Procès pour génocide de Rwamucyo à Paris – 6ème jour

Le procès à l’encontre du Docteur Eugène RWAMUCYO a débuté ce mardi 8 octobre à 9h30 par l’audition du général Jean-Philippe Reiland, chef de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH). Dans sa déclaration, le témoin a présenté l’OCLCH, son rôle, sa mission, son organisation ainsi que son cadre juridique. Il a ensuite exposé des informations sur l’affaire RWAMUCYO et a résumé certains témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête. Le témoin n’a pas travaillé sur cette affaire, néanmoins il a pris connaissance des archives de l’OCLCH afin de pouvoir répondre à cette audition.

Interrogé par le ministère public sur la méthode d’enquête de l’OCLCH relative aux témoignages, le général REILAND précise que lors des auditions, seules les personnes du service de l’OCLCH, l’interprète et le témoin sont présentes, avec la spécificité qu’en cas d’audition en détention, un gardien reste à attendre de l’autre côté de la porte. Il ajoute qu’en cas de contradiction, les témoins peuvent être entendus de nouveau ou confrontés. En outre, le témoin a fourni un document comprenant des photographies et des plans du Centre universitaire de santé publique de Butare (CUSP) qui ont été analysés durant l’audition avec l’accusé. De manière générale, ce dernier a reconnu les lieux. Interrogé sur cela, l’accusé a affirmé ne pas avoir de bureau à l’Office national de la population (ONAPO) et s’y rendre seulement pour voir sa secrétaire. Il affirme en outre n’être jamais entré dans le « Palais du MRND ».

Enfin, interrogé par la défense au sujet du nombre de détenus ayant témoigné dans cette affaire, le général précise que la quantité importante de prisonniers entendus s’explique par leur implication dans les opérations d’enfouissement des cadavres, menées par les détenus eux-mêmes. De plus, il précise qu’il n’y a pas une majorité de détenus parmi les témoins entendus dans cette affaire, de nombreux autres témoignages ont également été recueillis.

La Cour a ensuite procédé à l’audition de Monsieur Alphonse KILIMOBENECYO, ancien responsable du service éditions à l’imprimerie scolaire puis nationale. Le témoin a affirmé avoir vu à l’imprimerie scolaire Eugène RWAMUCYO une fois dans son bureau. Il explique que celui-ci s’est rendu dans son bureau car le directeur de l’imprimerie, recevant du monde, ne pouvait pas l’accueillir. Il déclare avoir vu Eugène RWAMUCYO, installé dans son bureau, « rédiger et corriger » les publications du journal Kangura. L’audition du témoin a dû s’écourter en raison de l’état de santé de ce dernier. Après cette audition, Monsieur Eugène RWAMUCYO a pu réagir aux propos tenus par le témoin. Ce dernier reconnaît être allé une fois dans le bureau de Monsieur Alphonse KILIMOBENECYO. Il explique être allé dans le bureau afin de trouver un imprimeur pour son protocole de recherche.  Le Président de la Cour précise que cette raison n’a jamais été mentionnée auparavant.

La journée s’est ensuite poursuivie par l’audition du témoin, Monsieur Hervé Deguine, ancien Secrétaire Général adjoint, chargé de l’Afrique pour Reporters sans frontières. Monsieur DEGUINE, qui s’est rendu à plusieurs reprises sur le territoire rwandais avant et après le génocide, affirme que, selon lui, « le Rwanda et l’un des pays les plus compliqués à comprendre ». Il souligne qu’actuellement le gouvernement de Paul Kagame est une dictature, ce dernier ayant été réélu à plus de « 99% » des voix. A cet égard, il affirme que, dans tout autre pays, cela aurait été considéré comme une dictature. Il ajoute que reconnaître cette situation n’est pas nier le génocide. Selon lui, cette dictature a des conséquences sur la liberté d’expression des rwandais, il exprime que « la parole n’est pas libre ». Après avoir exposé trois exemples, il met en garde contre les risques de témoignages mensongers. Après avoir été interrogé en ce sens par le Président de la Cour, le témoin déclare ne pas voir « d’universitaires reconnus » au Rwanda qui ont pu avoir une influence importante dans l’élaboration d’éléments favorisant le génocide. Le témoin va souligner en outre, qu’il fait une distinction entre intellectuels et personnes éduquées, et qu’au sens classique du terme, un médecin ne serait pas un intellectuel. Monsieur le Président a ensuite interrogé le témoin sur « la culture de la dissimulation » des rwandais que celui-ci a mentionnée au cours de sa déclaration. Monsieur DEGUINE précise alors que « tous les rwandais ne sont pas dissimulateurs ». Il précise par la suite que cela est « un trait particulier », et non caractéristique, qu’il a pu constater au Rwanda. Lors de son audition, le témoin a souligné aussi un désaccord entre Reporters sans frontières et Monsieur CHRETIEN et son équipe, qui a mené à l’arrêt de leur collaboration. Après avoir été interrogé en ce sens par la défense, le témoin précise que le désaccord portait notamment sur le refus des auteurs à critiquer le gouvernement national et sur l’absence de chapitre sur les médias du FPR dans le livre en question.  Après quelques questions de la défense sur la visite de camps de « réfugiés » en 1993, l’audition s’est achevée. (Fin).

 Par Ella Grappin, Stagiaire Commission Justice Ibuka France