Les 24 entités des Nations Unies composant le réseau des Nations Unies contre la violence sexuelle en temps de conflit – dirigé par la Représente Spéciale des Nations Unies Pramila Patten – se joignent à l’appel de la Représentante Spéciale pour exhorter à l’action immédiate afin de protéger les femmes et les filles et de prévenir l’utilisation de violences sexuelles à l’intérieur et autour des sites pour les populations déplacées internes dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).
Le réseau des Nations Unies est profondément préoccupé par l’augmentation spectaculaire des cas de violence sexuelle enregistrés à l’est de la RDC et le ciblage des femmes et des filles par des hommes armés à l’intérieur et autour des sites pour les populations déplacées internes lors de leurs recherches de nourriture, d’eau ou de bois pour la cuisine. Des rapports attestent aussi de 1000 sites in Goma, Nord-Kivu, où des femmes et des filles déplacées sont forcées de s’adonner à des relations sexuelles pour survivre, y compris à l’intérieur des sites de personnes déplacées internes. Une préoccupation semblable est le risque que d’autres crimes comme la traite d’êtres humains deviennent répandus dans le contexte des conflits armés, tels que l’exploitation sexuelle, l’esclavage et le mariage forcé ainsi que le recrutement et l’utilisation des enfants dans le conflit armé.
Le Domaine de Responsabilité de la violence basée sur le genre (GBV AoR) en RDC a signalé une augmentation de 78 % du nombre de personnes survivantes cherchant des services pour répondre aux violences basées sur le genre dans la province du Nord-Kivu entre 2021 et 2022. Seulement au cours des trois premiers mois cette année, 10 339 survivantes de la province du Nord-Kivu, dont 66% ont été violées, ont fait appel à des services de lutte contre les violences basées sur le genre. Au cours de la même période, 5 292 personnes survivantes ont fait appel à des services similaires en Ituri et 4 582 dans la province du Sud-Kivu. De telles violations peuvent constituer des crimes atroces. Dans un contexte de forte insécurité et de déplacement, ainsi que de sous-signalement due à la peur de la stigmatisation et à la honte, ces chiffres représentent seulement un aperçu partiel, avec de nombreuses survivantes qui n’ont pas pu ou n’ont pas encore voulu rechercher des soins. Le Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme en RDC assure la liaison avec les partenaires et d’autres acteurs des Nations Unies dans le pays pour documenter les allégations et faciliter l’accès à l’aide pour les survivantes.
Nous rappelons à toutes les parties au conflit en RDC de mettre en place des mesures rigoureuses pour assurer la cessation immédiate et la responsabilisation pour toutes les formes de violence sexuelle, y compris en mettant pleinement en œuvre le communiqué conjoint sur la VSLC entre le Gouvernement et le système des Nations Unies et son Addendum, ainsi que la mise en œuvre intégrale du plan d’action de 2012 pour prévenir et mettre fin au recrutement et l’exploitation des enfants ainsi que les violences sexuelles envers les enfants.
Les sites pour les populations déplacées internes doivent être sécurisés par les autorités locales et nationales en accord avec leur obligation première de protéger les civils au regard du Droit International Humanitaire et d’une manière qui respecte strictement le droit international des Droits de l’Homme. Dans tous les efforts de prévention, nous appelons le gouvernement à utiliser et à mettre en œuvre le Cadre pour la Prévention des violences sexuelles liées aux conflits, élaboré par le Réseau des Nations Unies sur les VSLC.
Il est vital que les femmes et les filles ne soient pas exposées à des risques accrus de violence sexuelle. Par conséquent, nous encourageons fortement le Gouvernement de la RDC d’accélérer la mise en œuvre de son décret de fermeture des « maisons de tolérance » utilisées pour l’esclavage sexuel, dans plusieurs endroits y compris dans les sites pour les populations déplacées internes à Karisimbi et Goma. De telles actions comprennent la fermeture immédiate des toutes les maisons closes, souvent nommées localement comme des « maisons de tolérance », et le respect de ses engagements à renforcer la sauvegarde des communautés à risque.
Les personnes survivantes ont besoin de services holistiques, multisectoriels et centrés sur les personnes survivantes, y compris sur les plans médical, psychosocial, juridique et à des fins de réintégration socio-économique. Nous exhortons le gouvernement à mettre immédiatement en œuvre son intention de créer des centres de services intégrés pour fournir une assistance multisectorielle aux personnes survivantes de violences basées sur le genre, y compris les violences sexuelles liées aux conflits. De plus, le gouvernement de la RDC doit fournir un accès sans contrainte aux acteurs humanitaires pour protéger et répondre aux besoins des survivantes, en particulier des femmes, des enfants et autres groupes marginalisés.
Le réseau des Nations Unies sur les VSLC appelle le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’impunité et renforcer l’accès à la justice pour les survivantes de violences sexuelles liées aux conflits en identifiant et en amenant les responsables à répondre de leurs actes, quel que soit leur rang ou leur affiliation. De tels efforts garantiraient que les auteurs ne continuent pas à commettre des violences sexuelles sans craindre de devoir répondre de leurs actes. Pour ce faire, nous encourageons le gouvernement à renforcer les capacités du système judiciaire et à investir les ressources nécessaires pour que les survivantes puissent accéder à la justice, y compris par des mesures d’accompagnement et des réparations.
Nous appelons la communauté des donateurs à allouer un financement adéquat à la hauteur des besoins urgents et croissants de la crise, y compris au Fonds d’Affectation Spéciale Pluripartenaire pour les violences sexuelles liées aux conflits. De telles ressources permettront une meilleure protection et donneront les moyens aux Nations Unies et à leurs partenaires de répondre plus rapidement et à grande échelle pour fournir des services multisectoriels vitaux immédiats aux survivantes de violences sexuelles liées aux conflits, aux personnes à risque et aux survivantes d’autres types de violences basées sur le genre.
Nous sommes prêts à aider les autorités à respecter leurs engagements en faveur de la prévention et de la réponse aux violences sexuelles liées aux conflits sous toutes leurs formes, y compris au travers de la prévention des conflits, de la réponse humanitaire, du désarmement, du rétablissement et de la consolidation de la paix – qui devraient tous être centrés sur le leadership des femmes et sur les organisations dirigées par des femmes.
La RDC fait partie des situations préoccupantes qui seront discutées au Débat Public sur les violences sexuelles liées aux conflits le 14 juillet 2023 (S/2023/413). Le réseau des Nations Unies sur les VSLC réitère son engagement à soutenir tous les acteurs pour mettre fin au fléau des violences sexuelles liées aux conflits en RDC et partout où ces violences se produisent, ainsi qu’à soutenir les survivantes. (Fin)