By Brahim Drakuti
La sortie politique du duo Nangaa-Makenga à Bunagana, Matebe et Rutshuru-centre, le lundi 20 mai 2024, est plus qu’un message. Ces deux hautes personnalités de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) ont été aperçues dans une tournée d’inspection des projets de développement dans plusieurs localités des territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, non loin de la ville de Goma, encore contrôlée par les forces de Félix Tshisekedi. Une action d’administrateurs qui contraste avec la tenue de combat (casques militaires, gilets pare-balles et armes d’appoint), que portaient Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC et Sultani Makenga, chef du Haut commandement militaire du mouvement. Ils se sont entretenus avec la population après une photo de famille, sur une colline, avec les hauts cadres politiques du mouvement.
Alors que la presse fait état de l’acquisition par le gouvernement de Kinshasa de nouveaux équipements militaires, pour faire face à l’avancée des troupes AFC sur les axes Nyiragongo, Sake et Kalehe, le chef militaire de l’Alliance Fleuve Congo, le général-major Sultani Makenga a donc été vu aux cotés de Corneille Nangaa, coordonnateur politique du mouvement, dans une tournée d’évaluation des projets de reconstruction et de réhabilitation de certains ouvrages de développement des entités sous leur contrôle. Il s’agit des principaux chefs de la révolution en cours à l’Est de la République Démocratique du Congo, déterminés à mettre un terme au second mandat « usurpé » du Président Félix Tshisekedi, qu’ils accusent d’avoir déstructuré le pays, ses institutions et sa population. Les deux patrons de la rébellion marchaient côte à côte sans souci apparent des drones commandés par Félix Tshisekedi en vue de leur élimination physique. Les deux Congolais ont pris tout leur temps pour visiter les agglomérations des territoires libérés et inspecter les travaux de développement en cours.
Six drones suffisent-ils pour inverser le rapport de force ?
Les dernières informations recueillies attestent, en effet, que le gouvernement de Félix Tshisekedi vient d’acquérir six drones de guerre pour tenter de faire face à la percée fulgurante des forces de l’AFC et de la révolution constitutionnelle de Corneille Nangaa. Parmi les six appareils, trois seraient d’une portée exceptionnelle, un rayon d’action plus long que d’habitude. Ce qui laisserait entendre que Félix Tshisekedi continue de croire à son rêve de frapper Paul Kagame au Rwanda, alors que les précédents drones acquis dans cette intention ont été détruits avant même de quitter le sol.
En réalité, Félix Tshisekedi n’a pas su concilier son aventurisme politique avec la conduite de la guerre. Face à des militaires aguerris de la trempe de Paul Kagame, il n’aurait pas dû s’improviser provocateur. Il y a loin du batteur d’estrade au chef de guerre… Authentique chef de guerre en revanche, côté RDC, le Général-Major Sultani Makenga, guerrier à la longue carrière de rebelle, qui a tout vécu et tout traversé dans sa lutte patriotique dans les montagnes et les vallées de l’est congolais. Makenga est un dur, qui a gravi tous les grades supérieurs mais qui a également su revendiquer ses droits patriotiques. Son entourage a souvent rapporté que ses prouesses militaires sont magiques et défient l’entendement. Ce militaire est à la fois héros et stratège, il sait dire non à la mort et affronter avec discernement tactique n’importe quelle puissance de feu. C’est comme ça qu’il a forgé ses troupes et ses officiers… Jusqu’à bâtir une armée, l’Armée Révolutionnaire Congolaise (ARC).
A l’Ouest, la déconfiture sanglante de Félix Tshisekedi
Kinshasa se perd désormais en conjectures sur les menées parodiques et un brin ubuesque d’un certain Christian Malanga, doublement instrumentalisé en ce dimanche de Pentecôte par l’excès de son orgueil et par l’entourage immédiat de Félix Tshisekedi, pour mener une tentative d’assassinat ratée contre Vital Kamerhe à Kinshasa, laquelle fut rapidement déguisée en tentative de putsch contre un Palais de la Nation déserté et sans défenseur… Suivie de son élimination pour éviter qu’il ne bavarde… Le grand-guignolesque, sanglant et pathétique jeu de pouvoir que se livrent à l’Ouest de la RDC les tenants de « l’Union sacrée », on devrait plutôt dire « la sacrée désunion », laisse incrédules les observateurs du monde entier. Et Félix Tshisekedi semble lui même dépassé, incapable de ramener de la discipline dans ses troupes et de fixer une ligne politique… Qui s’imposerait à son propre frère et aux chefs militaires impliqués, comme on le découvrira un jour, dans le montage de l’équipée meurtrière, et finalement mortelle, de l’infortuné Christian Malanga…
Tout indique en effet aujourd’hui qu’il fut un jouet manipulé par des politiciens et chefs militaires sans scrupules, issus de l’entourage immédiat de Félix Tshisekedi, qui veulent limiter la politique à leur famille et le pays à leur village, en éliminant toute personnalité qui pourrait nuire à leur dessein hégémonique : hier l’assassiné Chérubin Okende, aujourd’hui le miraculeusement survivant Vital Kamerhe.
Shakespearienne et tragique, la farce qui se joue à Kinshasa laisse peu de place au doute : soit Félix Tshisekedi est complice de ces assassinats successifs, et alors son pouvoir est assassin, soit il ne maîtrise pas les actions homicides de ses proches, et alors son pouvoir est illusion. Le sentiment qu’Ubu Roi règne sur Kinshasa commence à se répandre partout en RDC. Sauf que ce comique est tragique : l’Absurde a sa place au théâtre, non au sommet de l’État.
A l’Est, la métamorphose de Corneille Nangaa
A l’inverse, à l’Est, Corneille Nangaa n’est plus le même homme qu’il y a quatre ans. L’ancien président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) s’est formé à l’art de la guerre et mué en Commandant. Il a étudié les techniques de combat et appris le maniement des armes. Les informations en provenance de Rutshuru font état d’une métamorphose de sa personnalité, haut fonctionnaire civil hier, aujourd’hui aguerri au métier des armes. Corneille Nangaa est donc devenu un véritable Commandant de la révolution constitutionnelle engagée, qui sait ce qu’il veut et ce qu’il peut, et développe une stratégie programmée pour réussir son action et emporter la décision sur le terrain. Sur les dernières photos et images de ses apparitions publiques à Bunagana et Matebe notamment, Nangaa apparaît parfaitement à son aise parmi les militaires avec qui il effectue des rondes stratégiques et des tournées d’évaluation.
Ainsi malgré les difficultés surmontées pour imposer l’union à l’ensemble des mouvements rebelles congolais, et peut-être grâce à ces épreuves, Corneille Nangaa donne l’image d’un leader politico-militaire prêt à assumer sa mission pleinement, en toute unité d’esprit avec ses collaborateurs militaires comme avec ses collègues politiques. Une image d’homme d’État, habité par la vision d’un Congo réunifié et pacifié, et capable de se donner tous les moyens d’y parvenir. (Fin)