Procès HATEGEKIMANA/MANIER. Jeudi 25 mai 2023. J10

Stade de Nyzanza

           Audition d’Albert KABERA, assaillant, barrière de l’Akazu K’amazi.

           Audition de Sabine UWASE, constituée partie civile à l’audience.

           Audition d’Emmanuel KAMUGUNGA, constitué partie civile à l’audience.

           Audition d’Emmanuel RUBAGUMYA.

           Audition du général Jean VARRET.

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Audition de monsieur Albert KABERA, 68 ans, assaillant, cité à la demande du ministère public, barrière de l’Akazu K’amazi, de BUGABAEN , visioconférence de Kigali.

PRÉSENTATION DU TÉMOIN

Agriculteur, NYANZA, cellule de RWESERO, dans le village, connaît P. HATEGEKIMANA: « Il m’a utilisé pendant le génocide ».

*Prête serment*

DECLARATION SPONTANNEE

KABERA : Je voudrais parler des circonstances dans lesquelles BIGUMA a tué Jean SIBUGOMWA, sa femme et ses deux enfants. BIGUMA est allé tuer des Tutsi qui s’étaient réfugiés sur la colline de NYAMIYAGA, puis il a fait charger des cadavres dans un camion et il les a amenés vers la rivière MWOGO.

Le 24, BIGUMA est allé tuer des gens sur une colline. Il était à bord d’un véhicule de la gendarmerie. Les Tutsi étaient confrontés aux Interahamwe :  BIGUMA est arrivé parce que les Tutsi avaient réussi à repousser les miliciens.

QUESTIONS DES JUGES

Sur questions du président, le témoin précise qu’en avril 1994, il était agriculteur à RWESERO et dit avoir arrêté ses activités. On leur a demandé d’aller tenir des barrières.

« Je connaissais BIGUMA poursuit-il, parce qu’il venait voir ESDRAS dont l’épouse était la sœur de la femme de BIGUMA. Je me suis entretenu avec BIGUMA à une barrière, il est venu nous donner un fusil et il a tiré en l’air pour qu’on puisse entendre le bruit d’un fusil. Avant, je ne lui avais pas parlé mais je le voyais.

Il était de teint clair. Il était gros et de petite taille. Je connaissais aussi le commandant Birikunzira. Ce dernier était un peu plus grand que BIGUMA. L’accusé était principal adjoint.

Il avait des étoiles sur son épaule. BIRIKUNZIRA aussi. Ce dernier avait trois étoiles, BIGUMA une seule. »

Toujours sur questions du président, il se souvient des barrières et tente de les situer en les nommant, aussi bien celles de son quartier que celles dans la ville de NYANZA. Les gendarmes étaient affectés sur la barrière qu’il fréquentait, à KABERA. Mais le témoin était plus précisément sur la barrière Akazu k’amazi. Des Burundais et des élèves du Christ-Roi venaient aussi.

« Vous avez entendu parler du meurtre de NZEHIMANA ? » demande le président.

« Oui, il fuyait dans le champ d’avocatier, on l’a suivi et il a été tué par BIGUMA. »

La barrière était en contre-haut du domicile de GERVAIS et en contrebas de la gendarmerie. Et il y avait un champ d’avocatiers.

PRÉSIDENT : Vous avez poursuivi ce jeune homme ?

KABERA :  Non, je n’ai pas poursuivi ce jeune homme, mais BIGUMA a tiré sur lui, il s’était réfugié chez son grand-père et on a entendu le coup de feu. Je l’ai vu parce qu’on m’a demandé de déplacer la barrière et de la mettre un peu plus loin parce que des réfugiés partaient, et on devait protéger nos domiciles. On nous demandait de déplacer la barrière vers BUGABA. Sur la barrière sont restés César et HAVUGIMANA. Nous, nous sommes allés à la barrière de BUGABA.

PRESIDENT : Qu’est-ce qui s’est passé à cette barrière ?

KABERA : Personne n’est mort à cette barrière, c’était juste pour assurer la sécurité parce que nos femmes avaient peur que des réfugiés les tuent. Je dirigeais cette barrière la journée.

PRESIDENT : Vous avez été à la barrière d’Akazu k’amazi ?

KABERA : Je travaillais là- bas avant et puis après à BUGABA.

C’est le capitaine de la gendarmerie et BIGUMA qui avaient fait ériger la barrière.  Il y a eu une réunion secrète pour préparer le génocide. Chez le capitaine Pascal. BARAHIRA  Il y avait des dirigeants d’établissements publics, moi je transportais des planches de bois chez maman Augustine. Je voyais toutes ces personnes et après j’ai eu des informations, ils ont commencé à ériger des barrières. La première personne a été tuée par BIGUMA.

