By Khalid Cherkaoui Semmouni, Directeur du CREPS*
L’ancien Secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, avait indiqué en mars 2005 : « il n’y a pas de sécurité sans développement ; il n’y a pas de développement sans sécurité ». En réalité, le développement et la sécurité sont deux problématiques qui ne vont pas l’une sans l’autre. Ils sont deux Objectifs importants. Il n’est cependant pas établi que sans développement il n’y ait pas de sécurité, ni que sans sécurité il n’y ait pas de développement économique durable possible.
Alors, il existe un lien entre la sécurité et le développement économique. Mais, la question qui se pose : la priorité est-elle la sécurité ou le développement?
Durant les années 80, le développement se limitait à la recherche d’une croissance économique. Durant les années 90, la notion de « développement humain » a été évoquée pour la première fois par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) dans son indice de développement humain basé sur trois mesures : la santé (espérance de vie), l’éducation (taux d’alphabétisation) et le niveau de vie (PIB par habitant). Vers la moitié des années 90, le concept de sécurité humaine combine une approche axée sur le développement de l’individu et une approche axée sur la sécurité.
Mais, après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats Unies d’Amérique, le terme « sécurité » est souvent devenu synonyme de « lutte contre le terrorisme ». L’aide au développement y est considérée comme partie intégrante de la lutte contre le terrorisme, et pas seulement la sécurité humaine. A savoir que le terrorisme prospère sur la grande pauvreté, le trafic de drogue, le trafic d’armes, le trafic d’êtres humains et la déstabilisation des Etats. La lutte contre le terrorisme passe donc aussi par le développement économique des régions sur lesquelles il prospère.
Aujourd’hui, la définition classique de la sécurité est dépassée. Elle englobe aussi des facteurs socio-économiques et culturels. Les Nations Unies adoptent ici le concept de «human security» (sécurité humaine). Il comprend la protection des libertés fondamentales et aussi celle des personnes contre des menaces de la criminalité.
Rappelant que la paix, la sécurité, le développement, la gouvernance et les droits de l’homme sont indissociables, il n’y a pas de développement sans sécurité. Mais, ces deux volets demeurent insuffisants s’il n’y a pas d’Etat de droit qui permet la bonne gouvernance, la réparation des richesses et la reddition des comptes. L’absence de cet Etat de droit ouvre la porte à l’insécurité. Car lorsque le pays est entré dans une phase marquée par l’augmentation des revendications et contestations sociales, il risquerait de vivre un état d’insécurité.
D’autre part, l’insécurité et le terrorisme constituent des obstacles devant le développement durable et continueront à l’être tant qu’on n’a pas associé la sécurité aux facteurs socio-économiques et culturels.
Aussi, si la sécurité et le développement sont incohérents, il est d’autant plus difficile d’assurer efficacement le respect des droits sociaux et économiques. De même, lorsqu’on donne une priorité à la sécurité au détriment du développement, les risques de violences, de criminalité, de violations des droits de l’homme, s’en trouvent accrus dans la société.
En conclusion, pour assurer la stabilité politique, la prospérité, et l’État de droit, il faut construire une nouvelle approche de la sécurité qui ne repose pas seulement sur des mesures répressives, de détention ou accroissement du nombre des détenus, mais qui en même temps, prenne en compte la promotion du développement durable en intégrant les dimensions économiques, sociales et culturelles.
Le développement durable est la priorité la plus urgente du Maroc et l’objectif central du nouveau modèle de développement. Mais, sans oublier aussi le rôle fondamental de la sécurité, facteur essentiels du développement. (Fin)
*Centre de Rabat pour les études politiques et stratégiques (CREPS)