Des enfants déplacés par la violence jouent dans une cour d’école en RDC
En dépit d’une baisse globale du nombre d’abus signalés, le nombre de victimes d’exécutions sommaires et extrajudiciaires par des groupes armés a augmenté en République démocratique du Congo (RDC), a dénoncé mardi la Haut-Commissaire adjointe de l’ONU aux droits de l’homme.
« La poursuite de la violence pose de graves problèmes pour la protection des civils », a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme, Nada Al- Nashif, en présentant un rapport portant sur la période comprise entre le 1er juin 2020 et le 31 mai 2021. La grande majorité des abus et des violations des droits de l’homme continuent de se produire dans les zones de conflit armé.
Plus de 90% des violations et abus ont été documentés dans les provinces où les groupes armés sont actifs. Il s’agit en particulier du Nord-Kivu et de l’Ituri, et dans une moindre mesure dans les provinces du Sud-Kivu et du Tanganyika.
Mais cette insécurité dans les zones de conflit s’est également traduite par une volonté de reddition des comptes. « Au cours de la période considérée, au moins 107 membres des Forces armées de la RDC, 55 agents de la Police nationale congolaise et 134 membres de groupes armés ont été condamnés pour avoir commis des actes constituant des violations des droits de l’homme, notamment des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre », a ajouté Nada Al- Nashif. Selon l’ONU, ces résultats sont « encourageants ».
Des menaces contre des journalistes et les acteurs de la société civile
Mais pour les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet, il est essentiel de veiller à ce que les enquêtes et les poursuites à l’encontre des auteurs de violations continuent d’être menées conformément aux normes d’équité des procès, notamment dans la province du Kasaï, et en ce qui concerne les personnes présumées responsables de violences sexuelles.
Sur un autre plan, le Haut-Commissariat a constaté une réduction des violations des droits civils et politiques. Cependant, le bureau a continué à recevoir des alertes concernant des attaques et des menaces contre des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile.
Par ailleurs, « le niveau des discours de haine et d’incitation à la haine et à l’hostilité à travers le pays continue d’être alarmant », a ajouté Mme Al- Nashif. Dans ces conditions, elle encourage les dirigeants politiques et communautaires à inciter leurs militants et sympathisants à s’abstenir de tout discours de haine et à utiliser des moyens de communication et de débat pacifiques.
Pour un processus transparent dans le processus de sélection des membres de la commission électorale
« C’est la seule façon de garantir que le processus électoral soit équitable et pacifique », a-t-elle fait valoir. Alors que la RDC se dirige vers des élections nationales prévues en décembre 2023, le Haut-Commissariat encourage Kinshasa à consolider l’ouverture de l’espace démocratique observée depuis début 2019, notamment le respect du droit de réunion pacifique et de la liberté d’expression. Il s’agit aussi de veiller à ce que la réforme de la loi électorale et le processus de sélection des membres de la commission électorale soient transparents et inclusifs.
Pourtant malgré ces promesses de détente sur le plan politique, le Dr Denis Mukwege et lauréat du prix Nobel de la Paix a rappelé que la situation des droits humains en RDC est « l’une des pires au monde ». « Personne ne peut dire que l’on ne sait pas ce qu’il se passe en RDC depuis 25 ans », a affirmé dans une allocution vidéo le chef de la clinique Panzi, dans l’est de la RDC.
Diverses résolutions du Conseil de sécurité ont mis en lumière que « la culture de l’impunité a été et reste l’un des principaux obstacles à l’instauration de la paix en RDC ». « Cela explique en grande partie la perpétuation des atrocités de masse jusqu’à ce jour dans les provinces du Kivu et de l’Ituri », a insisté le Dr Mukwege.
Dr Mukwege plaide pour des mécanismes de justice transitionnelle
C’est la raison pour laquelle, il invite les Nations Unies à apporter un soutien effectif aux autorités et à la société civile congolaises afin d’adopter et de mettre en œuvre sans plus tarder une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle.