Le témoin continue à expliquer comment les barrières étaient organisées et qui en étaient les responsables. Les jeunes avaient des grenades remises par BIRIKUNZIRA, les gendarmes des fusils. L’ordre était de tuer les Tutsi. Il fallait contrôler les identités et aller dans les ménages pour faire sortir les Tutsi. Ceux qui les ont amenés ce sont des gens qui travaillaient à la barrière d’Akazu K’amazi, ils les ont mis dans la maison de Boniface. Il y avait 28 Tutsi enfermés dans cette maison. Sur ordre des responsables de la gendarmerie, ils devaient être tués. Lui-même reconnaît avoir joué un rôle dans ces tueries. Les corps ont été enterrés le lendemain. Ordre avait aussi été donné de manger les vaches et d’incendier la maison.

Les victimes étaient des gens de tout âge, du vieillard à l’enfant.

PRÉSIDENT : Vous avez parlé d’attaque sur la colline de NYAMYAGA ?

KABERA : Oui. L’attaque était venue de NYARUSANGE. Les réfugiés se sont défendus et la gendarmerie est arrivée avec BIGUMA qui avait une arme de haut calibre. Il y avait un militaire qui avait aussi un fusil, il a essayé de défendre ceux qui étaient avec lui mais quand il a constaté que l’autre arme était plus puissante. Il a dit qu’il fallait se protéger. C’est là que BIGUMA a commencé à utiliser le mortier. Je suis témoin oculaire.

Toujours sur questions du président, le témoin va raconter l’attaque de cette colline. BIGUMA y a installé une arme lourde. A la fin de cette attaque, les corps ont été transportés jusqu’à la rivière MWOGO.

Interrogé sur les armes utilisées, le témoin n’y connaît pas grand-chose. Il finira par reconnaître qu’un mortier a été utilisé, placé à environ 300 mètres de la colline.

PRESIDENT : Vous avez participé à d’autres attaques ?

KABERA : J’ai entendu dire que BIGUMA avait été tué dans les attaques de NYAMURE. Je ne l’ai pas vu mais j’ai entendu les gens le dire.

PRÉSIDENT : Vous voulez ajouter quelque chose ?

KABERA : Il faut qu’il soit poursuivi et jugé comme nous autres.

QUESTIONS DES PARTIES CIVILES

Des avocats des parties civiles vont interroger le témoin pour savoir s’il connaît le nom de victimes dont les familles sont parties civiles, en particulier madame Immaculée KAYITESI, la présidente de l’association des veuves du génocide, AVEGA, dont le mari, Narcisse MAKUZA a été tué par BIGUMA.

Il se peut que le témoin, d’ailleurs, ait confondu la colline de NYAMYAGA avec celle de NYABUBARE, qui pourrait être la même, avec un nom différent. Quant à NYAMURE, c’est une autre colline dont on parlera plus tard.

Maître PHILIPPART : Vous avez confirmé certains noms de Tutsi tués à la barrière près de chez Boniface, vous connaissez d’autres noms ? Le témoin ne se souvient plus mais d’autres personnes pourraient donner des noms.

QUESTIONS DU MINISTÈRE PUBLIC

MP : Vous avez été entendu le 22 novembre 2016, vous avez dit que plusieurs personnes avaient été tuées, vous êtes allé voir, vous avez dit que Gervais était passé de famille en famille et que quand il est arrivé chez vous, il vous a dit que l’ennemi avait envahi le pays et que cet ennemi était le Tutsi. Vous avez évoqué aussi que quand vous buviez de la bière de banane, vous aviez croisé une voiture qui ressemblait à une ambulance avec dedans des gendarmes, ce véhicule s’est arrêté et BIGUMA a dit qu’il fallait qu’on aille aux barrières pour empêcher l’infiltration de l’ennemi, il nous a demandé de prendre des armes blanches, lances machettes, et de nous rendre à la barrière. Vous confirmez ?

KABERA : Je confirme.

MP : Vous preniez de la bière de banane avec les autres, vous étiez combien ?

KABERA : Nous étions 3 personnes quand il est arrivé.

MP : Vous avez dit que BIGUMA n’avait pas de véhicule mais qu’il circulait toujours avec ceux de la gendarmerie, parfois c’était un véhicule blanc, parfois un véhicule rouge et parfois une jeep militaire, vous confirmez ?

KABERA : Oui

MP : Vous avez dit que Lameck NIZEYIMANA était à cette barrière, comment vous l’avez su?

KABERA : Je l’ai su quand les Français sont venus.

MP : Est-ce que vous étiez un milicien ?

KABERA : Non, j’étais un simple paysan mais c’est moi qui apprenait les chants à la jeunesse du MDR.

MP : Il est dit dans votre audition que vous aviez sensibilisé la population, qu’est-ce que vous avez fait et pourquoi ?

KABERA : Nous avions reçu un enseignement par des magistrats en prison, nous avons enseigné aux gens de la prison à plaider coupable et après nous sommes allés le faire à l’extérieur de la prison pour que les problèmes soient réglés afin que les Rwandais vivent ensemble.

MP : Vous receviez des récompenses quand vous aviez bien travaillé ?

KABERA : Non, mais les gens allaient dans les maisons après pour les piller.

