« Les juges doivent être indépendants et impartiaux. Notre constitution dans ses articles 140 et 142 a prévu l’indépendance des juges » Explique Jean Baptiste BANDORA, juge au tribunal de grande instance de Huye qui ajoute par ailleurs que les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Selon BANDORA, les juges doivent éviter toute forme d’influence et de pression extérieures pour gagner la confiance des justiciables.
A cette indépendance et cette impartialité s’ajoute le droit de défense. Le droit de défense comprend avant tout, le droit pour l’accusé de prendre connaissance des allégations qui sont portées contre lui afin de lui permettre de bien préparer sa défense. Selon Yves SEZIRAHIGA, professeur de la faculté de Droit à l’université Nationale du Rwanda, personne ne devrait être jugé en son absence (jugement par défaut) sauf dans les cas expressément prévus par la loi. Certains principes généraux du droit comme la présomption d’innocence et le droit au silence doivent aussi être respectés : « L’accusé a le droit de garder le silence, son refus de parler ne doit pas être interprété comme un aveu de culpabilité. En justice qui ne dit mot ne consent pas. », Explique le professeur de Droit, Yves SEZIRAHIGA.
Tous les justiciables ne sont pas en mesure de présenter eux-mêmes leur défense voire même affronter leurs adversaires. Ils ont droit à un avocat ou un défenseur judiciaire de leur choix. L’Avocat Maître John MULISA explique : « Le droit d’être représenté et assisté en justice est garanti par notre constitution. Lorsqu’il n’a pas été respecté on ne peut pas parler de procès équitable. »
Le droit d’être représenté en justice ne se limite pas uniquement en audience devant le juge, il doit être respecté avant, pendant et même après le procès. Ceci veut dire que même lors de la phase d’enquête préliminaire conduite pas la police judiciaire, l’accusé a le droit d’être représenté et assisté. Il en est de même après le procès, lors de l’exécution du jugement.
Il est très difficile voire même impossible de garantir un procès équitable, lorsque le principe du contradictoire n’a pas été respecté comme le prévoit la loi rwandaise de la procédure civile, commerciale, sociale et administrative (CPCCSA) dans son article 59 qui stipule que les débats à l’audience doivent être contradictoires. « Le juge doit accorder aux parties l’occasion de répliquer aux preuves, aux moyens et aux conclusions de la partie adverse » explique le juge BANDORA.
Un autre principe qui garantit un procès équitable c’est la publicité des débats qui est prévue par l’art 60 de la PCCSA. Cet article prévoit que les audiences sont publiques, à moins que la juridiction de jugement ne décide le huis clos d’office ou à la demande de l’une des parties pour sauvegarder l’ordre public, les bonnes moeurs ou l’intimité de la vie privée. Dans ce cas, la juridiction prononce le huis clos par décision motivée.
Selon le Procureur près du parquet de grande instance de Huye, AFRIKA Frederik, la justice est rendue au nom du peuple, il n’y a rien à cacher. « Donner un libre accès aux audiences à toute personne qui le souhaite est un signe de transparence. Ca sert d’ailleurs en quelque sorte à éveiller l’esprit du juge en le rappelant son devoir de rendre justice équitablement ».
Nous avons évoqué ci-haut le respect de la présomption d’innocence comme l’un des principes généraux du droit qu’il faut respecter si l’on veut garantir un procès équitable. En effet, il n’y a pas que ce principe. Un certain nombre de principe tel que l’interdiction de juger deux fois une même personne sur les faits qui ont déjà fait l’objet d’une condamnation antérieure ou sur lesquels il a été acquitté, le principe du doute qui profite au prévenu, la charge de la preuve qui incombe principalement à la partie demanderesse, etc.
Les juges sont aussi tenus de motiver leurs jugements. L’article 147 du CPCCSA stipule que tout jugement, dans tous les cas et à peine de nullité, est prononcé en audience publique. Il est motivé en fait et en droit. Il doit justifier du motif de refus d’une preuve offerte et de la valeur qu’il attribue aux différents modes de preuve. Il doit aussi indiquer toutes les dispositions de la loi dont il a été fait application.
La controverse sur le délai raisonnable
« Celui qui traîne à rendre justice est semblable à celui qui ne veut pas du tout rendre justice » affirme l’avocat Maître John MULISA qui ajoute que le droit rwandais est clair sur la question du délai raisonnable. Le procureur AFRICA Frederik partage aussi cet avis. « Le parquet dispose de 7 jours pour transmettre le dossier de l’accusé au juge qui doit décider si le prévenus peut être mis en détention préventive ou non. Cependant, en cas de flagrant délit, le dossier doit être transmis au juge en 48 heures » précise AFRICA Frederik. Du coté des juges, un dossier ne devrait pas passer plus de 6 mois dans un tribunal. C’est ce que révèle le juge BANDORA qui ajoute par ailleurs que souvent les procès peuvent aussi traîner à cause des justiciables qui ne font pas des suivis réguliers de leurs dossiers.
La notion de délai raisonnable est loin d’être absolue et uniforme car elle dépend d’un pays à l’autre, d’un système judiciaire à l’autre, mais une chose est certaine : Le délai raisonnable est l’un des caractéristiques fondamentales d’un procès équitable.
Signalons en terminant le présent article que même si le TPIR refuse toujours de transmettre au Rwanda certains des dossiers des accusés du Génocide Tutsi de 1994 (en invoquant l’absence au Rwanda d’une justice pouvant garantir un procès équitable), C’est dans ses tiroirs que l’on trouve les dossiers du plus long procès de la justice pénale internationale (Le procès « BUTARE » qui a duré plus de 7 ans). Mais pourquoi au TPIR les procès traînent ? Nous tenterons de trouver une réponse à cette question dans les prochains numéros.