, donc le groupe travaille dans 135 pays.
ARI – Donc, vous étiez au Rwanda pour voir les projets de AFD ?
P.O – Je suis venu ici pour voir comment on a mis en œuvre la feuille de route qui a été signée il y a deux ans entre la France et le Rwanda sur la coopération qui fixait un objectif de cinq cent (500) millions d’euros de nouveaux projets et je suis venu voir comment cette feuille de route se met en route parce qu’à la fin de l’année on doit avoir terminé. C’est une feuille de route qui couvrait la période allant de la visite à fin 2023.
ARI – Parlez-nous des projets que vous avez visités.
P.O – Aujourd’hui, on est allé à Musanze. On a visité l’hôpital dont la rénovation, la reconstruction va être co-financée par l’AFD et le Gouvernement rwandais. On est allé voir comment se présente le chantier de la rénovation de cet hôpital qui sert une grande partie de la région Nord du Rwanda. Cet après-midi, on est allé à Tumba visiter le Collège Polytechnique et l’Unité de Formation à la Mécatronique qui a été financée par l’AFD. Et après dans le district de Rulindo, un Lycée qui fait partie d’un groupe de quatre établissements dont la rénovation a été financée par l’AFD. Nous comptons voir ces projets sur le terrain. On se dit que la coopération française, c’est une réalité vivante. Et que les engagements qui ont été pris dans le cadre de la visite du Président Emmanuel Macron sont en train d’être tenus. Et tout ça, au profit des fils et filles du Rwanda. En particulier de la jeunesse. Ça, c’est un aspect.
L’autre aspect, c’est que le Rwanda en fait est un peu une source d’inspiration. Notamment pour l’AFD qui a une agence qui est très engagée dans le financement de la lutte contre le changement climatique. On a vu mercredi hier le Gouverneur de la Banque Centrale. Le Gouverneur de la Banque Centrale fait partie de ces Gouverneurs des Banques Centrales qui ont pris très au sérieux le sujet de la lutte contre le changement climatique. Et qui ont lu l’Accord de Paris, qui ont bien vu dans l’Accord de Paris ce qu’ont dit. C’est qu’il faut réorienter les flux financiers en faveur de la lutte contre le changement climatique. Et la coopération qu’on est en train de mettre en place avec la Banque Centrale du Rwanda sur ce sujet, c’est une coopération tout à fait exemplaire.
Hier après-midi, on a vu le Ministre d’Etat chargé de la Communauté d’Afrique de l’Est au Ministère des Affaires Etrangères, Nshuti Manasseh. On lui a fait un peu le point de la feuille de route et son exécution pour lui montrer que les engagements qui ont été pris, ça ne fait pas de doute qu’ils vont être tenus. Puis demain, on rencontrera le Ministre des Finances et de la Planification Economique, Uzziel Ndagijimana. On va visiter un programme sur les ICC (Industries Culturelles et Créatives). On va voir le Centre de Zipline à Muhanga pour les drones. Pour nous AFD qui sommes dans une centaine de pays de par le monde, il se passe au Rwanda un certain nombre de choses qui sont inspirantes. Que ce soit sur la finance climat, que ce soit sur le sujet des Industries Culturelles et Créatives, que ce soit sur la manière dont les politiques publiques sont mises en œuvre avec beaucoup de constances et de résultats. Et ça, c’est important pour nous au-delà de l’aspect purement bilatéral. C’est important pour l’AFD d’être au Rwanda. Et participer à ces innovations.
ARI – Est-ce que vous avez d’autres projets en perspective que vous pouvez lancer ?
P.O – C’était déjà l’objet des visites qu’on a faites sur le terrain. Et aussi l’objet de la discussion avec le Gouverneur de la Banque Centrale. Par exemple, on souhaite travailler avec les grandes Banques rwandaises pour les aider à prendre le tournant de la finance verte, la finance en faveur du climat. Et demain, on va avoir cette discussion avec le Ministre des Finances pour aussi l’écouter. Et savoir ce qu’il souhaite que nous fassions comme projets. Mais par exemple dans le secteur de l’Education où on est, -où il y a ce projet dont on parlait tout à l’heure-, je pense qu’on va continuer à faire des choses dans l’Education. Et c’est vraiment une priorité très, très importante. Dans le secteur de la Santé, il y a aussi certainement des choses à faire. Dans quelques mois, on va discuter de façon précise avec les autorités rwandaises sur ce qu’elles souhaitent que l’AFD fasse. Parce que la feuille de route dont je parlais, c’est le résultat d’une discussion aussi qu’on avait eu il y a deux ou trois ans avec les autorités rwandaises.
ARI – Vous avez eu le temps de visiter le site mémorial de Gisozi.
P.O – Hier matin, c’était notre première visite. On a visité le site mémorial du génocide de Gisozi.
ARI – J’aimerai connaître vos impressions après votre visite à ce mémorial. Qu’est-ce que vous avez écrit dans le livre du souvenir ?
P.O – Quand le Général de Gaulle était allé à Auschwitz, quand il avait fait sa visite officielle en Pologne en 1967, il est allé à Auschwitz. Et on lui a demandé de remplir le livre. Ceux qui avaient assisté à la scène disent que le General de Gaulle avait hésité. Il avait cherché ses mots. Parce que face à la présentation d’un tel drame, tous les mots sont trop courts. Et il a finalement trouvé une formule pour caractériser ce qui s’était passé à Auschwitz, mais il avait évoqué l’espoir et l’espérance. Et je crois que le sentiment que l’on a quand on visite le mémorial, c’est à la fois celui de l’accablement face à l’ampleur du drame, du crime, et puis c’est aussi malgré tout ce qui va permettre de maintenir allumée la flamme de l’espoir.
ARI – Comment réagit la population française face à la poursuite des auteurs du Génocide des Tutsi qui sont exilés en France ?
P.O – Je pense que la population française, -en tout cas la partie qui a suivi ce sujet-, a été très frappée par la démarche du Président Macron. Par les mots qu’il a employés pour caractériser la position face à ce que la France avait fait. Et je pense aussi très impressionnée parce que ce qui s’est passé au Rwanda en 1994 a eu beaucoup de retentissements dans la population et aussi par l’attitude des Rwandais et du Président du Rwanda. Donc, le fait que justice soit faite, aujourd’hui, est considéré comme normal. Et c’est ce qu’il faut faire. Il n’y a pas de question.
ARI- Un message…
P.O – Le premier message, c’est qu’on a beaucoup de choses à faire ensemble. Et que l’AFD, -dans ce qui la concerne-, je crois, fait la preuve de ce qu’on peut faire ensemble. Il se passe des choses au Rwanda, le Rwanda a fait des choses qui peuvent inspirer beaucoup de pays. Y compris sur les sujets qui intéressent la planète comme la lutte contre le changement climatique. Donc, ce qui se passe au Rwanda, ça doit intéresser. Et le Rwanda doit avoir à cœur, – et il le fait déjà très bien- de faire savoir et d’expliquer comment ça a été possible. Le partage de comment ça a été possible au Rwanda, c’est quelque chose qu’on a envie de faire connaître. Comme on a eu envie de faire connaître, -vous évoquiez tout à l’heure Mandela-, comme on a eu envie de faire connaître dans les années qui ont suivi la fin de l’Apartheid, pourquoi et comment l’Afrique du Sud avait réussi cette transition. (Fin)