MP : Concernant BIGUMA, vous l’avez entendu tenir des propos anti-Tutsi avant le génocide ?

KABERA : C’était dans leur attitude depuis longtemps, dans sa commune d’origine on détestait les Tutsi.

La défense, par maître DUCE, posera un nombre important de questions qui ne permettront pas spécialement d’avancer dans la connaissance des faits reprochés à son client. Un certain nombre de ces questions sont redondantes et correspondent à des choses qui ont déjà été dites précédemment. Monsieur le président ne manquera pas de le lui rappeler.

Audition de madame Sabine UWASE qui souhaite se constituer partie civile à l’audience.

J’avais 16 ans au moment du génocide. Et je ne voyais aucune différence entre les Hutu et les Tutsi. C’est en 1990, quand on a arrêté mon père, que je me suis dit qu’ il y avait quand même un problème. Un soir après l’école, mon père a été arrêté, on a demandé à maman pourquoi il ne rentrait pas. On a dit à ma mère que mon père faisait partie du groupe des « complices », les « Ibyitso ».

En tant qu’enfants on n’a pas compris. Nous ne pouvions pas aller lui rendre visite, ils avaient interdit à ma mère d’aller le voir aussi. Après 2 mois, lorsque je suis rentré à la maison, il y avait un monsieur, il avait rasé ses cheveux, il avait un uniforme kaki. Le soir, on a demandé à notre père : « Qu’est-ce que tu as fait ? ». Il a essayé de nous expliquer pourquoi il a été emprisonné. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Après, on lui dit de ne pas se déplacer dans la ville de NYANZA. Un week-end, il est parti, sans annoncer qu’il partait. Je ne sais pas comment la gendarmerie a su que mon père avait circulé. Les gendarmes sont venus à la maison et ils ont dit : « On t’avait dit de ne pas partir. » Et il est reparti en prison.

Après, ils ont tué le président.  Dans la ville de NYANZA, les gens vivaient quand même en harmonie, on avait des amis hutu, ils venaient à la maison, on vivait en harmonie. Après le 7 avril, on a commencé à avoir peur. On se demandait ce qui allait se passer. Dans les deux premières semaines qui ont suivi, on nous a dit de ne pas dormir à la maison. C’était dangereux de dormir à la maison la nuit parce qu’ils pouvaient venir nous chercher. On allait dormir autre part. On a fait deux semaines où on ne dormait pas à la maison. On a su que les gendarmes sont venus de KIGALI, toute la population a dit : « On va vous tuer. »

Le soir du 21, nous n’avons pas passé la nuit chez nous. Nous sommes retournés chez la vieille dame dont j’ai parlé chez qui on dormait à l’extérieur de sa maison. On avait l’habitude de faire des allers-retours. Mon père nous a dit que les informations qui avaient circulé la veille étaient graves. Il nous a dit que c’était mieux de se séparer et de ne pas rester ensemble. J’étais très fatiguée. On venait de passer deux semaines dans des conditions difficiles. Mon grand-père et ma grand-mère vivaient dans la périphérie de NYANZA. J’ai dit à mon petit-frère que j’allais chez ma grand-mère. C’est comme ça que je me suis séparée du reste des membres de ma famille.

Je suis restée chez elle deux jours. Mon grand-père avait 70 ans et ma grand-mère 68. Vers 2h du matin, j’ai entendu quelqu’un qui a toqué à la porte. Je suis allée ouvrir et c’était mon petit-frère qui venait aussi. Il a dit qu’on le suivait. Le matin, des Interahamwe sont venus : ils étaient nombreux, ils avaient différentes armes dont des machettes, des gourdins cloutés, et ils étaient habillés de feuilles de bananiers et de grands chapeaux. Quand ils sont arrivés, ils disaient : « C’est fini pour les Tutsi, le sort est déjà jeté. »

Mon grand-père était assistant médical mais il avait des problèmes d’asthme. Quand il les a vus, il a eu une crise d’asthme et il a commencé à mal respirer. Ils nous ont dit de tous sortir. Il y avait des voisins tutsi aussi, on leur a demandé à tous de sortir. Nous étions cinq enfants, mon petit-frère, mes cousines. Dans la famille voisine il y avait deux enfants et l’autre famille voisine trois. Ils nous ont dit de monter. Ils nous ont conduit vers NYANZA. Après avoir fait une dizaine de mètres, ils ont dit à grand-père de rentrer chez lui parce qu’il respirait mal. Quand nous sommes arrivés sur la route qui monte vers NYANZA, il y avait deux barrières sur la route. Quand nous sommes arrivés à ces barrières, nous avons trouvé des Interahamwe qui avaient les mêmes habits que ceux qui conduisaient. Il y avait un jeune homme qui avait l’habitude de s’occuper des vaches chez mon grand-père. Il m’a dit qu’il allait essayer de cacher mon petit-frère. Il a donné un gourdin à mon petit-frère. J’ai donné mon accord. C’est dans ces circonstances que je me suis séparée de mon frère. Les Interahamwe nous ont emmenés jusqu’à la brigade de NYANZA.

