Une scène finale de réconciliation en famille et de prise en charge de ses responsabilités
Shangasha (Byumba): En ce mardi du 27 Juillet dans la matinée, des fidèles assis devant l’église de la centrale catholique de Shangasha, aperçoivent le véhicule de l’Abbé Jean-Marie Vianney Dushimiyimana, leur Curé de la Paroisse-Cathédrale de Byumba. Ils le saluent avec joie et enthousiasme, tout en pénétrant dans cette église perchée sur les hauteurs des collines de Rushaki, un important centre de santé et une paroisse non loin du Centre théicole de Mulindi au Nord.
« Ils m’attendent nombreux cette matinée. J’ai rendez-vous avec eux pour aplanir les conflits familiaux qui minent l’harmonie des ménages et empêchent que les gens travaillent ensemble pour améliorer leurs conditions de vie », confie l’Abbé Dushiyimimana à son ami et partenaire Leny Mora de l’ONG suisse SECODEV (Service de coopération pour le développement), en visite au Rwanda.
SECODEV finance un projet d’utilisation du théâtre pour faire évoluer positivement les comportements des gens, afin que tous renoncent à la violence contre le genre et pratiquent une culture de la paix propice à un climat de travailler ensemble pour se développer.
« Ce projet concerne des ménages à problèmes. Il a été constaté que les populations sont bloquées dans leurs activités par des conflits familiaux au sein des ménages et des voisins. L’agriculture et les travaux de développement s’avèrent bloqués par une absence de synergie et de tolérance. Maris et femmes passent leur temps à se quereller au lieu de s’atteler au dur labeur quotidien productif. Il faut éliminer de tels blocages en recourant au théâtre, comme le définissait le célèbre comédien français Molière : « Castigat ridendo mores » : Il châtie les mœurs en riant ».
Un public très attentif.
L’Abbé Dushimiyimana a créé quatre troupes de dix personnes chacun à Byumba, Shangasha et sur deux autres sites. Ces troupes se produisent pour les parents et les jeunes dans le but d’exposer les tares d’une société violente et bagarreuse exhortée à se transformer pour privilégier la paix, le dialogue, le travail en commun et d’autres valeurs positives qui propulsent la communauté sur la voie de l’entente et de la prospérité. Dix troupes de théâtres ont également été formées dans les écoles, et reprendront leurs activités avec la rentrée scolaire de septembre.
L’Abbé Dushimiyimana a adopté toutes les voies en place pour faire passer un message qui bâtit une société saine : il utilise les homélies, les conseils, les discussions, les travaux en groupes, en collaboration avec tous les organes en place et plus particulièrement les autorités locales.
Preuve à l’appui que la problématique est globale, pour montrer que ce ne sont pas seulement les hommes qui sont violents envers leurs femmes, il accepte que cinq hommes parlent publiquement des mauvais comportements de leurs épouses, et dans des conditions diverses. Seulement, ces hommes tolèrent en attendant que leurs compagnes changent leurs mauvais comportements. L’une des femmes a déserté le toit conjugal durant une semaine de prières chez des pentecôtistes où elle exerce des activités domestiques chez le Pasteur. D’autres femmes boivent, s’enivrent et passent la nuit au cabaret pour regagner le toit conjugal le lendemain. Les maris sont abasourdis, mais ne savent où donner de la tête. Ils attendent que les épouses changent de comportement. Ils ont honte d’exposer publiquement leurs compagnes. Mais maintenant, ils sont sortis du mutisme afin de crever l’abcès et de soigner une plaie qui risque de s’avérer béante et incurable.
Ainsi, durant la messe, le Curé de la Cathédrale de Byumba sollicite les conseillers en santé, aux groupes inshuti z’umuryango ou les amis de la famille, de se lever et de s’assoir à part. Ce sont eux qui encadrent les ménages qui s’entre-déchirent afin que ceux-ci se ressoudent. Puis il appelle devant le public les jeune-filles mères. Celles-ci se lèvent avec leurs enfants au dos et s’assoient à part.
« C’est dire que les grossesses précoces chez les jeunes filles sont monnaie courante. Les mesures pour sévir ne sont pas suffisamment en place dans le coin. Les auteurs des grossesses ne sont pas sérieusement poursuivis par la justice locale afin de décourager leur résurgence », confie une jeune fille.
Puis l’Abbé Dushimiyimana remercie les couples à problèmes qui sont au complet pour la séance du jour. Il regrette que la majorité des femmes dont les ménages subissent des violences conjugales, ne se soient pas présentées avec leurs maris. Ces derniers sont rarement coopératifs. Mais la réunion se tient et poursuit son programme de recherche des biens et moyens pour asseoir une communauté apaisée, sans violence basée sur le genre.
La seconde partie de l’ordre du jour arrive avec le théâtre pour changer la société. Le thème du jour se focaliser sur deux ménages : l’un miné par un mari alcoolique nommé Simbikangwa ou l’homme qui ne se soucie de rien, qui n’a peur de rien, dépensier, dilapide la récolte de haricot et le revenu familial dans la consommation d’une drogue appelée « kasese » importée de la zone ougandaise frontalière. La femme de Simbikangwa vit dans l’absence totale de l’hygiène. Les chics pullulent sur ses orteils. Ses habits sont sales, son ménage impropre. Elle est la cible de tous les maux et de toutes les maladies.
Fébrile et maladive, elle ose affronter son mari titubant et croulant sous l’effet de la « kesese ». Coups et violences dans leur famille pleuvent au quotidien. Le résultat n’est que misère et pauvreté. Leur fille adolescente ne supporte pas de vivre dans ce climat traumatisant. Elle choisit d’aller se faire domestique en ville. Elle y arrive. Le même soir, à la recherche d’un travail, elle se fait piéger par un voyou qui la drogue, l’héberge et la viole alors qu’elle est inconsciente. Le résultat est qu’elle est enceinte et infectée par le virus du VIH. Quelques mois après, elle décide de retourner chez ses parents où sa mère souffrante l’accepte et l’aide à éduquer le futur enfant. Les conseils des voisins ont été déterminants pour ramener Simbikangwa à renoncer à son alcoolisme et à sa violence pour prendre en charge son ménage.
Le deuxième ménage exposé dans ce théâtre est celui d’un couple positif où règne le dialogue constructif, le partage des tâches et la bonne éducation des enfants. Le résultat est que ce ménage dispose de vaches en bonne santé et qui se multiplient. Une de leur fille est policière en mission de maintien de la paix au Cabo Delgado au Mozambique. A son retour avec des frais des missions, elle mettra de la peinture sur la maison que les parents viennent d’achever. Le fils de cette famille, de son côté, qui vient de terminer ses études, a aussi réussi le concours qui fait de lui le directeur du Centre théicole de Mulindi, un poste prestigieux qui confirme de multiples avantages à sa famille devenue un modèle de succès pour les autres villageois.
Il appartient alors au public qui assiste au théâtre de tirer les leçons les plus saillantes comme le prouve une discussion guidée sous la vigilance de l’Abbé Dushimiyimana. La grande leçon est de travailler ensemble et de bien gérer le revenu familial, sans le dilapider. Puis il faut bannir les violences liées au genre dans les ménages, privilégier la convivialité, et le travail productif dans des conditions de vie décentes. (Fin)