Kigali: Au Rwanda, pendant la période de 1992 et 1994, des milices furent créées et reçurent des entraînements militaires. Des armes furent également distribuées à la population civile. Alison Des Forges a ainsi déclaré devant la Commission Parlementaire d’enquête du Sénat de France, que l’idée de créer des milices était apparue très tôt en 1991 et qu’il convenait d’en distinguer les différentes formes. D’abord l’idée était de choisir une dizaine de jeunes dont le rôle principal était de patrouiller en compagnie de quelques militaires. Après vint, en janvier-février 1993, une autre forme d’auto-défense civile de bien plus grande ampleur et qui devait servir dans la mise en œuvre du génocide.
Des listes de soldats retraités, devenus des milices, étaient dressées pour savoir où se trouvaient les ressources à utiliser au moment opportun. C’est à partir de là qu’il y eut création de plusieurs groupes des milices afin d’aider l’armée à tuer le plus de Tutsi possible pendant le génocide.
Dès le début du génocide, au cours des deux ou trois premières semaines, le système administratif a été employé pour mobiliser la population, encadrée dans la plupart des cas par d’anciens militaires et gendarmes. La plupart des partis politiques au Rwanda comme le MRND, la CDR, le MDR, le PSD et le PL avaient créé un mouvement de jeunesse en leur sein. Celle du MRND était connue sous l’appellation « Interahamwe » et celle de la CDR sous le nom de « Impuzamugambi ». Par la suite, la plupart des membres de ces mouvements de jeunesses, particulièrement ceux du MRND et de la CDR, ont reçu des entraînements militaires, ce qui transforma ces mouvements de jeunesse en milices.
Dans la Préfecture de Kibungo, à part les milices Interahamwe et Impuzamugambi d’autres groupes de milices furent créées dans les Communes, tels Club AMASASU de la Commune Birenga, les Abarinda et les Simba Bataliani des Communes Kabarondo, Kigarama et de Muhazi, les Abajekaro des Communes Kigarama, Rusumo à Mpanga (dans le Parc National Akagera), Rukara et Kayonza, le groupe Attaque de la Commune Kigarama à Karama, Abazayire de la Commune Sake et les Abisirayeli de la Commune Rusumo. Dans la Préfecture de Kibungo, il y avait, ainsi pas moins de sept (7) groupes de milices.
La milice Interahamwe, manifestement soutenue par le pouvoir, devint un mouvement de plus en plus structuré, mieux organisée, mieux équipée, et partant, d’une redoutable efficacité à cause de la formation militaire que ses membres recevaient. Les témoignages recueillis ont montré le caractère systématique de la formation des Interahamwe au début de l’année 1992 et à la fin de l’année 1993. Afin de s’assurer qu’à terme, l’extermination de l’ennemi c’est-à-dire le « Tutsi », se ferait rapidement et efficacement. Cet entraînement comprenait l’apprentissage de différentes méthodes pour tuer, en utilisant des armes à feu, des armes blanches ou même à mains nues.
En plus de cette formation militaire, les membres de ces milices recevaient une formation idéologique par laquelle on leur apprenait notamment que le Tutsi est leur ennemi et celui du Rwanda.
Pour donner une représentation nationale cette milice, des Comités d’Interahamwe ont été créés au niveau préfectoral. En fait, ce sont les dirigeants du MRND en collaboration avec des officiers des FAR qui avaient pris la décision de faire suivre aux éléments les plus dévoués et à d’autres jeunes désœuvrés, un entraînement militaire, après lequel des armes leur étaient distribuées.
Avant et pendant le génocide, il y eut des entraînements au maniement des armes destinés aux miliciens et aux militaires retraités. Parmi ceux qui ont participé à ces entraînements à Kibungo, certains provenaient de Byumba. Ils étaient arrivés à Kibungo avec le Bourgmestre de Murambi, Jean Baptiste Gatete, en fuyant devant l’avance des troupes du FPR.
Emmanuel Habimana alias Cyasa confirme que Gatete Jean Baptiste a participé, avec les autorités de la Préfecture de Kibungo, à la planification du génocide en organisant avec ceux-ci, dès 1992, la formation militaire des miliciens. De retour de leur entraînement, les miliciens apportaient des armes à feu, dont notamment des grenades, qui leur avaient été distribuées.
Selon le document sur l’Organisation de l’auto-défense civile, Kibungo faisait partie des préfectures dans lesquelles étaient disséminés les détachements de ces milices, notamment dans les Communes Muhazi, Rutonde, Kayonza, Kabarondo, Birenga et Rusumo qui comptaient 78 Secteurs. Il devait y avoir deux groupes par Secteur de 55 personnes chacun, et chaque Secteur bénéficiait de 11 fusils et de 100 cartouches par fusil. Ces personnes devaient être instruites au maniement des fusils.
En effet, un informateur de la Préfecture de Kibungo, Emmanuel Habimana alias Cyasa, a affirmé qu’en 1991 le Ministre Prosper Mugiraneza et le Colonel Pierre Célestin Rwagafilita avaient fourni des grenades aux Interahamwe, et que ces armes ont été utilisées pour tuer les Tutsi pendant le génocide.
Pour mettre en œuvre le plan d’extermination de l’ennemi (Tutsi), les miliciens devaient recevoir, en plus d’un entraînement militaire, des armes. Aussi, dès la fin 1992 début 1993, les autorités militaires et civiles avaient distribué des armes aux miliciens et à certains membres soigneusement choisis de la population civile, dans différentes Communes de la préfecture. En fait, les autorités (les Bourgmestres et les Conseillers) distribuèrent les armes aux milices dès 1992 jusqu’au génocide, dans le but affiché de combattre l’ennemi, « l’Inyenzi-tutsi ».
L’informateur Déo Yagahanze qui était un membre fondateur de la milice Interahamwe, a affirmé que cette milice a été créée en 1991 dans la Préfecture de Kibungo et qu’il fut lui-même le premier Président de cette milice à Kibungo jusqu’en 1992. Il fut aussi Chef de la milice Attaque. Après, il a été remplacé par Emmanuel Habimana alias Cyasa à ce poste, et lui devint Vice-président jusqu’en 1994. En 1992 Emmanuel Habimana alias Cyasa a dirigé ce groupe de miliciens Interahamwe qui a commis des actes de violences à Karenge, à Cyasemakamba et à Musamvu. Cette bande bénéficiait du soutien des militaires et du Bourgmestre de Birenga.
Dans cette préfecture, différents endroits étaient dédiés aux entraînements militaires des milices et des civils Hutu. Les entraînements au maniement des armes s’effectuaient sur la place du marché, tandis que d’autres éléments étaient emmenés pour s’entraîner à Gabiro dans la Préfecture de Byumba. (Fin)