Doudou Diène, Président de la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi.
By Lewis Mudge*
L’élection d’un nouveau président au Burundi a suscité l’espoir, parmi les partenaires internationaux, qu’un sombre chapitre de l’histoire de ce pays serait peut-être enfin clos. Il existe un certain optimisme que de nouvelles relations puissent être forgées avec le président Évariste Ndayishimiye et son administration, afin de mettre en place des réformes respectueuses des droits humains.
Mais ces espoirs ne devraient pas avoir pour contrepartie la fin d’un exercice indispensable, qui est l’examen par un organe indépendant de la situation des droits humains dans ce pays. Dans une lettre adressée récemment au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, 43 organisations, dont Human Rights Watch, ont exhorté les États membres à adopter une résolution prorogeant le mandat de la Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi.
Cette Commission a été créée en septembre 2016 pour enquêter sur les violations des droits humains et les abus commis au Burundi depuis le début de la crise en avril 2015 et, un an plus tard, elle a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité avaient été commis. Son mandat a été prorogé chaque année depuis lors. À l’époque, l’Union européenne (UE) avait réagi fermement à la crise en annonçant la suspension de son soutien budgétaire direct au gouvernement burundais, et en imposant des sanctions ciblées à quatre individus – dont l’un est un haut responsable dans l’actuel gouvernement – présumés impliqués dans la répression.
L’UE devrait éviter d’envoyer au gouvernement burundais des signaux qui diminueraient l’importance d’accomplir des réformes en matière de droits humains, notamment en mettant fin au mandat de la Commission en l’absence de progrès concrets.
Malgré l’existence de certains signes prometteurs, mais sporadiques, d’éventuelles réformes, de fortes préoccupations demeurent. Depuis son élection, Ndayishimiye a fait des commentaires méprisants au sujet des défenseurs des droits humains, des lanceurs d’alerte, des dissidents politiques, des membres de la communauté LGBTI et de personnes généralement perçues comme étant des détracteurs du gouvernement. Des incidents violents liés à des questions sécuritaires continuent d’être rapportés par les médias locaux, qui ne sont toujours pas en mesure de faire leur travail librement et de manière indépendante. En outre, la tristement célèbre ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, n’a pas été maîtrisée. En juillet, les experts de la Commission ont lancé une mise en garde en déclarant qu’il «faut plus qu’un nouveau président pour briser le cycle de la violence au Burundi.»
Ce n’est pas le moment de relâcher la surveillance. À ce jour, la Commission reste le seul mécanisme indépendant doté de suffisamment de ressources et d’expérience pour documenter, surveiller et informer sur les violations des droits humains au Burundi, et le seul qui ait pour tâche d’identifier les auteurs de ces violations et de mettre fin à l’impunité dont ils bénéficient.
Les États membres de l’UE devraient soutenir le renouvellement de son mandat et proposer des mesures spécifiques que le Burundi devrait prendre afin de faciliter un rapprochement espéré depuis longtemps avec la communauté internationale. Ne pas renouveler le mandat de la Commission enverrait au gouvernement le message que sa stratégie consistant à faire obstruction aux organes indépendants qui enquêtent sur les abus fonctionne. Jusqu’à ce que le président Ndayishimiye prouve qu’il est prêt à traduire ses promesses en actes, la Commission devrait poursuivre son travail. (Fin).
* Lewis Mudge est Directeur, Afrique centrale, de Human Rights Watch, une organisation internationale des droits humains basée à New York.