RDC: l’accès humanitaire est sévèrement limité sur plusieurs axes des Kivu, alerte l’ONU

À Goma, dans l’est de la RDC, les habitants fuient l’avancée des groupes armés. © WFP/Moses Sawasawa

Alors qu’une « accalmie précaire » est légèrement observée après deux jours d’intenses combats dans la ville de Goma, de nombreuses agences d’aide se sont alarmées de la détérioration de la situation humanitaire en République démocratique du Congo où l’accès humanitaire est « sévèrement limité sur plusieurs axes » du Sud-Kivu et Nord-Kivu.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), l’aéroport de Goma demeure fermé depuis le 26 janvier, et la plupart des voies d’accès à la ville de Goma, y compris la RN2, sont coupées. La frontière au niveau de la Grande Barrière avec la ville de Gisenyi est désormais inaccessible depuis le matin du 28 janvier.

Les Nations Unies continuent d’appeler à l’établissement de corridors humanitaires, à la réouverture de l’aéroport de Goma et des points de passage frontaliers, pour permettre les mouvements de populations volontaires, cherchant à trouver refuge dans des lieux à l’abris des conflits. « En raison des combats, les activités humanitaires sont sévèrement limitées. Seules les interventions liées à la santé et à l’eau, l’hygiène et l’assainissement se poursuivent », fait remarquer l’OCHA.

 Négociations pour l’établissement d’un corridor humanitaire au Sud Kivu

Au Sud Kivu les voies d’accès de Minova sont bloquées depuis le 18 janvier 2025. L’insécurité sur les différentes lignes de front impactent ainsi les axes Minova-Bunyakiri, Kalehe-Idjwi, et Minova-Kalehe-Bukavu.

« Une vingtaine de partenaires humanitaires, basés à Minova, se tiennent prêts à reprendre leurs opérations dès que la situation le permettra. Des négociations sont en cours pour l’établissement d’un corridor humanitaire qui assurerait l’acheminement de l’assistance d’urgence », note l’OCHA dans son dernier rapport de situation.

Les rebelles du M23 resserrent leur emprise sur Goma. La prise de cette plus grande ville de l’est de la RDC est un nouveau chapitre de la grave escalade qui dure depuis des années et qui a fait des centaines de morts et des millions de déplacés.

À Kinshasa, capitale de la RDC, des manifestants dénonçant l’inaction de la communauté internationale ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles de la Belgique, de la France, du Kenya, de l’Afrique du Sud, des États-Unis et de l’Ouganda.

Sur le terrain, plus de la moitié des populations des sites de déplacés de Kanyaruchinya, Bushagara, Rusayo 1 et Rusayo 2 ont quitté ces zones. Certains déplacés se sont dirigés vers Goma ou d’autres localités voisines, d’autres ont trouvé refuge auprès des communautés hôtes, dans des écoles et autres infrastructures collectives.

L’évacuation médicale devient un défi

Au Sud Kivu, les acteurs humanitaires ont estimé que près de 20.000 ménages, soit plus de 117.000 personnes, ont été nouvellement accueillies dans la zone de santé de Kalehe en territoire de Kalehe entre le 20 et 27 janvier.

S’agissant du sort des blessés, les structures de santé sont saturées et s’organisent pour prendre en charge les blessés graves, malgré les coupures d’électricité et d’eau à Goma. « L’évacuation médicale devient un défi, dans un contexte de violence persistante, les ambulances étant prises pour cibles ».

Au 28 janvier, le Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR) a enregistré plus de 256 blessés à l’hôpital de Ndosho. Le CICR indique avoir pris en charge plus de 600 blessés depuis le début du mois de janvier, dont près d’une moitié de civils. Parmi eux se trouvaient des femmes et des enfants en grand nombre.

Dans le même temps, l’ONG Médecins Sans Frontières a annoncé avoir reçu une soixantaine de blessés à l’hôpital de Kyeshero dans la ville de Goma.

L’OMS a fourni plus de 25 tonnes de médicaments et de matériels

Au Sud-Kivu, « le nombre de blessés excède les capacités des hôpitaux et des centres de santé de Kalehe et Minova. Les cas les plus graves ont été référés à l’Hôpital Général de Référence de Bukavu. Près de 400 blessés par balles ont ainsi été pris en charge par Médecins Sans Frontières (MSF) au cours des trois dernières semaines à Minova, Numbi et Masisi.

