« Bonjour les enfants, est-ce que vous portez bien ? », demandent les visiteurs.- « Oui, nous allons bien », répondent-ils en cœur, visiblement égayés.
Musomayire demande à la responsable de la salle si les enfants ont tous bien mangé. La réponse est positive.
Puis elle débute son commentaire sur l’état de santé de ces enfants dont certains ont nettement bonne mine, alors que d’autres ont encore les joues et les membres gonflés. Ils sont arrivés dans le centre nutritionnel avec un état de santé présentant une malnutrition grave, avec des oedèmes sur le corps.
Et ils ont été hospitalisés parce qu’atteints de kwashiorkor, une maladie trop fréquente dans l’Est. Leur garde est assurée par le centre, car les parents sont rentrés.
C’est sous la direction des Sœurs du Sacré Cœur de Jésus et de Marie qui gèrent le Centre de Santé de Rukara dans le district de Kayonza qu’il été créé dans cet hôpital un centre nutritionnel où sont accueillis chaque mois une vingtaine d’enfants souffrant de malnutrition grave ou kwashiorkor.
« Les quinze enfants hospitalisés dans notre centre ont entre 3 à 10 ans. Ils proviennent de Murambi et des autres coins avoisinant le parc de l’Akagera à l’Est. Ils passeront deux à trois mois au centre avant de recouvrer leur santé et de rentrer chez eux », informe Musomayire.
Elle répond ainsi aux journalistes de Pomean /Rwanda en déplacement à l’Est. Le réseau Pomean(Population Medias Advocacy Network) comprend des journalistes qui font le plaidoyer sur les questions de population.
Il oeuvre en partenariat avec l’agence onusienne de la population UNFPA, le Ministère de la Santé et celui des Finances et Planification.
Musomayire attribue la cause de la malnutrition grave visible à Rukara à l’ignorance des parents qui viennent de s’installer fraîchement dans les environs comme Rwensheke et Kawangire.
« Il y trop de naissances non espacées. Les parents s’occupent du nouveau nourrisson et négligent l’enfant sevré avant terme », explique-t-elle.
Très peu de parents dans la région ont moins de six enfants, ce qui est une moyenne nationale par couple ces derniers temps. La majorité des familles ont entre 7, 8 enfants et même 12 à 15 enfants.
« Mais le danger est que surtout les mariages sont illégaux et précoces. Beaucoup de jeunes filles se marient juste après l’école primaire, avant 20 ans, sans avoir atteint l’âge officiel autorisé de 22 ans », poursuit-elle.
Pour d’autres cas qui sont les fréquents, les jeunes filles en fin de l’enseignement primaire tombent enceintes alors qu’elles n’ont pas de maris. Elles attrapent souvent une deuxième grossesse dans des conditions précaires.
Le service de maternité du centre de Rukara, selon Musomayire, a enregistré ces trois derniers mois une moyenne de 4 à 5 naissances chez des jeunes filles de moins de vingt ans. La cause réelle de ces grossesses non désirées est l’ignorance, surtout que ces jeunes ne recourent pas aux méthodes modernes de planification familiale.
Le centre de santé de Rukara appartient à une congrégation espagnole, et ne se livre pas à la sensibilisation aux méthodes modernes de planification familiale. Elle ne prône que la méthode naturelle, toujours en conformité avec les préceptes de l’Eglise.
« Nous envoyons la population suivre les méthodes modernes de planification chez des services indiqués », fait remarquer la titulaire adjointe du centre de santé, qui relève une tendance à la diminution des infections du VIH/Sida au sein de la population bénéficiant des soins du centre.
« Nous n’enregistrons pas beaucoup de nouveaux cas d’infection au VIH/Sida ces derniers temps », dit-elle.
Le centre compte 30 enfants séropositifs sous le régime des ARV, ainsi que 205 adultes dont 129 hommes et 76 femmes sur une population totale de 25 639 habitants. Dans l’ensemble, les ARV ont renforcé la santé des patients.
Certains parmi ces malades rejettent le traitement, en prétendant que le Christ les a guéris. Dans ce cas, le personnel de santé effectue un déplacement à leur domicile et les ramène dans la bonne voie. Mais des irréductibles finissent par décéder malheureusement.
L’on doit noter que le Ministère de la Santé a donné du lait thérapeutique au centre de santé pour les enfants malnutris hospitalisés. Les enfants gravement sous-alimentés arrivent au centre et prennent ce lait sans aliments.
« Ils parviennent à uriner et à avoir la diarrhée. Ensuite, ils sont soumis au régime alimentaire. Et leur santé est bonne après 2 à 3 mois ».
Quand ils rentrent chez eux, le centre de santé continue de dispenser des conseils et de faire le suivi pour éviter des rechutes. Car, effectivement, certains enfants retombent malades. Les cas d’une malnutrition trop avancée qui arrivent au centre de santé se soldent par des décès.
Au niveau national, les enfants mal nourris atteignent 45 %. Tandis que la malnutrition grave est estimée à 25 %.
Les maladies les plus fréquentes à Rukara sont le paludisme, les infections respiratoires chez les enfants, les diarrhées, et la kwashiorkor qui fait gonfler le corps. Le centre de santé dispose d’un site sentinelle du projet national de lutte contre le paludisme (PNLP) et qui distribue presque dans chaque famille une moustiquaire imprégnée.
« Le problème est que ces familles ne l’utilise pas correctement », s’inquiète la Soeur Musomayire, en regrettant l’absence de pulvérisation intradomicilliaire dans la zone.
La capacité d’accueil du centre de santé est de 61 lits. Au moment du passage des journalistes, 52 patients y étaient internés.
Côté personnel, un docteur affecté au service de dépistage volontaire (VCT) est payé par la congrégation qui attribue aussi des salaires à d’autres infirmiers, même si d’autres perçoivent leur salaire par les soins du gouvernement rwandais.
Selon Murebwayire, ce médecin devrait être pris en charge par le gouvernement. A l’avenir, les Sœurs sont inquiètes que certains services peuvent s’arrêter si le gouvernement ne prend pas en charge aussi le payement des salaires de tout le personnel du centre.
Un centre qui devrait être doté d’une ambulance. Car, celui de l’hôpital de district de Gahini n’est pas souvent disponible.
Le centre nutritionnel a besoin d’être renforcé suite à de nombreux cas de kwashiorkor dans la zone. La natalité élevée dans la région freine le processus national de croissance.
« Elle exige une sensibilisation accrue même si l’Eglise n’est pas partisane des méthodes modernes de planification familiale », confie la titulaire adjointe du centre. (Fin).