Mémorial du génocide à Kibungo
Kigali: La recherche récemment menée par la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG) sur l’histoire de la préparation et de l’exécution du génocide perpétré contre les Tutsi dans l’ancienne préfecture de Kibungo, indique qu’il ya eu la discrimination et la persécution des Tutsi à Kibungo entre les années 1961 et 1973.
Selon un témoin de la Commune Rutonde alors assistant médical, en 1961, il y eut des élections remportées par le parti PARMEHUTU. Dès lors, les Tutsi ont fui le pays à cause des persécutions et des massacres dont ils étaient victimes. Ceux qui restaient au pays étaient discriminés dans tous les domaines, tandis que d’autres étaient déportés dans des régions inhospitalières du pays pour y mourir, comme la région du Gisaka et le Bugesera.
Exclus du reste de la société rwandaise, les Tutsi étaient considérés comme des étrangers nostalgiques du régime « féodal ». C’était la vision globale de la politique du PARMEHUTU de Grégoire Kayibanda qui était considéré comme une idole.
Le Président Grégoire Kayibanda et son parti dirigèrent le pays sur fond de haine contre les Tutsi tout au long de son régime. Cette haine contre les Tutsi se manifestait souvent dans ses discours prononcés lors des fêtes nationales ou lorsqu’il prenait la parole devant les autorités supérieures du pays.
Selon un témoin de la Commune Rutonde, après l’indépendance, les autorités rwandaises ont poursuivi la politique coloniale belge de diviser les Rwandais. Car Grégoire Kayibanda disait souvent que « le Rwanda est habité par deux ethnies », alors que le Rwanda est une seule Nation qui a une même langue et une même culture. Il se plaisait aussi à dire que « les Tutsi ont colonisé le Rwanda », c’est-à-dire qu’ils étaient considérés comme des étrangers. Les Belges avaient préparé depuis longtemps un plan pour installer les Hutu et les Tutsi dans des endroits différents, et ça devait commencer entre 1952 et 1962».
Dans ses discours, le Président Grégoire Kayibanda voulait affirmer qu’il militait pour les intérêts du peuple majoritaire, dit « Rubanda nyamwinshi», car pour lui les Tutsi n’étaient pas des Rwandais. A part ses discours incendiaires qui terrorisaient chaque fois les Tutsi de l’intérieur du pays, il y eut également des chansons qui étaient remplis de haine et qui insistaient sur le fait que les Tutsi seraient des étrangers qui auraient envahi le Rwanda. Ces discours et ces chansons haineux poussèrent les Hutu à mépriser davantage les Tutsi.
Pendant les massacres contre des Tutsi en 1963, certains ont été emprisonnés d’autres se sont réfugiés dans les pays limitrophes. Ainsi, le Gouvernement de Kayibanda décréta la loi no 24.20/A.09/, du décret présidentiel no25/01 du 26 février 1966, par laquelle les terres et les biens des Tusti étaient confisqués. Mais la politique d’expropriation des biens des réfugiés tutsis a été proposée en 1963 lors d’une réunion de tous les Préfets à Kigali. C’est lors de cette réunion qu’ils ont décidé que des Tutsi qui se sont exilés et ceux qui étaient emprisonnés et relâchés ne récupéreraient plus leur emploi.
Un témoin de la Commune Kabarondo raconte que lors des recensements des Hutu et des Tutsi sur des fiches signalétiques, beaucoup des Tutsi demandèrent d’être inscrits comme Hutu ; mais le témoin avait refusé de changer d’ethnie.
A l’école où elle était enseignante, elle n’était pas bien vue, car un jour le Bourgmestre de Kigarama lui avait rappelé qu’elle avait refusé d’être Hutu.
Un témoin de la Commune Rukira a raconté comment sous l’administration du Bourgmestre Ndagijimana de Birenga, on lui avait refusé de faire ses études parce qu’il était Tutsi. Par après, il a pu faire ses études grâce au Frère Bruno Rangira qui l’avait accompagné à école et l’a fait inscrire.
Un témoin de la Préfecture de Kibungo a expliqué à quel point le régime Kayibanda discriminait les Tutsi, dans tous domaines, dans les écoles et dans le service public, en donnant un exemple qui le concerne : « En 1972, je faisais partie des premières bachelières rwandaises dont le diplôme, très valorisé, donnait accès à l’Université Nationale, ou à un poste d’assistante de ministre. Il me fut pourtant impossible d’entrer à l’Université, alors que des bourses d’études en Europe étaient octroyées aux filles qui avaient raté l’épreuve, ou d’intégrer un poste vacant dans un ministère ».
La même victime, continue à décrire la discrimination dans l’administration, en ces termes « A cette époque, après un test d’embauche, les candidats devaient fournir une attestation d’identité complète qui indiquait spécifiquement leur ethnie. Un coup d’œil à mon document a suffi au recruteur du ministère des PTT (Postes, Télégraphes et Téléphones) pour m’informer du rejet de ma candidature, parce que j’étais Tutsi »
Cela est attesté par une lettre du Préfet Claudien Gatwabuyege du 03 septembre 1964 qu’il a adressée à tous les Bourgmestres sur l’engagement des personnels communaux. Il a exigé que ces derniers soient tous Hutu, et que des Tutsi soient remplacés par des Hutu.
Enfin, durant son régime, le PARMEHUTU avait renforcé l’homogénéité de son équipe et rejetait l’opposition. Après les élections législatives de 1965, le PARMEHUTU resta seul sur la scène politique, car le monopartisme ethnique venait d’être consommé. En conséquence, les Tutsi furent complètement exclus du pouvoir politique et de tous les domaines de la vie nationale. C’est pourquoi certains d’entre eux ont fui le pays à cause des massacres et des injustices dont ils étaient régulièrement victimes au cours de ce régime. (Fin)