Selon les agences humanitaires, cette situation résulte de l’utilisation de l’artillerie dans des zones densément peuplées – notamment dans les grands centres urbains comme la ville de Goma ou les camps de déplacés –, ainsi que de l’intensité de combats dévastateurs pour les populations prises au piège.

« Avec l’afflux de blessés de ces combat de ces derniers jours, bien sûr que les hôpitaux qui étaient déjà au maximum de leur capacité sont maintenant débordées, c’est une vérité », a déclaré dans un entretien à ONU Info, Boureima Hama Sambo, Représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en RDC, relevant que son agence a fourni le week-end dernier, plus de 25 tonnes de médicaments et de matériels ainsi que plus de 25 tentes pour supporter les districts sanitaires.

L’OMS rassure sur le spectre de dissémination d’Ebola depuis un laboratoire de Goma

Alors que le Comité international de la Croix-Rouge s’est dit «très préoccupé» mardi d’un risque de fuite du virus d’Ebola du laboratoire de Goma, l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU rassure sur la situation de l’Institut national de recherche biomédicale de Goma.

Si ce labo conserve des échantillons, l’OMS souligne que ces germes fortement pathogènes et à potentiel épidémique sont très bien conservés. Pour l’OMS, il n’y a pas d’inquiétude puisque le laboratoire de Goma est tenu dans des conditions qui répondent aux critères de vigilance et de rigueur internationale.

« Nous étions à Goma seulement la semaine passée. Nous avons visité le laboratoire dont les échantillons sont conservés selon les normes internationales. Là-dessus, il n’y a pas d’inquiétude puisque le laboratoire de Goma est tenu vraiment dans des conditions qui répondent aux critères de vigilance et de rigueur internationale », a ajouté le Dr Sambo.

Le traçage des cas de mpox

Plus largement, l’OMS se préoccupe de la détérioration de la situation humanitaire dans les Kivu, qui étaient déjà « une urgence sanitaire aiguë ». Pour le Dr. Sambo, l’accentuation des affrontements est venue aggraver une situation qui était déjà très précaire dans une région où sévissent des maladies comme le Mpox, le choléra et la rougeole.

D’autant qu’avec la situation actuelle, l’OMS redoute que des malades Mpox qui étaient en isolation dans les sites de déplacés, puissent désormais se mêler à la population générale. « Donc ça va faciliter, accentuer la propagation de la maladie », a fait observer le Dr Sambo, précisant que plus de 20.000 cas suspects de variole simienne ont été signalés dans le Nord et le Sud-Kivu depuis 2024, dont plus de 6.000 au cours des six dernières semaines.

Le Nord et le Sud-Kivu ont également enregistré plus de 21.600 cas et 59 décès dus au choléra, et plus de 11.700 cas et 115 décès dus à la rougeole l’année dernière.

L’UNICEF a besoin de 22 millions de dollars

Face à la détérioration rapide de la situation humanitaire dans l’est de la RDC, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a lancé un appel de 22 millions de dollars pour apporter une aide d’urgence à 282.000 enfants.

Cet argent permettra d’apporter une aide en matière de protection, de santé, de nutrition, d’eau et d’assainissement, ainsi que d’éducation.

« Les populations civiles, épuisées par les événements traumatisants, souffrent de la faim, de la soif et sont épuisées. Les familles privées d’accès à l’eau, à l’électricité et à Internet, se réfugient où elles le peuvent pour échapper aux violences », a déclaré Jean Francois Basse, Représentant par intérim de l’UNICEF en RDC.

Les principaux risques pour les enfants sont actuellement liés à la santé et à la protection. Les conditions de vie précaires dans les camps, caractérisées par la promiscuité et l’insalubrité, exposent les enfants à un risque élevé de maladies telles que le choléra, la rougeole et la mpox. Par crainte des affrontements et en raison de la saturation des structures de santé, de nombreux parents hésitent à emmener leurs enfants à l’hôpital

L’UNICEF a reçu des rapports signalant une hausse alarmante du nombre d’enfants séparés de leur famille ou non accompagnés, les exposant à un risque accru d’enlèvement, de recrutement forcé et de violences sexuelles. (Fin)

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