Une patiente dans un centre de santé à Butembo, dans l’est de la RDC, se fait prendre la température dans le cadre des efforts pour éviter la propagation d’Ebola.
Kigali: Alors que le virus Ebola semblait marquer le pas ces derniers jours, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est inquiétée des incidents de sécurité notés cette semaine en République démocratique du Congo (RDC). Des incidents qui sont attribués aux groupes armés, dans plusieurs zones incluses dans la réponse, notamment à Beni, Oicha et Kyondo.
L’OMS entend ainsi mettre en garde sur les conséquences d’un tel regain d’insécurité qui pourrait empêcher les équipes de riposte de mettre un terme à l’épidémie d’Ebola.
« Nous voulons simplement exprimer à quel point nous sommes alarmés par le fait que le manque d’accès et de sécurité nous empêche maintenant de mettre un terme à cette épidémie », a déclaré le Dr Michael Ryan, Directeur des programmes d’urgence de l’OMS, lors d’un point de presse à Genève.
« Ces résultats s’expliquent principalement par la poursuite des opérations militaires contre les groupes armés non étatiques et les attaques de représailles contre la population locale », a indiqué l’OMS dans son dernier bulletin daté du jeudi 21 novembre.
Et pour le Dr Ryan, il s’agit « d’une évolution très dangereuse et alarmante » dans les efforts pour mettre fin à l’épidémie d’Ebola dans l’est de la RDC ».
Sept nouveaux cas d’Ebola la semaine dernière mais plus d’incidents sécuritaires
Dr Mike Ryan, qui dirige aux côtés du Dr. Socé Fall la réponse d’Ebola de l’agence onusienne basée à Genève, a déclaré qu’il n’y a eu que sept nouveaux cas la semaine dernière.
« La diminution progressive des cas est une bonne nouvelle. Mais la mauvaise nouvelle, c’est que dans certaines zones clés, l’épidémie d’Ebola est actuellement corrélée avec la violence qui y sévit car l’insécurité empêche de suivre les contacts des personnes malades », a-t-il dit aux médias.
Une façon de rappeler que le quasi-doublement des « incidents de sécurité » met en péril les tentatives visant à mettre fin à la deuxième pire épidémie d’Ebola de l’histoire après la crise du virus en Afrique de l’Ouest.
« Malheureusement, au cours des deux dernières semaines, le nombre d’incidents de sécurité a presque doublé dans bon nombre de ces zones, y compris à Oïcha et Beni », a-t-il dit,
Bien qu’il n’y ait pas eu de rapports faisant état de violence à l’encontre des équipes de riposte, l’insécurité et les protestations connexes des communautés ont entraîné la suspension des activités d’intervention dans certaines zones sanitaires de Beni, Butembo et Oicha.
Selon l’OMS, cette violence et les perturbations de la riposte menacent d’inverser les progrès récents. « Comme on l’a vu précédemment au cours de cette éclosion, de telles perturbations limitent les efforts de recherche et de surveillance des contacts et entraînent souvent une augmentation de la transmission », a fait valoir l’OMS.
Les événements récents en matière de sécurité et la perturbation des activités d’intervention soulignent le fait que le risque de résurgence demeure très élevé, tout comme les risques de redispersion de l’épidémie, les cas se déplaçant hors des points chauds pour se faire soigner ou pour d’autres raisons.
Or sur le terrain, les organismes humanitaires ont fait des progrès ces derniers mois. Mais « si la sécurité se détériore dans la région, nous pourrions nous diriger vers une très mauvaise situation », a averti le Dr. Ryan.
De nombreux groupes rebelles sont actifs dans la région. Plus de 40 civils ont été tués au cours des deux dernières semaines, a-t-il dit. Et ce dernier regain de violence n’est pas étranger aux affrontements entre l’armée congolaise et les milices ADF, un groupe armé ougandais installé depuis 1995 dans l’est de la RDC.
La lutte compliquée contre Ebola
Depuis la déclaration de l’épidémie d’Ebola en août 2018, la réponse a été entravée à plusieurs reprises par des attaques contre des agents de santé et des cliniques d’Ebola.
Lorsque la violence a forcé la suspension des efforts d’intervention d’Ebola dans des régions comme Beni et Butembo, les responsables de la santé ont constaté un pic dans l’épidémie, a dit M. Ryan.
Dans ces conditions, les équipes d’intervention ont souvent eu recours à des escortes policières ou à des gardiens dans les cliniques, justifiant ces « choix difficiles » pour des organismes humanitaires opérant dans un environnement peu sûr.
De plus, l’OMS souligne que ces risques sont parfois atténués par les importantes activités d’intervention et de préparation menées en République démocratique du Congo et dans les pays voisins, avec l’appui d’un consortium de partenaires internationaux.
Selon l’agence onusienne, sept nouveaux cas confirmés d’Ebola ont été signalés la semaine dernière (du 13 au 19 novembre) au Nord-Kivu et en Ituri. Au cours des 21 derniers jours (du 30 octobre au 19 novembre), 28 cas confirmés ont été signalés dans quatre zones sanitaires actives des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Mais la majorité se trouve dans trois zones sanitaires dont la moitié à Mabalako avec 14 cas, Beni (29%, avec 8 cas) et Mandima (5 cas). La majorité des cas (26) sont liés à des chaînes de transmission connues.
La plus importante des deux chaînes actives de transmission comprend deux cas qui ont été « symptomatiques dans la communauté pendant une longue période, ce qui a entraîné une transmission secondaire et tertiaire ».
Le virus a déjà fait plus de 2.197 morts en RDC
Par ailleurs, les zones sanitaires de Mambasa et Butembo ont passé 21 jours sans qu’aucun nouveau cas confirmé ne soit signalé.
Dans le même temps, la zone de santé d’Oicha a signalé un nouveau cas confirmé d’Ebola après pourtant plus de 30 jours sans nouveaux cas. Selon l’OMS, il s’agit d’un décès communautaire et cette affaire avait des liens avec les zones sanitaires de Kalunguta, Mandima, Mabalako et Oicha.
Ce motocycliste s’est rendu dans trois centres de santé avant d’être identifié comme un cas possible d’Ebola. Il a été transporté dans la zone sanitaire de Beni après sa mort dans la communauté. Environ 260 personnes auraient été exposées à lui alors qu’il était très contagieux. Seulement un tiers environ a été jusque-là suivi. Face à un tel risque, une équipe multidisciplinaire a commencé à étudier cette chaîne de transmission.
« La source d’exposition n’a pas encore été identifiée ; des échantillons ont été envoyés au laboratoire de la zone sanitaire de Katwa pour séquençage afin d’appuyer l’identification du cas source », a fait valoir l’OMS dans son bulletin épidémiologique.
Tous les autres cas signalés dans les zones sanitaires de Beni et de Mabalako au cours de la semaine dernière ont été liés à des chaînes de transmission connues. « À ce stade de l’épidémie, un seul cas compte », a dit M. Ryan, ajoutant qu’un seul cas inquiétant suffit à déclencher de nouvelles chaînes de transmission. « Ça veut dire que le virus nous devancera à nouveau ».
Déclarée depuis le mois d’août 2018, l’épidémie d’Ebola a fait plus de 2.197 morts dans la partie nord de la province du Nord-Kivu et dans celle de l’Ituri. A la date du 19 novembre, 3.298 cas ont été signalés, dont 3.180 cas confirmés et 118 probables. (Fin)