Arrivés sur place, ils ont ouvert les cachots qui étaient déjà remplis, il y avait beaucoup de gendarmes à la brigade de NYANZA. Ils ont demandé d’où on venait. Ils ont dit aux Interahamwe de nous conduire avec les gens qui étaient au cachot. Arrivés dans le cachot, je ne sais pas d’où venaient les gens mais ils venaient de différentes localités de NYANZA. Deux jours après, ils ont dit aux cinquante personnes de sortir. Les gens qui sortaient, ils les ont emmenés pour aller les tuer au stade de NYANZA. C’était moi la plus âgée parmi les enfants qui étaient là. On venait de passer trois jours sans boire ni manger. Les gendarmes n’avaient pas pitié de nous. Ils voyaient qu’on avait faim et soif mais ils disaient qu’ils seraient impitoyables.

Au début, nous avons eu peur, j’ai dit aux enfants qui étaient avec moi d’aller à l’arrière du cachot pour pas qu’on soit tués. Les enfants plus jeunes s’adressaient aux gendarmes en disant : « Ayez pitié de nous ». On allait à l’arrière du cachot, les enfants disaient qu’ils avaient faim et soif. Les gendarmes ont refusé de donner de l’eau à ces jeunes enfants. J’ai dit à notre groupe : « On va prier avant de mourir. » Après ils sont retournés à l’arrière du cachot. Un gendarme est entré dans le cachot, il m’a piétiné, je l’ai regardé en face.  J’ai demandé s’il pouvait nous donner de l’eau. Il a dit : « Comment t’appelles-tu ? ». Je lui ai répondu. Il est sorti, puis il a envoyé un autre gendarme qui a dit « Sabine, tu peux sortir », je suis sortie.

Ce gendarme m’a dit de le suivre. Je l’ai suivi et il m’a fait passer à travers une fenêtre pour aller dans une autre pièce. Il m’a dit que je devais rester jusqu’au moment où il me dirait de sortir. Après j’ai entendu des coups, les gendarmes criaient et disaient que le commandant avait dit de faire sortir tout le monde du cachot. Ils ont pris tout le monde, et ils sont allés les tuer au stade de NYANZA. Quand nous avons vu les gendarmes nous avons vu qu’ils venaient de sortir. Moi je me disais que les gendarmes de NYANZA étaient là pour assurer la sécurité de la population. Ils disaient qu’il fallait regarder dans toutes les pièces.

Le gendarme est revenu en fin de journée vers 19 heures. Il m’a demandé s’ils ne m’avaient pas vue et j’ai dit non. Il m’a dit qu’on avait tué tout le monde. Il m’a demandé d’où je venais Je lui ai donné le nom de mon père. Il a dit : « Je n’ai pas le choix, je ne peux pas te dénoncer sinon ça aurait des conséquences sur moi. » Vers 4 heures du matin, il est revenu. Il m’avait apporté un casque et une tenue militaire. Il m’a dit de sortir, je lui ai demandé où il m’emmenait. Il a dit qu’il me conduisait en dehors du camp.

Nous avons passé la barrière après la gendarmerie, il m’a emmené dans une maison, près de la gendarmerie où vivaient des femmes de gendarmes et de militaires. Il m’a amené dans une maison où il y avait une femme. Sa femme m’a dit qu’on avait retrouvé mon père et qu’on l’avait amené au stade et qu’on lui avait tiré dessus au stade de NYANZA.

J’ai vécu chez elle, elle m’a caché dans une petite pièce. C’était des femmes de militaires originaires du Nord. Quand le soir arrivait, venaient de nombreux gendarmes boire à cet endroit. Dans les discussions qu’ils avaient, ils se réjouissaient des Tutsi qu’ils avaient tués dans la région de NYANZA. A NYANZA, vivaient beaucoup de Tutsi qui avaient une bonne situation. Ils disaient que leurs femmes et filles avaient été violées, que leurs biens avaient été pillés, ce sont les Interahamwe qui prenaient leurs biens. Je suis restée à cet endroit depuis environ deux semaines. J’ai demandé si le gendarme pouvait savoir que j’étais ici. Il est venu à NYANZA. Il m’a emmené à BUGARAMA, il a demandé à une personne qui était là s’il pouvait me garder. Je suis restée une semaine à BUGARAMA. Il y avait beaucoup de combats, KIGALI était en train de tomber, les gens fuyaient. J’ai fui avec cette famille-là. J’ai senti que personne ne me reconnaissait bien, que j’étais dans une foule d’Interahamwe. Une fois, quand j’étais avec les enfants de ces personnes, nous sommes allés chercher de l’eau, il y avait des gens de NYANZA. Un des enfants de NYANZA qui avait son père dans ma classe est allé dire aux autres Interahamwe qu’ils avaient vu l’enfant de mon père. Il a dit : « J’ai vu l’enfant d’un serpent, je ne comprends pas comment il nous a échappé.

