Deux enfants dans le camp de déplacés de Loda, dans la province de l’Ituri. Photo : UNICEF/Desjardins
Les Nations Unies, dont le Secrétaire général de l’Organisation, ont vivement condamné l’attaque perpétrée par un groupe armé contre un camp de personnes déplacées, qui a fait au moins 58 morts parmi les civils, dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC).
L’attaque, qui a eu lieu mardi 1er février, a visé le site d’accueil pour personnes déplacées de Savo, sur le territoire de Djugu. Au moins 58 personnes, dont plus d’une douzaine d’enfants, ont été tuées et 36 autres blessées lors de l’attaque.
La cheffe de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO), Bintou Keita, a condamné avec la plus grande fermeté cette attaque meurtrière perpétrée par les milices de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) – une association informelle de divers groupes de milices Lendu.
« Des Casques bleus se sont rendus sur place pour stopper les tueries et repousser les assaillants», a-t-elle précisé.
Des Casques bleus de la MONUSCO en patrouille dans la province de l’Ituri. Photo : MONUSCO
Evacuation de blessés par la MONUSCO
S’adressant mercredi aux journalistes à New York, le porte-parole adjoint du Secrétaire général de l’ONU, Farhan Haq, a déclaré que les Casques bleus avaient échangé des coups de feu avec les assaillants peu après leur arrivée sur les lieux.
Les Casques bleus ont également mené des opérations conjointes avec l’armée congolaise jusqu’au petit matin, repoussant les assaillants hors de la zone et sécurisant le site pour empêcher de nouvelles attaques immédiates. Deux hélicoptères de la MONUSCO ont également évacué au total 19 blessés, dont trois enfants, de Bayoo vers la ville de Bunia.
Jeudi, le porte-parole adjoint a précisé que les Casques bleus continuaient d’effectuer des patrouilles robustes dans la région. « Ils ont également renforcé leur base d’opérations temporaire dans la région avec des troupes de Bunia. Ces troupes supplémentaires se concentreront sur la sécurité autour du site de Savo pour les personnes déplacées », a-t-il indiqué.
La MONUSCO est aussi en contact avec le gouverneur militaire de la province de l’Ituri, pour discuter des arrangements de sécurité et d’une présence accrue des forces de sécurité nationales. La Mission s’est également entretenue avec l’administrateur territorial et les principales parties prenantes aux niveaux local et provincial, y compris les dirigeants des communautés Hema et Lendu, pour les exhorter à intervenir pour désamorcer les tensions et empêcher une augmentation de la violence communautaire dans le territoire de Djugu.
Le chef de l’ONU réclame une enquête
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a condamné fermement cette attaque. Il a exprimé ses plus sincères condoléances aux familles des victimes et souhaité un prompt rétablissement aux blessés.
« Il appelle les autorités congolaises à enquêter sur ces incidents et à traduire les responsables en justice, tout en notant le caractère répréhensible de ces attaques sur un site où des civils déplacés par le conflit avaient cherché la protection et l’assistance humanitaire », a dit son porte-parole adjoint dans une déclaration à la presse jeudi. « Le Secrétaire général réitère que les Nations Unies, par le biais de sa Représentante spéciale en République démocratique du Congo, continueront à accompagner le Gouvernement et le peuple congolais dans leurs efforts visant à instaurer la paix et la stabilité ».
La Coordonnatrice humanitaire ad interim en RDC s’est dite profondément indignée par l’attaque. « C’est une terrible nouvelle. Mes plus sincères condoléances aux familles endeuillées. Je suis profondément attristée et choquée par ces faits », a déclaré jeudi Suzanna Tkalec.
« Ces personnes ont fui leurs villages en espérant échapper aux violences pour trouver refuge dans ce site. Jamais des civils ne doivent être pris pour cible. Je condamne fermement cette attaque. J’appelle tous les acteurs armés à respecter le caractère civil et humanitaire des sites de personnes déplacées », a-t-elle ajouté. Elle a appelé « les autorités congolaises à intensifier les efforts pour protéger les populations civiles y compris les personnes déplacées partout dans le pays ».
Des jeunes filles transportent de l’eau depuis une source en Ituri. © UNICEF/Scott Moncrieff
230.000 personnes déplacées en Ituri
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) se sont également dites horrifiées par l’attaque et ont rappelé à toutes les parties, dans un communiqué conjoint publié jeudi, leurs obligations, en vertu du droit international, de protéger et préserver la vie des populations civiles en toutes circonstances.
Les équipes de l’OIM et du HCR en Ituri se coordonnent avec d’autres acteurs humanitaires pour intensifier la réponse d’urgence, ont précisé les deux agences onusiennes.
Géré par le HCR et son partenaire CARITAS, le site accueillait plus de 20.000 déplacés internes, y compris plus de 13.000 enfants. De nombreux habitants du site ont fui vers la ville de Bule, à trois kilomètres de là.
Cette attaque survient moins de trois mois après celle qui avait visé les sites d’accueil pour personnes déplacées de Drodro et Tche, dans la même région du territoire de Djugu. Quelque 44 personnes avaient été tuées lors de cette attaque qui avait contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir.
Environ 230.000 personnes vivent sur plus de 60 sites de déplacement gérés par l’OIM et le HCR à travers la province. Les deux agences apportent leur appui au gouvernement dans la gestion de ces sites ainsi que dans la coordination de la protection et de l’aide humanitaire.
La RDC compte 5,6 millions de personnes déplacées, dont la plupart se concentrent dans l’est du pays, dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, ainsi que celles de l’Ituri et du Tanganyika.
Dans un rapport publié la semaine dernière, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a indiqué que 6.989 cas de violations des droits de l’homme ont été documentés l’année dernière dans le pays, soit une baisse de près de 12% par rapport à 2020. Environ 60% des violations ont été commises par des groupes armés dans les provinces touchées par le conflit armé. (Fin)