Mais avant que ces mécanismes de justice transitionnelle ne soient établis, il a invité les membres du Conseil des droits de l’homme à soutenir la mise en place d’une équipe d’enquêteurs intégrés au sein de la Mission onusienne en RDC.
Selon le Nobel de la paix, une telle entité comprendrait entre autres des experts en anthropologie médico-légale, pour exhumer les nombreuses fosses communes afin de collecter et préserver les éléments de preuve d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés en RDC.
Kasaï : des moyens adéquats pour finaliser enfin les instructions de 16 cas prioritaires
S’agissant de la situation au Kasaï, la crise Kamuina Nsapu, qui a endeuillé et ravagé le Grand Kasaï surtout de 2016-2017, s’est à présent « apaisée, à quelques incidents près ». « Cependant, les causes de l’éruption de violence demeurent et peuvent se raviver », a détaillé de son côté Bacre Waly Ndiaye, le chef de l’Equipe des experts internationaux sur la situation au Kasaï.
« Les innombrables déplacés qui ont atteint à un moment le million et demi, les réfugiés auxquels se sont mêlés ceux expulsés où retournés d’Angola, les survivants des massacres et viols, ceux et celles qui ont déposé les armes sans être réellement désarmés et réinsérés, la hausse de la criminalité, les extorsions, les attaques à main armées et même des femmes et enfants maintenus en esclavage en sont hélas les témoins », a-t-il ajouté.
Dans ces conditions, la mise en œuvre des recommandations de l’enquête menée par l’équipe d’experts internationaux lors de son premier mandat demeure plus que jamais une réelle nécessité. Face à l’absence de jugement dans les 16 cas prioritaires identifiés depuis près de 3 ans, des actions simples mais efficaces sont possibles pour y remédier.
Devant le Conseil des droits de l’homme, les experts ont donc recommandé que la justice militaire recrute et mette fin à un gel de 10 ans de ses recrutements. Elle doit ainsi bénéficier « d’un apport important en déployant temporairement au Kasaï des magistrats affectés dans des localités où ils ne sont pas dans des conditions de travailler et qui restent inactifs à Kinshasa ».
« Avec les moyens adéquats, ces magistrats peuvent aider la poignée de magistrats militaires actifs au Kasaï à finaliser enfin les instructions et les audiences dans les 16 cas prioritaires identifiés y compris le cas de Zeida Catalan et Michael Sharp et de leurs accompagnateurs congolais qui avaient fait l’objet de 187 audiences au 30 juin 2021 », a fait remarquer Bacre Ndiaye.
La RDC entend poursuivre sa lutte contre l’impunité et s’engage dans une campagne contre les discours haineux
Au titre de pays concerné, les autorités congolaises ont réaffirmé la volonté du gouvernement « de sanctionner les auteurs des violations des droits de l’homme ». A ce sujet, le Ministre des droits humains de la RDC a indiqué que les poursuites judiciaires des présumés auteurs de ces violations sont effectives à travers l’organisation des audiences foraines même dans les zones les plus reculées.
C’est dans cet élan qu’il faut retenir notamment la réouverture du procès des assassins des défenseurs des droits de l’homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana ; la poursuite des audiences des présumés assassins de deux experts de l’ONU Michael Sharp et Zaïda Katalan et leurs accompagnateurs ; et la reprise du procès des présumés assassins de Rossy Mukendi », a affirmé Me. Albert Fabrice Puela, Ministre congolais des droits de l’homme.
Plus largement, Kinshasa entend engager une vaste campagne nationale de sensibilisation sur les questions liées aux discours haineux et incitation à la haine lesquels sont identifiés comme source de conflits communautaires en RDC. « Il faut noter que dans sa note relative à la situation des droits de l’homme au 1er semestre 2021, le Bureau conjoint précité a noté une baisse des violations des droits de l’homme de 14% par rapport à la même période pour l’exercice précédent », a conclu Me. Puela. (Fin)