Ils sont tous venus me chercher, ils m’ont amenée près d’une fosse. J’ai commencé à crier en disant qu’on m’a confondu, et que je ne suis pas l’enfant de NYANZA. Qu’ils pouvaient me ramener avec ces gens qui étaient avec moi. Ces gens ne savaient pas d’où je venais donc ils ont dit que je venais de BUTARE. Comme les gens ne me connaissaient pas, les gens continuaient à dire que je n’étais pas de NYANZA. Ils ont fini par le croire.

Après le génocide, je suis rentrée avec ces gens-là. On a tué mes parents ainsi que mes frères et sœurs. Je me suis toujours posé la question concernant mon frère, quand il est parti je pensais toujours qu’on allait se revoir. Après le génocide des gens m’ont dit qu’ils l’avaient aperçu à GIKONGORO donc il est arrivé à GIKONGORO. Je suis retournée à NYANZA, je pensais que j’allais reconnaître les lieux, j’y suis allée, mais j’ai continué le chemin, je ne me suis pas arrêtée, parce que je n’ai pas reconnu les lieux, on avait tout détruit, on avait fait tomber des murs. Ce sont les voisins qui ont dit qu’on était passé à côté.

Pour finir, je remercie la cour de me donner la possibilité de donner ce témoignage. La gendarmerie a eu une grande responsabilité dans la mort de ma famille et de ma communauté. Si aujourd’hui je n’ai plus de parents, de frères et de sœurs, ils n’ont pas assuré leur rôle. Aujourd’hui, en tant que mère, je comprends comment mes parents sont morts avec beaucoup de chagrin. Le fait de ne pas trouver un endroit pour mettre leurs enfants et de ne pas pouvoir les protéger. De ne pas pouvoir répondre aux questions qu’ils leur posaient. Je n’ai pas de réponse à donner à mes propres enfants. Parce qu’ils me demandent pourquoi ils n’ont pas de grand-mère, ils vont à l’école et les autres enfants leur disent qu’ils sont allés en vacances chez leur grand-mère. Je demande à la cour la justice dont nous avons besoin, c’est vous qui pouvez la donner. Si nous n’avons pas de parents c’est que quelqu’un les a tués.

Audition de monsieur Emmanuel KAMUGUNGA, cité à la demande du ministère public. Se constitue partie civile à l’audience.

PRÉSIDENT : Quel âge aviez-vous en 1994 ?

KAMUGUNGA : J’avais 10 ans.

PRESIDENT : Quelle est votre date de naissance ?

KAMUGUNGA : 1984.

PRÉSIDENT : Vous avez dit 1977 quand vous avez été interrogé par les enquêteurs du TPIR.

KAMUGUNGA : Il se pourrait qu’ils aient mal noté.

PRÉSIDENT : Que faisaient vos parents ?

KAMUGUNGA : Mes parents habitaient dans la cellule de RWESERO. Aujourd’hui c’est une cellule, à l’époque c’était un secteur.

PRESIDENT : Vous avez combien de frères et sœurs ?

KAMUGUNGA : Nous étions 4. J’étais le 3ème enfant.

PRÉSIDENT : Vous habitiez chez vos parents ?

KAMUGUNGA : Pour ce qui concerne le génocide, je me souviens d’un jour qui fut le plus long,

PRESIDENT : Vous alliez à l’école ?

KAMUGUNGA : A l’école primaire.

PRÉSIDENT : De quoi vous vous souvenez quand vous parlez du caporal César et des autres ?

KAMUGUNGA : Ils buvaient ensemble, ce sont eux qui ont initié le génocide avec les magistrats qui étaient originaires de différentes préfectures.

PRÉSIDENT : Vous avez parlé de Philippe ?

KAMUGUNGA : Oui, c’est BIGUMA, l’adjudant.

PRÉSIDENT : Il venait voir les gendarmes que vous avez mentionnés, ils allaient boire ensemble, vous entendiez leurs conversations ?

KAMUGUNGA : Oui des fois nous allions jouer à un endroit appelé GACYAMBA, c’est là qu’il y avait le mémorial de NYANZA.

PRESIDENT : Qu’est-ce que vous entendiez ?

KAMUGUNGA : Je parle de la manière du lancement du génocide. C’était un dimanche.

PRÉSIDENT : Ce dimanche-là, de quoi vous souvenez-vous ?

KAMUGUNGA : J’étais avec mon ami Gérard, nous allions jouer au football. Nous avions croisé l’adjudant BIGUMA.

PRÉSIDENT : Il marchait ?

KAMUGUNGA : Oui et il n’était pas seul, il était avec les magistrats. Il y avait aussi des enseignants dont un qui était le beau-père de KAYISHEMA, il était médecin.

PRESIDENT : Qu’est-ce qu’ils faisaient ensemble ?

KAMUGUNGA : Ils nous ont demandé où on allait. Des garçons ont couru derrière nous et eux sont restés sur place. Nous avons regagné le chemin qui mène vers chez nous. Avant de remonter derrière nous, ils venaient d’installer une barrière. Notre enclos était fermé. Ils ont poussé l’enclos et les vaches sont sorties. Ils ont commencé par là. Ils ont appelé la population, ils ont tiré sur les arbres. Les vaches se sont échappées et ont tiré sur toutes les vaches. Par la suite, ils ont incendié notre domicile.

