Les évêques catholiques membres de la CENCO
Le scrutin du 20 décembre a été un “chaos”, caractérisé, «en général, par la fraude, la corruption à grande échelle, le vandalisme de matériel électoral, l’incitation à la violence, la détention illégale des DEV, l’achat de conscience, l’intolérance, l’impudicité, l’atteinte aux droits humains, à la vie humaine et à la dignité des personnes, allant jusqu’à humilier publiquement la femme».
C’est le constat que font les prélats catholiques membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) du récent processus électoral en RDC dans un message intitulé “Celui qui se livre à la fraude n’habitera pas dans ma maison”, tiré du livre de Psaume 101 verset 7.
Après les élections générales du 20 décembre 2023 et à la veille de l’investiture du président réélu Felix Tshisekedi, prévue ce samedi 20 janvier, la Cenco a livré son évaluation de ce processus électoral.
Les évêques disent avoir suivi avec tristesse le déroulement des opérations électorales, à deux niveaux. Directement, à partir de leurs diocèses qui couvrent l’ensemble du territoire de la République Démocratique du Congo (RDC) et indirectement à partir de la Mission d’Observation Électorale conjointe de la Conférence épiscopale nationale du Congo et de l’Eglise du Christ au Congo (MOE CENCO-ECC).
Dans cette déclaration, les évêques catholiques ont noté que le peuple congolais est aujourd’hui “désillusionné et traumatisé” par la façon dont ce processus a été organisé et par les conditions de son déroulement à bien d’endroits.
Cela dénote “un manque de considération à son égard» et «nous ne pouvons taire ce que nous avons vu et entendu”, disent les évêques congolais.
Des élections organisées par défi
L’Église catholique pense que le chaos enregistré lors de cette 4ème édition des élections relève en partie de “l’obstination” de la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante) qui, au regard des contraintes dont elle était pourtant consciente, a organisé les élections par défi.
“Notre attention porte particulièrement sur la suite à donner aux irrégularités et incidents dont l’ampleur et l’étendue font des élections du 20 décembre 2023 une catastrophe électorale, comme attesté aussi par d’autres Missions d’Observation…Ces élections ont été caractérisées, en général, par la fraude, la corruption à grande échelle, le vandalisme de matériel électoral, l’incitation à la violence, la détention illégale des DEV, l’achat des consciences, l’intolérance, l’impudicité, l’atteinte aux droits humains, à la vie humaine et à la dignité des personnes allant jusqu’à humilier publiquement la femme”, dénoncent les prélats catholiques.
Des votes parallèles, des machines à voter retrouvées chez des particuliers
La CENCO dit avoir découvert un nombre impressionnant de votes parallèles avec les machines à voter trouvées chez des particuliers. Elle redoute un plan qui était alors organisé par le pouvoir en place.
La Cenco s’étonne aussi de la facilité avec laquelle les dispositifs électroniques de vote (DEV) – machines à voter – et les rouleaux des bulletins de vote se sont retrouvés entre les mains des particuliers.
Ainsi, écrit-elle, “la CENI devrait s’interroger sur son rôle dans cet imbroglio, car c’est elle qui a le contrôle exclusif de toutes les machines et elle ne s’est jamais plainte d’un vol quelconque de son matériel”.
Opacité planifiée, des bureaux de vote dupliqués, 2.400 000 électeurs fictifs
Après avoir refusé la proposition de mettre en place une commission mixte et indépendante pour des enquêtes, regrette la CENCO, la CENI s’est positionnée comme juge et partie en invalidant 82 candidats, tout en annonçant des cas ultérieurs d’invalidation.
Cette opacité semble une suite logique d’autres cas observés antérieurement, déclare l’organe de l’Eglise catholique, qui cite des cas des kits d’enrôlement retrouvés chez des particuliers, des centres d’inscription fictifs, le refus d’un audit indépendant du fichier électoral, ect.
Dans toutes ces situations, note le message, la CENI n’a ni fourni des explications, ni clarifié les choses, ni accepté un cadre de concertations. A ces irrégularités s’ajoutent celles de la publication de la cartographie des Bureaux de Vote (BV).
Après analyse, indique la Cenco, “la MOE CENCO-ECC a pu détecter des anomalies, dont l’existence de 3 706 BV dupliqués 2 voire 3 fois, avec comme conséquence l’augmentation du nombre d’électeurs de l’ordre de 2 400 000″.
La publication définitive de la cartographie des BV dans un format non téléchargeable ne détermine pas leur précision et fait penser à une opacité planifiée, estiment les évêques.
Ces nombreuses irrégularités, incidents et la fraude déclarée “ont sérieusement affecté les élections et entamé la confiance des électeurs. Dès lors, il se pose la question de la perception que le Peuple congolais aura du prochain Parlement”.
Au regard des résultats provisoires des législatives nationales, les évêques constatent qu’au stade actuel, il n’y a que plus ou moins 6% de Députés issus de l’opposition.
“Dieu seul sait comment on y est arrivé”, commentent les prélats qui craignent “un grand risque de rentrer au monopartisme, ce qui serait un grand recul de notre démocratie naissante”.
“L’indépendance de celle-ci [CENI Ndlr] devra être bien clarifiée par rapport aux lois nationales qui régissent notre pays et aux attentes légitimes du Peuple congolais”, insistent les prélats catholiques.
L’église catholique propose l’ouverture des poursuites à l’égard des membres, cadres et agents de la CENI qui ont été complices dans la fraude électorale.
“Il ne serait pas normal que les personnes qui ont hypothéqué l’avenir de toute une Nation se trouvent encore dans la direction de cette haute institution d’appui à la démocratie”, dénonce l’Église catholique.
Ces prélats catholiques ont également plaidé pour la mise en œuvre d’un mécanisme politique pour renforcer la cohésion nationale à l’issue de ce processus électoral.
Ils ont une fois de plus recommandé aux cours et tribunaux, de se saisir d’office de toutes les dénonciations pour invalider les fraudeurs connus ayant été proclamés provisoirement comme élus, de traiter les dossiers relatifs aux recours et contentieux électoraux sans complaisance, d’être au service de la justice et non des individus.
Après avoir passé en revue les irrégularités ayant émaillé les élections, les évêques catholiques affirment : “Notre pays est en danger, aucune nation ne peut se construire dans le mépris des valeurs morales”.
Dans la foulée, les prélats catholiques exigent l’organisation urgente et dans le meilleur délai, des élections dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Kwamouth qui n’ont pas voté à cause de l’insécurité. (Fin)