PRESIDENT : Votre domicile à l’époque il est dans quelle cellule ?

KAMUGUNGA : RUGARAMA. Peu de temps après est passé l’OPJ, ils venaient de l’attraper et de l’amener. Son collègue Jean-Baptiste marchait derrière lui. Il ignorait qu’on avait commencé le génocide. Ils l’ont frappé au cou. Il n’était pas encore mort, ils l’ont pris par les jambes et l’ont jeté dans le ravin. Puis, quelqu’un est arrivé en demandant pourquoi on avait tué son collègue pour rien.

PRÉSIDENT : Qui l’avait arrêté ?

KAMUGUNGA : La voiture dans laquelle il y avait des gendarmes dont j’ai parlé.

PRÉSIDENT : Le commandant BIRIKUNZIRA était là ?

KAMUGUNGA : Il est venu plus tard, à bord d’un véhicule rouge.

PRÉSIDENT : Donc il y avait 2 véhicules ?

KAMUGUNGA : Oui, un premier et un deuxième qui est arrivé après.

PRÉSIDENT : Qui était dans le premier ?

KAMUGUNGA : Des gendarmes dont ceux dont je vous ai donné les noms, il y avait Gervais.

PRESIDENT : C’était qui ?

KAMUGUNGA : Il était juge au tribunal. Puis dans la soirée, les fils de ce juge ont commencé à mobiliser la population. Ils ont tué des Tutsi à Akazu k’amazi. Ils ont été tués par l’adjudant BIGUMA, les gendarmes et les fils des juges dont j’ai parlé. Ils les ont tués à l’aide de bâtons et de gourdins.

PRÉSIDENT : Vous étiez où ?

KAMUGUNGA : J’étais tout près, dans un avocatier, la distance était de quelques mètres.

PRESIDENT : Personne n’a remarqué que vous étiez dans l’avocatier ?

KAMUGUNGA : Personne, parce que c’était sombre. Après je suis descendu de l’avocatier et j’ai fui.

PRÉSIDENT : Combien de personnes ils ont tué ce jour-là ?

KAMUGUNGA : Je ne vais pas vous dire le nombre parce que quand je suis descendu, je suis allé au sommet d’une colline et j’ai traversé une rivière qu’on appelle NTARUKA.

PRÉSIDENT : RUGEMA a été tué en même temps que les autres ?

KAMUGUNGA : Non. J’ai su que RUGEMA était à bord de son véhicule parce que j’ai entendu Jean-Baptiste demandé pourquoi ils l’avaient arrêté à bord de son véhicule ?

PRESIDENT : Qui on a jeté dans le ravin ?

KAMUGUNGA : REBERUKA . Il a succombé à ses blessures dans la nuit.

PRÉSIDENT : Et après ?

KAMUGUNGA : J’ai rejoint un groupe de gens, et il y avait le bourgmestre SEKIMONYO. Mon petit frère et ma petite sœur se trouvaient aussi là-bas. L’adjudant BIGUMA nous a trouvés dans le bois de Giseki. Il a lancé un obus dans notre groupe et nous nous sommes séparés. Cet obus m’a touché à la tête. J’ai continué à courir et les gens allaient à gauche et à droite. Après je suis allé près d’un bâtiment près d’un champ de manioc. Il y avait un monsieur qui travaillait dans un tribunal. Il était originaire de GIKONGORO.

PRÉSIDENT : Ils l’ont tué ?

KAMUGUNGA : Oui ils l’ont tué plus tard.

PRÉSIDENT : Combien de temps vous êtes resté caché ?

KAMUGUNGA : Je suis resté longtemps.

PRÉSIDENT : Comment vous faisiez pour survivre ?

KAMUGUNGA :

PRÉSIDENT : Vous vous souvenez des véhicules que vous les avez vu utiliser ?

KAMUGUNGA : Ils utilisaient leurs véhicules, une Toyota rouge et des véhicules qu’ils avaient pris chez les Tutsi.

Concernant Philippe, il était avec Birikunzira, avec d’autres gendarmes, ils circulaient sur des barrières. Ils allaient chez les Tutsi riches pour prendre leurs véhicules et quand ils voulaient tirer sur une personne ils le faisaient, sinon ils demandaient aux Interahamwe de le faire.

PRESIDENT : Vous savez ce que c’est qu’un mortier ?

KAMUGUNGA : Oui, ce que j’ai vu c’était des fusils et des grenades.

PRÉSIDENT : Est-ce que vous avez vu un mortier ?

KAMUGUNGA : Oui. Ils avaient cette arme dans le véhicule et ils l’ont portée en sortant.

PRESIDENT : Vous voulez ajouter quelque chose ?

KAMUGUNGA : Juste qu’avec le temps, on ne se souvient pas de tout. Mais on veut la justice.

QUESTIONS DES PARTIES CIVILES

Maître GISAGARA : Est-ce que vous pourriez expliquer comment vous avez fait quand vous étiez caché pour survivre ? Pour manger surtout ?

KAMUGUNGA : Pour manger, là où je me cachais il y avait un champ de manioc.

PRESIDENT : D’autres membres de votre famille sont morts ?

KAMUGUNGA : ma sœur, mon grand-frère, mon petit frère et ma mère.

PRÉSIDENT : Et votre père ?

KAMUGUNGA : Il était mort avant.

QUESTIONS DU MINISTÈRE PUBLIC

MP : Vous pouvez nous confirmer que vous êtes entendu par des enquêteurs pour le tribunal pénal international et pas à Arusha ?

KAMUGUNGA : Oui.

MP : Il est indiqué que vous étiez élève à l’école Saint Emmanuelle de NYANZA, vous pouvez confirmer ?

KAMUGUNGA : Je venais de terminer l’école primaire.

MP : Vous avez eu des soucis de santé ?

KAMUGUNGA : Non je ne suis pas malade mais pendant les commémorations, on peut manifester ses émotions différemment. Certains pleurent, crient, et certains gardent les choses pour eux-mêmes et cela peut développer des traumatismes. En 2017, j’ai connu des traumatismes, j’ai vu des médecins.

QUESTIONS DE LA DEFENSE

Maître DUCE : Avez-vous témoigné dans d’autres affaires ?

KAMUGUNGA : Oui.

Maître DUCE : Vous dites que vous connaissez très bien l’accusé mais vous aviez 10 ans.

KAMUGUNGA : Oui.

Maître DUCE : Vous l’avez connu parce qu’il fréquentait  une certaine Jeanne ?

KAMUGUNGA : Oui.

Maître DUCE : Comment vous le saviez ?

KAMUGUNGA : Tout le monde le savait, ils marchaient ensemble, chantaient ensemble.

Maître DUCE : Vous avez dit qu’il était gros, mais pourtant il était sportif. Vous pouvez décrire ses habits ?

KAMUGUNGA : C’est un uniforme kaki, avec des étoiles.

Audition de monsieur Emmanuel RUBAGUMYA, cité à la demande du ministère public.

Le témoin, après avoir décliné son identité, ne sait pas s’il va se constituer partie civile. Il va témoigner, ce pour quoi il est venu.

Il connaissait BIGUMA qui venait consommer des brochettes à son cabaret.. Il en donne une vague description physique et décrit son uniforme: béret rouge et une étoile sur l’épaule. Il le connaissait sous le nom de BIGUMA NDAGIJIMANA, mais il reconnaît s’être trompé.

Le témoin poursuit en disant qu’après le 7 avril on a commencé à tuer les Tutsi. Il a assisté à la mort d’un jeune homme, tué dans le champ d’avocatiers de la gendarmerie. Le lendemain, l’accusé est allé arrêter le bourgmestre de NTYAZO. Au volant, il y avait Paul NIYONZIMA. NYAGASAZA a été tué par l’accusé, en contre-bas de la maison de NTASHAMAJE Antoine, là où, la veille, ils avaient tué RUGEMA, sa femme et ses enfants, ainsi que AMON. Un maçon, Pierre NTEZIMANA, a aussi été tué, fusillé par les gendarmes. Ce sont des enfants qui le lui ont dit.

Monsieur le président va alors mettre le témoin en face de ses nombreuses contradictions, si bien qu’il va lui demander s’il a des problèmes de mémoire.

Parti avec d’autres à RUSATIRA, il y retrouve de nombreux réfugiés avec leurs vaches. BIGUMA est arrivé avec son chef et ils leur ont tiré dessus. Plus tard, ils l’ont frappé et jeté dans un trou. Plus de 80 corps avaient été jetés sur lui. Ils tueront aussi son épouse enceinte, mais le témoin se perd et a du mal à préciser les circonstances dans lesquelles tout cela s’est passé.

Monsieur RUBAGUMYA est un des témoins que le CPCR avait entendu lors du dépôt de la plainte.

Aujourd’hui, il vit avec une « pension » du FARG, un Fond d’aide aux rescapés du génocide. Avec les 12 000 francs mensuels qu’il reçoit, il peut aller se faire soigner à KIGALI. Il a un problème de vue. Lorsque la planche photographique lui a été présentée, il a bien reconnu monsieur BIGUMA sur la photo numéro 4.

Monsieur le président demande au témoin de regarder l’accusé. Manifestement, il ne voit pas bien, s’approche, regarde attentivement et tend un bras vers l’accusé. Il le regarde assez longuement et dans un murmure: « C’est lui! »

Madame AÏT AMOU, pour le ministère public, rappelle au témoin qu’il a témoigné devant la CNLG et qu’à cette occasion il avait déjà nommé l’accusé NDAGIJIMANA. Il a témoigné aussi contre BIGUMA et Pascal BARAHIRA dans la Gacaca de RWESERO.

La défense va poser à son tour quelques questions, mais monsieur le président fait remarquer à l’avocate que certaines réponses ont déjà été données: inutile donc de faire répéter au témoin ce qu’il a déjà dit. Comme le témoin ne répond pas comment elle le souhaiterait, elle s’interroge aussi sur le fait de savoir s’il n’aurait pas des problèmes de mémoire.

Audition du général Jean VARRET, cité selon le pouvoir discrétionnaire du président.

Convoqué par monsieur le président tout récemment, le général Jean VARRET se présente à la barre.  « Vous avez une longue carrière, vous connaissez le contexte. Nous jugeons le génocide rwandais! (NDR. Je pense qu’il s’agit là d’un raccourci maladroit. C’est monsieur BIGUMA qui est jugé dans le cadre du génocide des TUTSI du Rwanda.) »

Le témoin décline ses responsabilités au début des années 90. Il a été désigné comme chef de la coopération militaire, responsabilité qui couvre 26 pays. Son attention est attirée sur le Rwanda. Sous ses ordres, le colonel GALINIÉ qui le tient régulièrement au courant de la situation. Son premier voyage au Rwanda en 1990 confirme ses craintes: ce sont les extrémistes du Nord qui sont au pouvoir, les BAKIGA, autour de madame Agathe HABYARIMANA.

Ayant demandé une rencontre avec les gendarmes rwandais, il entend le colonel Pierre-Célestin RWAGAFILITA réclamer des armes lourdes. A la fin de la réunion, RWAGAFILITA demande au général VARRET un entretien en tête à tête et renouvelle sa demande: « Ces armes nous aideront à résoudre le problème: les Tutsi. » Il souhaite donc l’extermination des Tutsi.

Le général s’en ouvre à l’ambassadeur qui lui obtient un rendez-vous avec le président HABYARIMANA. Ce dernier va manifester sa colère: « Il vous a dit ça, ce con, je le vire. » Il faudra attendre deux ans pour que la décision soit prise de l’écarter.

Mais ce qui amène le général VARRET à la barre, ce sont les propos que le colonel ROBARDEY aurait tenus à l’égard du témoin. Il aurait affirmé que le général VARRET est un « menteur », que cet épisode-là ne peut pas avoir existé. Mis au courant du témoignage du colonel NDINDILYIMANA qui rapportait la réaction de Michel ROBARDEY, le général VARRET a voulu en avoir le cœur net. Dans un fax qu’il lui adresse,  et que le général est autorisé à communiquer à la cour, le colonel ROBARDEY écrit:  «  J’ai toujours indiqué que je n’ai pas assisté à l’entretien, que connaissant RWAGAFILITA, ses paroles sont plausibles et qu’il n’a pas été question de cet entretien lors du procès de Pascal SIMBIKANGWA. »

Maître Jean SIMON demande au témoin si la gendarmerie rwandaise possédait des mortiers et des hélicoptères. A sa connaissance, non, mais l’armée rwandaise oui, les hélicoptères ayant été fournis par la France.

Pourquoi le président HABYARIMANA était-il furieux? Deux hypothèses: soit il était furieux que RWAGAFILITA ait dévoilé cette intention de déclencher un génocide, soit tout simplement furieux contre son chef d’État major de la gendarmerie pour avoir osé proférer de telles menaces. On ne le saura jamais.

Maître BERNARDINI, se référant au livre de Raphaël DORIDANT et François Graner, rappelle que le général VARRET était considéré comme un « obstacle ». Le COS sera alors confié au général LANXADE, ce qui privera le général VARRET du contrôle des parachutistes.

Le témoin d’ajouter: «  J’ai été progressivement mis sur la touche. » Il n’était plus obéi par une partie des militaires français.

Le commandant Quesnot, chef d’État major de François MITTERRAND finira par reconnaître que les mises en garde du général VARRET étaient « crédibles » et regrette qu’on n’en ait pas tenu compte.

D’évoquer ensuite le fameux « complexe de FACHODA », cette doctrine militaire de la France qui finira par l’engager auprès d’un régime génocidaire (conflit entre l’influence anglo-saxonne et celle de la France). La France avait peur, avec l’attaque du FPR soutenu par l’Ouganda, de perdre son pré carré.

La défense voudrait faire dire au témoin que c’est le FPR qui a exterminé les « Hutu modérés » (NDROn parle plutôt des Hutu de l’opposition) alors que c’est la Garde présidentielle qui, dès le 7 avril au matin, exterminera un nombre important de Hutu opposés au président HABYARIMANA.

RWAGAFILITA avait bien dit qu’il voulait exterminer les Tutsi et non les soldats du FPR, précise le témoin. L’entretien qu’il a eu avec RWAGAFILITA était bien un « tête à tête ». (Fin). 

Compte rendu réalisé par le CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda). Les auteurs : Margaux Gicquel, stagiaire au CPCR, Alain Gauthier, président du CPCR, Jacques Bigot pour les notes et la mise en page.